ISO 690 Amberger, P., Covid-19 : conséquences sur le larynx, la respiration et la voix, Rev Med Suisse, 2021/742 (Vol.17), p. 1132–1135. DOI: 10.53738/REVMED.2021.17.742.1132 URL: https://www.revmed.ch/revue-medicale-suisse/2021/revue-medicale-suisse-742/covid-19-consequences-sur-le-larynx-la-respiration-et-la-voix
MLA Amberger, P. Covid-19 : conséquences sur le larynx, la respiration et la voix, Rev Med Suisse, Vol. 17, no. 742, 2021, pp. 1132–1135.
APA Amberger, P. (2021), Covid-19 : conséquences sur le larynx, la respiration et la voix, Rev Med Suisse, 17, no. 742, 1132–1135. https://doi.org/10.53738/REVMED.2021.17.742.1132
NLM Amberger, P.Covid-19 : conséquences sur le larynx, la respiration et la voix. Rev Med Suisse. 2021; 17 (742): 1132–1135.
DOI https://doi.org/10.53738/REVMED.2021.17.742.1132
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covid-19
9 juin 2021

Covid-19 : conséquences sur le larynx, la respiration et la voix

DOI: 10.53738/REVMED.2021.17.742.1132

Very few studies deal with the ENT and phoniatric problems of Covid-19. This article presents the post Covid-19 consequences on larynx and voice. It appears that since the beginning of the pandemic, many patients who have contracted the disease or who have experienced various lockdowns have been consulting for voice disorders, breathing difficulties and swallowing problems. Post Covid-19 laryngeal pathologies differ from conventionally encountered pathologies and the distribution of disorders varies from normal. Since August 2020, the number of patients has increased exponentially.

Résumé

Très peu d’études traitent des problèmes ORL et phoniatriques du Covid-19. Cet article présente les conséquences post-Covid-19 sur le larynx et la voix. Il apparaît que depuis le début de la pandémie, de nombreux patients ayant contracté la maladie ou ayant vécu divers confinements consultent pour des problèmes de voix, des troubles de la respiration et de la déglutition. Les pathologies laryngées post-Covid-19 diffèrent de celles classiquement rencontrées et la répartition des troubles varie par rapport à la normale. Depuis août 2020, le nombre de patients augmente de façon exponentielle.

Introduction

De nombreuses études ont été effectuées sur le Covid-19 pour trouver son mode de transmission afin de pouvoir adapter les mesures sanitaires nécessaires à limiter sa propagation. Les études se sont ensuite concentrées sur les problèmes respiratoires, cardiaques, et sur les procédures d’anesthésies et de soins intensifs ainsi que sur les symptômes les plus fréquents, afin de sensibiliser la population et de faciliter les diagnostics. Le but de cet article est d’étudier les incidences du Covid-19 sur l’appareil phonatoire, de comprendre de quelles façons il altère la voix et quelles sont les solutions qui peuvent être apportées.

Incidence

En juin 2020, une étude a publié des statistiques sur les symptômes les plus fréquents : fièvre 73,5 %, fatigue 68,3 %, toux 61 %, courbatures 44,6 %, perte du goût et de l’odorat 59 %, céphalées 10,7 %, et s’est intéressée aux troubles ORL rencontrés chez les patients testés positifs pour le SARS-CoV-2.

Concernant les troubles laryngés, il apparaît que 61 % des patients infectés présentent une toux, parfois avec expectorations (22,8 %), des difficultés à respirer avec sensation de manque d’air (16,2 %), un mal de gorge (11,3 %), une inflammation du pharynx (5,3 %) et une congestion nasale (4,1 %).1

À Genève, entre le 18 mars et le 15 mai 2020, sur 5534 personnes positives, 22,2 % ont été hospitalisées. Après 45 jours, 32 % des personnes hospitalisées déclaraient avoir encore un ou plusieurs symptômes : fatigue (15 %), problèmes respiratoires (10 %), toux (5 %), céphalées (3 %),2 mais il n’y a aucune donnée sur la voix.

Comment le covid-19 altère-t-il la voix ?

Une altération de la voix résulte d’une modification de ses paramètres acoustiques que sont l’intensité, le timbre et la hauteur. Dans le cas du Covid-19, nous pouvons actuellement distinguer 4 raisons principales d’altération qui sont : les troubles consécutifs à une lésion ou une inflammation des nerfs, des vaisseaux ou des poumons, à une intubation prolongée, au port du masque et d’origine psychosomatique.

Inflammation ou lésion des nerfs

13,5 % des patients développent des problèmes neurologiques qui apparaissent 2 jours après le début des symptômes.3 Parmi ces patients, certains présentent une neuropathie du nerf vague, affection fréquente lors d’affections virales, qui a des répercussions sur les nerfs de l’appareil phonatoire :

  • une lésion du nerf laryngé récurrent peut entraîner une paralysie d’une corde vocale, avec une voix faible, soufflée, forcée, ayant tendance à monter dans les hertz. S’il s’agit d’une lésion du nerf laryngé supérieur, qui innerve le muscle crico-thyroïdien, le patient aura des difficultés pour contrôler la hauteur de la voix.
  • Une atteinte du nerf vague peut aussi engendrer un mouvement non synchronisé des cordes vocales, avec un espace glottique réduit de 50 % à l’inspiration. Cette adduction paradoxale se retrouve aussi lorsque le patient émet des phrases courtes et l’on observe alors, après l’émission sonore, une fermeture des cordes vocales pouvant durer jusqu’à 9 secondes.4 Cette adduction pourrait être à l’origine de l’essoufflement et de la difficulté à faire de longues phrases, mentionnés par de nombreux patients.
  • Une troisième conséquence d’une atteinte du nerf vague est son impact sur la glande thyroïde. Au niveau de celle-ci, ce nerf influence principalement la vascularisation. Un trouble de la vascularisation peut être responsable d’une hypothyroïdie et associé à une baisse de tonicité de la sphère orolaryngée.5 On observe alors une perte de la tonicité et de l’élasticité du larynx, du palais mou, de la langue et des cordes vocales, provoquant une modification de la voix avec dysphonie hypofonctionnelle, voix faible et nasale.

Inflammation ou lésion des vaisseaux

D’un point de vue vasculaire, le Covid-19 entraîne une dysfonction des cellules endothéliales par atteinte directe des récepteurs de l’enzyme de conversion de l’angiotensine 2 (ACE2) au niveau des poumons, causant des difficultés respiratoires plus ou moins importantes. Cette enzyme est présente dans les muscles du thorax et de l’abdomen impliqués dans la phonation et leur affaiblissement est responsable de certaines dysphonies.6 Elle a aussi été retrouvée en forte concentration dans l’épithélium des cordes vocales. Ces données pourraient expliquer l’étiologie de l’œdème des cordes vocales et une des causes de dysphonie secondaire au Covid-19.7

Inflammation ou lésion des poumons

Deux symptômes pulmonaires sont fréquemment mentionnés dans le Covid-19 : l’essoufflement et la toux.

L’essoufflement est ressenti durant 4 à 6 semaines mais chez certains patients, il peut durer plusieurs mois. L’imagerie pulmonaire est généralement normale, mais la spirométrie fait apparaître une courbe débit-volume plate à l’inspiration, qui pourrait être en relation avec une neuropathie du nerf vague.4 Les patients ayant des difficultés respiratoires essayent de pomper davantage d’air et développent une respiration buccale et thoracique supérieure, qui a des répercussions négatives sur la voix par tension excessive et sécheresse laryngée.

Les difficultés respiratoires peuvent être accompagnées de toux. Cette dernière devient souvent chronique et cause un traumatisme au niveau du fonctionnement des cordes vocales et de la muqueuse, créant parfois des hémorragies.

Troubles dus à une intubation prolongée

La durée moyenne d’intubation lors du Covid-19 est de 21,8 jours. L’atteinte de la voix est le trouble postintubation principal, suivi de celui de la déglutition et de la respiration (figure 1). L’examen laryngé postintubation montre 93,8 % d’anomalies de la glotte, dont une vibration incorrecte de la muqueuse des cordes vocales (87,5 %), un défaut de fermeture (50 %), une dissymétrie (50 %), une paralysie ou parésie unilatérale (40 %), une béance glottique postérieure (15 %) et des sténoses (10 %). On note aussi que 45 % des patients doivent subir un geste chirurgical8 et que ceux qui ont un usage vocal excessif et un reflux gastrique postintubation développent un granulome.7

Fig 1

Troubles laryngés post-Covid-19 avec et sans intubation

Troubles dus au port du masque

33 % des personnes devant porter un masque toute la journée déclarent avoir des problèmes de voix associés à un mal de tête, des problèmes dermatologiques et des difficultés respiratoires. Pour obtenir une voix et une intelligibilité de 90 %, le volume avec un masque doit être augmenté de 10 à 15 dB, ce qui entraîne un forçage vocal permanent.9

Troubles psychosomatiques

Depuis le début de la pandémie, de nombreux patients sont adressés en consultation pour une perte de voix quasi complète ou présentant des épisodes d’aphonie intermittents et aléatoires durant la journée, qui peuvent varier d’un jour à l’autre. Ces nouvelles dysphonies typiques du Covid-19 peuvent durer des semaines ou des mois et, selon la description des symptômes faite par les patients, se rapprochent des dysphonies et aphonies psychogènes. Elles sont générées par une tension émotionnelle extrême et l’examen laryngoscopique montre une hypertension des cordes vocales sans lésion spécifique. Les patients présentent d’importantes difficultés respiratoires, un manque d’air, une respiration buccale, une sensation d’écrasement au niveau du sternum, une boule dans la gorge ou un clapet. Ces symptômes sont souvent accompagnés de reflux gastrique ou œsophagien et parfois d’éructations douloureuses. Les patients présentent conjointement une fatigue chronique et se disent épuisés par leurs soucis. Ces manifestations psychosomatiques dues aux répercussions sociales et financières, à la peur de la maladie ou à l’isolement, que le patient ait contracté ou pas le virus, sont très nombreuses depuis le mois de juin 2020.

Chant et vidéos

Chanteurs

Le Covid-19 a un impact important sur les chanteurs et professionnels de la voix. Aux États-Unis, 26,8 % présentent une dysphonie et en Europe 28,4 %.6 L’impact semble très différent entre professionnels et amateurs.

Durant le confinement, les chanteurs lyriques répètent en moyenne 7 heures par semaine et travaillent leur voix ou leur répertoire environ 6 heures par semaine. Le confinement a peu d’impact sur leur voix, quelle que soit la tessiture, car ils ont une bonne technique et une discipline vocale qui est proportionnelle à leurs années d’expérience. Les chanteurs lyriques ayant contracté le Covid-19 parviennent généralement à éviter une dysphonie après la maladie en appliquant les règles d’hygiène vocale strictes.

Les chanteurs amateurs et les personnes faisant partie de chorales présentent beaucoup plus de problèmes vocaux, qui sont dus à une mauvaise technique et/ou à des pratiques irrégulières, alternant des phases sans chant et d’autres de chant intensif.

Il est possible de chanter avec un masque, mais cela est déconseillé à cause des dysfonctions respiratoires et de la fatigue vocale qui peuvent en résulter.

Orateurs en ligne

Nombreux sont ceux qui présentent une fatigue vocale, dont les symptômes principaux sont : fatigue, effort, faiblesse, douleurs dans le cou, maux de gorge, voix éraillée, larynx irrité, sécheresse laryngée, toux et hemmage.

Transmission du virus

Le larynx et tous les organes phonatoires tiennent une grande importance dans la propagation du Covid-19, car les particules transmettant le virus sont générées par les alvéoles pulmonaires, le larynx et la bouche. Lors de toux ou d’éternuement, des gouttelettes sont expulsées et tombent. Elles ne flottent pas dans l’air. Lors de la parole et du chant, la muqueuse recouvrant les cordes vocales se met à vibrer et libère de nombreux aérosols, particules plus fines qui peuvent rester plusieurs heures en suspension et peuvent atteindre les voies respiratoires inférieures si elles sont inhalées.10 Les particules resteraient actives 3 heures après leur émission. Il semble qu’une distanciation de 1 mètre diminuerait la transmission du virus de 82 % et que le risque serait encore divisé par 2 pour chaque mètre supplémentaire.

Traitements

Les traitements post-Covid-19 peuvent être chirurgicaux en cas de lésion postintubation importante de la muqueuse du larynx, ils sont médicamenteux pour diminuer les inflammations et peuvent être associés à une rééducation spécialisée en cas de troubles de la voix, de toux chronique, d’essoufflement ou de trouble de la déglutition.

Selon une étude, l’administration d’une solution nasale saline hypertonique en spray ou en gargarisme diminue le temps de l’infection des voix aériennes supérieures de 1,9 jour, elle réduit la transmission au sein d’une même famille de 35 %, et limite l’automédication et la contamination de 36 %. Ces résultats s’expliquent par le fait que biochimiquement, la production d’ions chlorure par l’épithélium nasal sous l’action du sel a un effet inhibiteur sur les virus respiratoires de type herpès, corona, influenza et coxsackie.11

Le recours aux IPP communément utilisés pour certains troubles de la voix ne semble pas conseillé dans le cas de Covid-19.6

Discussion

Selon le bilan épidémiologique hebdomadaire du canton de Genève, entre août et décembre 2020, le pourcentage des patients Covid-19 hospitalisés aux HUG variait de 1 à 25 %, avec une moyenne de 9,6 %. En janvier 2021, cette valeur était de 9 %.

À Genève, dans le cadre de mon cabinet, spécialisé dans les troubles de la voix et la respiration, le pourcentage de patients ayant des symptômes post-Covid-19 était de 4 % entre août et décembre 2020. Ce chiffre, en très nette augmentation, s’élève à 35 % pour janvier 2021. L’intervalle entre la date de diagnostic de la maladie et le premier rendez-vous varie de 1 à 10 mois, avec une moyenne à 3,9 mois.

Depuis le début de la pandémie, de nombreux patients ayant ou non contracté le Covid-19 sont adressés en consultation pour dyspnée, fatigue vocale, voix rauque, faible ou éraillée, toux chronique, hemmage, dysphonie typique du Covid-19 ou paralysie postintubation (figure 2). Ces pathologies sont, depuis début 2020, 1,9 fois supérieur à celles classiques rencontrées ces 20 dernières années : forçage vocal, nodules, béance, polype, trouble de la mue, aphonie psychogène, kyste, œdème de Reinke, paralysie idiopathique, adduction paradoxale des cordes vocales. Les dysphonies typiques post-Covid-19 représentent 13,6 % des pathologies totales.

Fig 2

Troubles de la voix post-Covid-19

Pathologies rencontrées en pratique privée entre le 1er août 2020 et le 31 janvier 2021.

Conclusion

Le Covid-19 affecte particulièrement la voix et le larynx. Le nombre de patients présentant des dysfonctions et des lésions est important. Depuis le début de la pandémie, les affections phoniatriques rencontrées chez les patients post-Covid-19 hospitalisés sont à peu près identiques à celles des patients ambulatoires, mais on constate un plus grand nombre de lésions laryngées chez les patients intubés. Les pathologies diffèrent un peu de celles classiquement rencontrées et la répartition des troubles varie par rapport à la normale. La rééducation des troubles de la voix, de la respiration et de la déglutition post-Covid-19 apporte de bons résultats et est identique à celle des patients présentant les mêmes symptômes sans avoir contracté la maladie.

Conflit d’intérêts :

L’auteure n’a déclaré aucun conflit d’intérêts en relation avec cet article.

Implications pratiques

• En cas de douleurs laryngées, il est conseillé de faire un examen laryngoscopique chez un ORL

• En cas de toux chronique, d’essoufflement ou de voix éraillée, une spirométrie et une rééducation sont indiquées

Auteurs

Pascale Amberger

Orthophoniste, Rue Merle-d’Aubigné 24
1207 Genève
amberger@problemedevoix.ch
www.problemedevoix.ch