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ISO 690 | Goff-Cubilier, V., L., Bryois, C., Les troubles somatoformes : diagnostics et prises en charge, Rev Med Suisse, 2005/062 (Vol.2), p. 1069–1074. DOI: 10.53738/REVMED.2006.2.62.1069 URL: https://www.revmed.ch/revue-medicale-suisse/2006/revue-medicale-suisse-62/les-troubles-somatoformes-diagnostics-et-prises-en-charge |
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MLA | Goff-Cubilier, V., L., et al. Les troubles somatoformes : diagnostics et prises en charge, Rev Med Suisse, Vol. 2, no. 062, 2005, pp. 1069–1074. |
APA | Goff-Cubilier, V., L., Bryois, C. (2005), Les troubles somatoformes : diagnostics et prises en charge, Rev Med Suisse, 2, no. 062, 1069–1074. https://doi.org/10.53738/REVMED.2006.2.62.1069 |
NLM | Goff-Cubilier, V., L., et al.Les troubles somatoformes : diagnostics et prises en charge. Rev Med Suisse. 2005; 2 (062): 1069–1074. |
DOI | https://doi.org/10.53738/REVMED.2006.2.62.1069 |
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Somatoform disorders include several diagnoses, the treatment of which concerns somaticians as well as psychiatrists. This paper defines those diagnosis features, differential diagnosis, epidemiological aspects and etiology hypothesis. Regarding treatments, emphasis is stressed upon, the high level of collaboration between somaticians and psychiatrists, regarding those long term follow-up, well known for potential high-costs in terms of individual suffering and financial terms.
Les troubles somatoformes recouvrent différentes entités diagnostiques, dont la prise en charge concerne tout autant les somaticiens que les psychiatres. Le présent article reprend ces diagnostics ainsi que les diagnostics différentiels, l’épidé-miologie et les hypothèses étiologiques. Sur le plan thérapeutique, l’accent est mis sur la qualité de la collaboration entre somaticiens et psychiatres, dans le cadre de suivis de longue durée, potentiellement fort coûteux tant sur le plan financier qu’individuel.
Fréquemment rencontrés, dans un premier temps de consultation par les médecins somaticiens, les troubles somatoformes se trouvent à la croisée des chemins entre la médecine somatique et la psychiatrie. Le terme de troubles somatoformes recouvre différentes entités diagnostiques, lesquelles posent aux praticiens concernés des difficultés constantes d’évaluation et de prise en charge.
Il s’agit d’une femme de 55 ans, divorcée de longue date, mère de deux garçons qu’elle a élevés seule, ne s’étant jamais remariée. L’aîné est indépendant, le second vient de terminer ses études et est en recherche d’emploi. Elle a travaillé toute sa vie comme secrétaire de direction, occupant le même poste durant ces quinze dernières années. L’anamnèse personnelle et familiale, tant somatique que psychiatrique, est négative, hormis un bref épisode dépressif au moment du divorce. La patiente mentionne seulement qu’elle ne s’est jamais sentie reconnue par ses parents et son frère des efforts qu’elle a toujours fournis pour «s’en sortir seule avec deux enfants». En 2001, lors d’une restructuration, elle change de supérieur hiérarchique et rapidement, ne s’entend pas avec ce dernier. Progressivement apparaissent une asthénie, des maux de tête, des douleurs dentaires, des troubles de la déglutition et des troubles gastriques («acidité», alternance de diarrhée et constipation, perte d’appétit mais prise de poids), pour lesquels elle consulte son médecin généraliste et reçoit des traitements symptomatiques. L’hypothèse d’un mobbing est évoquée à cette période. Durant l’année 2001, l’ensemble du tableau se péjore de façon dramatique: les troubles somatiques précités persistent et conduisent la patiente à consulter un neurologue, un interniste, un dentiste, et un gastroentérologue. De nombreux examens complémentaires sont demandés de façon simultanée, incluant gastro et coloscopie. La possibilité d’une intervention de repositionnement de la mâchoire est évoquée. Des arthralgies et des douleurs musculaires apparaissent. Parallèlement, un état anxio-dépressif clair se fait jour, nécessitant l’adjonction d’antidépresseurs et de benzodiazépines à un traitement somatique déjà conséquent. L’état de la patiente ne s’améliore pas, de nombreux antidépresseurs se succèdent, tous écartés au vu de multiples effets secondaires, tandis que la consommation de benzodiazépines devient incontrôlable. Les arrêts de travail sont continus. En 2002, après ablation de diverticules coliques bénins par voie endoscopique, une hospitalisation en psychiatrie a lieu au vu de la gravité de l’état dépressif. Durant le séjour, la patiente s’améliore sur le plan thymique avec un nouvel antidépresseur, mais sans jamais parvenir à se sevrer totalement des benzodiazépines. A sa sortie, le mieux psychiatrique est contrebalancé par une nouvelle aggravation somatique, les douleurs quittant la sphère digestive pour devenir essentiellement articulaires et musculaires. La patiente change trois fois d’interniste en six mois, consulte un endocrinologue à plusieurs reprises, est adressée à un rhumatologue qui diagnostique une fibromyalgie, est toujours suivie sur le plan psychiatrique. L’ensemble des traitements échoue, les effets secondaires sont nombreux, les changements de molécules se poursuivent, les douleurs deviennent insupportables. Les médecines parallèles (massages énergétiques, kinésiologue, magnétiseur, chromatothérapie) sont assidûment fréquentées, avec le même résultat. Fin 2003, une rente invalidité est demandée. Depuis, le suivi se stabilise autour d’un interniste, du rhumatologue et du psychiatre, tandis que le tournus des médecines parallèles se poursuit. Les traitements médicamenteux restent difficiles à stabiliser, mais les trois médecins évitent de prescrire sans se consulter, ce qui limite l’inflation. Les symptômes somatiques et psychiatriques coexistent en permanence mais peuvent s’exacerber en alternance, voire s’aggraver en parallèle en cas de contrariété majeure (facteurs contextuels clairement identifiés).
Le diagnostic se confirme donc de troubles somato-formes avec comme comorbidités psychiatriques un état anxiodépressif persistant et un trouble de la personnalité de type histrionique.
Selon la classification internationale des maladies (CIM-10), les troubles somatoformes sont «caractérisés par des symptômes physiques associés à des demandes d’investigation médicale, persistant malgré des bilans négatifs répétés. La présence avérée d’un trouble physique authentique ne permet pas de rendre compte de la nature ni de la gravité des symptômes du patient. Le patient s’oppose à toute hypothèse psychologique pouvant expliquer ses troubles, même quand le contexte l’évoque ou qu’il existe des symptômes dépressifs ou anxieux manifestes». La CIM-10 spécifie, par ailleurs, «que ces patients présentent souvent un comportement histrionique et essayent d’attirer l’attention d’autrui, notamment quand ils ne réussissent pas à convaincre leur médecin de la nature essentiellement physique de leur maladie et de la nécessité de poursuivre les investigations et les examens complémentaires».
Les deux grandes classifications utilisées en psychiatrie, à savoir la CIM-10 et le DSM-IV, sont globalement superposables en la matière, hormis en ce qui concerne les troubles de conversion qui sont considérés comme troubles dissociatifs selon la CIM-10 (survenant en relation temporelle étroite avec des événements traumatiques, problèmes insolubles ou insupportables ou relations interpersonnelles difficiles). Selon le DSM-IV, ils sont classés dans les troubles somatoformes.
Sont donc communément admis comme étant des troubles somatoformes: la somatisation, le trouble hypocondriaque (incluant la dysmorphophobie), le trouble somatoforme indifférencié, le dysfonctionnement neurovégétatif somatoforme, le syndrome douloureux somatoforme persistant, et selon les classifications, les troubles de conversion.
Elle se caractérise par un refus persistant d’accepter l’avis médical confirmant l’absence de toute cause organique. On y retrouve une perturbation concomitante du comportement et une altération du fonctionnement social et familial. Elle se caractérise par des plaintes somatiques multiples et variables, pendant au moins deux ans, ne pouvant être expliquées par un trouble somatique identifiable.
Il s’agit de la conviction d’être atteint d’une ou plusieurs maladies somatiques graves, conviction fondée sur la présence d’un ou de plusieurs symptômes persistants alors que les investigations répétées ne mettent en évidence aucune cause organique plausible. On y inclut aussi la dysmorpho-phobie, à savoir une préoccupation persistante concernant un défaut ou une disgrâce physique. Dans les deux cas, on retrouve un refus persistant d’accepter les conclusions rassurantes des médecins confirmant l’absence de tout problème somatique pouvant rendre compte des symptômes.
On y retrouve l’absence de tout argument en faveur d’un trouble physique pouvant rendre compte des divers symptômes caractéristiques de ces troubles (amnésie, fugue, stupeur, état de transe, atteinte motrice ou sensorielle, convulsion, etc.). On relève, dans cette catégorie diagnostique, la présence d’arguments en faveur d’une origine psychologique avec relation temporelle manifeste entre la survenue du trouble et celle d’un événement stressant ou traumatisant ou perturbation des relations interpersonnelles, relation qui est ardemment niée par le patient.
Il se caractérise par des plaintes somatiques multiples, variables, persistantes mais ne répondant pas au tableau complet d’une somatisation. Il y a également l’absence de trouble organique pouvant expliquer les symptômes.
Les symptômes sont ceux d’une hyperactivité neurovégétative. Ce sont des symptômes persistants et gênants, associés à de nombreuses plaintes subjectives que le patient attribue à un système ou un organe spécifique. Le patient craint d’avoir une maladie grave vis-à-vis de laquelle il ne peut être rassuré, même en l’absence de problème somatique avéré du système ou de l’organe désigné.
Il se caractérise par une douleur intense et persistante accompagnée d’un sentiment de détresse, n’étant pas expliqué entièrement par un problème somatique et survenant dans un contexte de conflit émotionnel et/ou psychosocial pouvant être considéré comme la cause essentielle du trouble.
On y retrouve des plaintes se rapportant à des systèmes ou à des parties du corps spécifiques (dysphagie, torticolis psychogène, prurit psychogène, dysménorrhée psychogène, bruxisme). Ceci en l’absence d’atteinte lésionnelle et en étroite relation temporelle avec des événements stressants.
Selon Kirmeyer,1 les troubles somatoformes seraient planétaires et historiques.
L’influence des facteurs socioculturels, en ce qui concerne la somatisation, porte essentiellement sur le type de symptômes présentés ainsi que sur la relation qui peut être retrouvée avec d’autres troubles psychiatriques (nous y reviendrons en parlant des comorbidités). Selon Escobar2,3 et Hsu,4 l’aspect culturel ne fait que colorer l’expression du trouble somatoforme (certains types de symptômes étant plutôt présentés par certaines populations) ainsi que le recours aux soins (certains types de populations répondant mieux à certains traitements que d’autres).
L’étude de Schoepf,5 démontre que les femmes seraient plus touchées que les hommes en ce qui concerne les diagnostics de somatisation, de conversion (femmes jeunes) et de douleurs chroniques (40 à 50 ans). En revanche, les hommes présentent plus de troubles hypocondriaques entraînant des moyennes de durée d’arrêt de travail supérieures à celles des femmes (vingt-deux jours pour les hommes contre une dizaine de jours pour les femmes).
Dans une étude de 2548 patients, avec un suivi de 42 mois, Lieb6 retrouve une incidence de 25,7% de troubles somatoformes avec 48% de troubles somatoformes déclarés comme stables. Dans cette étude, le fait d’être une femme de bas niveau social, avec une consommation de toxiques, des troubles de l’humeur et de l’anxiété ainsi qu’un passé d’abus sexuels ou physiques semblent favoriser l’apparition de troubles somatoformes, alors que la chronification de ces troubles semble favorisée une nouvelle fois par le fait d’être femme, d’avoir un passé lié à l’utilisation de substances, un passé traumatique ainsi que des troubles de l’humeur et des troubles alimentaires.
Thomassen7 rapporte une importante étude de 1984 à 1991 sur 13000 consultations en psychiatrie de liaison, concluant à la détection de 544 patients présentant un trouble somatoforme dont 39,5% avec un diagnostic de trouble de conversion. Il ne relève pas de différences significatives entre les sexes mais met en évidence un impact social important du diagnostic, à savoir que parmi les patients porteurs d’un diagnostic de troubles somatoformes, 58% d’entre eux travaillent dans le groupe 20 à 29 ans alors qu’il n’y en a plus que 6% encore en activité professionnelle dans le groupe âgé de 50 à 59 ans. Cette chute, au niveau de la capacité de travail, est significativement supérieure à celle observée dans des groupes présentant un autre diagnostic psychiatrique ou dans un autre groupe ne présentant pas de diagnostic psychiatrique. Il est intéressant de noter également, dans cette étude, que 74% des personnes ayant présenté ce diagnostic au cours de l’étude ont été référés, par la suite, pour un suivi ambulatoire.
Snyder8 mentionne que 31% des troubles somatoformes diagnostiqués en hôpital somatique, ne le seraient qu’en fin d’hospitalisation. Il faut bien prendre conscience que cette difficulté à poser le diagnostic semble être à l’origine de la difficulté à mener des recherches standardisées sur cette population. En effet, les études consultées lors de l’établissement de la bibliographie vont mettre cette problématique en évidence à différents niveaux, que cela soit sur le plan de l’épidémiologie, de l’établissement du diagnostic, de l’évaluation chiffrant les comorbidités, et de l’évaluation de l’efficacité des traitements proposés. A tous ces niveaux, les résultats documentés par les différents auteurs ont présenté de grandes différences et certains auteurs n’hésitent pas à souligner, eux-mêmes, les importants biais méthodologiques de leur propre étude.9
Elles sont aussi nombreuses que variées allant de la psychodynamique (répression d’affects négatifs) à la neurobiologie.
Belous10 et Rief,11-15 incriminent un dysfonctionnement dans la neurotransmission de la sérotonine dans le cas des troubles somatoformes, Tokunaga,16 aurait retrouvé un moins bon fonctionnement des récepteurs aux benzodiazépines dans le cortex frontal, temporal et pariétal des patients ayant ce diagnostic, Miller17 mentionne une altération de la stimulation du réticulum avec asymétrie du fonctionnement cérébral chez ces patients. Scholz18 mentionne des troubles perceptifs, les patients présentant des troubles somatoformes auraient, semble-t-il, une perception plus précise de l’intensité des tensions musculaires au niveau des muscles périphériques.
Plusieurs recherches génétiques ont été menées, chez ces patients, (Torgersen,19,20 Bohman,21 Sigvardsson,22 Cloninger,23 Kirmeyer,1 mentionnant Smith 1991). L’ensemble de ces études tendrait à trouver une proportion plus importante de troubles de la personnalité de type antisocial dans les familles au premier degré de patients atteints de troubles somatoformes. Bohman21 le mentionne spécifiquement dans une étude portant sur les pères biologiques de femmes adoptées somatisantes. Il mentionne également un taux de criminalité et d’alcoolisme important chez ces pères, ces éléments d’alcoolisme et de criminalité étant également repris dans l’étude de Torgersen.19,20
Malgré le manque d’études prospectives longitudinales unanimement mentionné par les auteurs, différents facteurs contextuels sont régulièrement mentionnés au chapitre des hypothèses étiologiques: les antécédents traumatiques, surtout dans l’enfance, pouvant affecter les perceptions physiques (tels que les abus sexuels, Kirmeyer,1 citant Walker, Spiegel). Hartvig24 évoque lui aussi une étiologie environnementale des troubles somatoformes par une exposition, dans l’enfance, à des décès, divorces, maladies graves dans la famille ou également des douleurs chroniques chez les membres de la famille. Rogers25 mentionne une étude établissant qu’un diagnostic de syndrome post-traumatique a été retrouvé chez 22% des patients ayant, au préalable, un diagnostic de troubles somatoformes. Kirmeyer,1 (citant Wilkinson) met en avant une hypothèse contextuelle familiale. Les patients présentant, à l’âge adulte, un trouble somatoforme auraient eu des parents renforçant l’expression somatique chez eux au détriment de l’expression des émotions. Les parents de ces patients auraient eu, eux-mêmes, souvent des comportements de somatisation. Les patients ayant un trouble somatoforme auraient pu également être fréquemment en contact, durant leur enfance, avec des membres de la famille adultes et malades.
Là encore, la variabilité des résultats des différentes études est notoire.
Smith,26 dans une revue de la littérature allant de 1975 à 1990, dégage une prévalence élevée des dépressions dans les diagnostics de somatisation et de douleurs chroniques. A l’inverse, les patients ayant un diagnostic de dépression majeure souffrent plus fréquemment des douleurs et présenteraient également, de façon significative, des symptômes de somatisation et/ou d’hypocondrie. Toujours selon lui, le traitement de la dépression améliorerait la symptomatologie douloureuse et les somatisations. L’étude de Rief,11 retrouve une comorbidité pour les troubles so-matoformes de 86% de troubles affectifs et 43% de troubles anxieux. Les chiffres de l’étude de Leibbrand27-29 (101 patients avec un diagnostic de troubles somatoformes) sont encore plus élevés: 79% de dépressions majeures et 68,9% de troubles anxieux associés.
Les chiffres sont très variables en ce qui concerne les troubles de la personnalité éventuellement associés au diagnostic de troubles somatoformes. Selon les études, on retrouve une association à des troubles de la personnalité dans 50 à 70% des cas. Au sein même des troubles de la personnalité répertoriés comme étant associés à des troubles somatoformes, sont fréquemment mentionnées: personnalité histrionique, personnalité antisociale, personnalité évitante, obsessionnelle-compulsive, dépendante, narcissique. Le problème, c’est que leur prévalence est tellement variable d’une étude à l’autre qu’il paraît inutile de mentionner les chiffres, certaines fourchettes pouvant aller sur les études de 4 à 60% pour l’association du diagnostic. Par contre, les traits alexithymiques sont toujours présents quand ils ont été recherchés dans les différentes études. L’intérêt de l’identification des troubles de la personnalité associés est essentiellement un intérêt pronostique, certains troubles de la personnalité étant notoirement plus sujets aux interruptions de traitement que d’autres.
Il serait certainement plus exact de parler de prise en charge des troubles somatoformes plutôt que de traitement au sens strict du terme. Ces prises en charge, dont il est clair qu’elles s’inscriront dans la durée, seront de meilleure qualité si elles s’inscrivent avant tout dans le cadre d’une étroite collaboration entre somaticiens et psychiatres.30
Ainsi, le Quality Assurance Project Australian and New-Zealand Worldwide College of Psychiatry31 préconise les prises en charge suivantes:
pour l’hypocondrie: une association de thérapie brève dynamique individuelle, thérapie de famille, consultation médicale.
Pour les somatisations: une psychothérapie de soutien à moyen terme associée aux consultations médicales.
Pour les douleurs chroniques: un soutien psychothérapeutique et une forte collaboration entre médecins, un soulagement antalgique.
Dans les trois cas, il préconise de la physiothérapie et une éducation des patients au niveau de la qualité de leur perception. Dans ces guidelines, il est mentionné que les thérapies cognitivo-comportementales et les benzodiazépines ne présentent pas d’intérêt.
Les traitements médicamenteux portent essentiellement sur le traitement de la dépression (fluvoxamine,32 opipra-mol33-35). Fishbain36 a présenté une étude de l’effet antalgique de différents antidépresseurs dans les douleurs chroniques et les troubles somatoformes. Les conclusions ont été celles d’une diminution de la douleur supérieure à celle obtenue par placebo. Les antidépresseurs de différentes familles, y compris les sérotoninergiques, et non pas seulement comme il était jusqu’ici de tradition les antidépresseurs tricycliques, semblent donc avoir un effet positif. Par contre, les benzodiazépines ne sont pas mentionnées, voire clairement déconseillées comme traitement des troubles anxieux adjoints des troubles somatoformes.
Relativement aux différents types de psychothérapie que l’on peut proposer, les thérapies de famille sont mentionnées dans les outlines australiens précités et ceci semble être confirmé par l’étude de Real Perez,37 spécifiant l’intérêt d’une thérapie familiale brève pour les troubles somatoformes (néanmoins, cette étude porte sur un nombre extrêmement restreint de famille). Les thérapies cognitivo-comportementales restent controversées. Une revue de la littérature de Karl Looper9 avance un bon effet des thérapies cognitivo-comportementales en groupe pour les somatisations mais spécifie très clairement que la durée, les modalités, la nécessité des traitements n’ont pas été étudiées et il souligne les nombreuses limitations de méthodes, la plupart des études n’ayant pas de groupe contrôle. Par contre, Hiller38-40 présente une étude sur 172 patients évaluant les effets d’une prise en charge cognitivo-comportementale chez des patients présentant des troubles somatoformes traités ainsi sur une période de deux ans. Dans cette étude, non seulement les patients traités auraient une amélioration significative quant à leur symptomatologie physique, l’état anxieux, les croyances erronées envers leur corps et leur santé, la dépression et leur fonctionnement psychosocial, mais les résultats seraient fort encourageants sur le plan des coûts, le groupe de patients ainsi traités après deux ans de traitement aurait eu une diminution de 35% des jours d’arrêt de maladie et une amélioration d’environ 64% des coûts financiers générés par le diagnostic en termes de dépense médicale.
Ce qui demeure caractéristique de l’ensemble de ces troubles, c’est qu’ils confrontent le praticien à une sorte d’impasse logique où le patient confronte le médecin à son vécu subjectif de symptomatologie physique alors que le médecin confronte le patient aux résultats concrets et mesurables des examens complémentaires. Cette confrontation renvoie chacun des deux partenaires dos à dos, égaux dans leur vécu d’impuissance, d’incompréhension, et certainement, d’irritation mutuelle.
Le doute survient alors dans l’esprit du patient d’être «pris au sérieux» et dans l’esprit du médecin quant à la validité des symptômes énoncés par le patient (avec le risque que cela comporte de passer du simple «elle exagère» au plus soupçonneux «il simule»).
La question du degré de volition se pose de façon lancinante au niveau de ces différents diagnostics. Différents auteurs tels que Kaplan41 ou Eisendrath42 ont cherché à faire une différence entre la production de symptômes et une éventuelle motivation de la production de ces symptômes (figure 1). Il est important de retenir, pour le praticien, que dans le cas des troubles somatoformes, le patient n’est pas conscient du fait qu’il produit lui-même des symptômes et qu’il s’agit là d’un processus psychologique inconscient à la différence de ce que l’on peut rencontrer dans le cas de simulation ou de trouble factice.
Enfin sur le plan social, Kirmeyer1 souligne que la disjonction entre psyché et soma prévalente dans nos cultures aurait tendance à renforcer les comportements de somatisation des patients étant d’autant plus sensibles à la stigmatisation que représente le diagnostic psychiatrique. «Leur opposition au diagnostic psychiatrique peut révéler un aspect défensif mais aussi être une appréciation réaliste des conséquences socialement négatives d’un diagnostic psychique» (Kirmeyer1). Toujours selon Kirmeyer,1 nous devons être attentifs au fait que les troubles somatoformes reflètent la segmentation moderne du soin médical et l’accent de plus en plus important mis sur la nosologie psychiatrique qui crée des entités pathologiques en transformant certaines formes de détresse psychique en désordre psychiatrique.
Le terme général de troubles somatoformes recouvre un ensemble de diagnostics ayant, comme point commun, l’existence de plaintes somatiques importantes et invalidantes qui, soit ne peuvent être totalement expliquées par la présence d’un substrat somatique retrouvé, soit ne correspondent à aucun substrat somatique identifiable. Les troubles somatoformes sont à différencier clairement des simulations ainsi que des troubles factices, en ce sens qu’ils résultent d’un processus psychologique inconscient et ne répondent pas à une recherche de bénéfice secondaire. Les patients souffrant souvent de troubles somatoformes ne simulent pas et «n’exagèrent pas» non plus.
Ils se trouvent aux prises avec une souffrance profonde, laquelle s’exprime sur un plan somatique alors que son origine se situe sur un plan psychique, origine qui, dans la plupart des cas, est réfutée par le patient.
La réponse au questionnement que le patient souffrant de troubles somatoformes adresse à son médecin, n’est donc ni «vous n’avez rien sur le plan somatique», ni «c’est tout dans la tête», car la douleur est parfaitement authentiquement ressentie sur le plan physique. Les troubles somatoformes posent fréquemment un problème social majeur en termes de perte d’adaptation au travail et de consommation importante en soins médicaux.
Il est donc important de fournir des prises en charge structurées dont la clé de voûte reste l’étroite collaboration entre psychiatre et somaticien (tableau 2), lequel somaticien est le plus souvent le médecin de premier recours. Le psychiatre qui voit ces patients ne doit jamais oublier que 10% d’entre eux finissent par présenter des troubles organiques authentiques non diagnostiqués.11 De leur côté, les somaticiens qui se trouvent, au bout d’un moment, contraints de poser des limites et des cadres aux demandes répétées de leurs patients, doivent garder en mémoire que, pour pouvoir intervenir, leur confrère psychiatre aura besoin de s’appuyer sur des données somatiques précises et rigoureuses, tant afin de rassurer son patient que de pouvoir le confronter à l’aspect vécu souvent comme dénigrant du diagnostic psychiatrique.
Sur le plan médicamenteux, les deux praticiens devront coordonner leurs efforts entre la prescription des antalgiques et celle des antidépresseurs, tout en résistant communément à la demande très fréquente de benzodiazépines. En effet, la fréquence des troubles de personnalité associés doit toujours rester présente à l’esprit comme risque supplémentaire de développer, pour certains de ces patients, une dépendance à différents produits. Différents types de psychothérapie doivent être proposés, de façon personnalisée (en l’absence de guidelines suffisamment établis) allant de la psychothérapie individuelle aux groupes cognitivo-comportementaux en passant éventuellement par les thérapies de famille ou de couple. Enfin, la pertinence d’hospitalisation à visée d’investigation devrait pouvoir être débattue entre médecins traitants et psychiatres de liaison afin de pouvoir donner, aux patients, la meilleure réponse, tant sur un plan humain que scientifique et ce au meilleur coût pour la société.
Il est certainement préférable de concentrer une batterie d’examens avec restitution au patient des résultats par le biais d’un concilium qui sera le témoin du sérieux et de l’intérêt qui est porté à son cas par le corps médical dans son ensemble plutôt que de laisser aller les choses dans un tourisme médical et d’investigations qui sera, d’une part fort coûteux, et ne permettra, en aucune façon, de diminuer l’angoisse vécue par ces patients.
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