Introduction

Une rencontre pour imaginer concrètement comment rendre le système de santé durable et respectueux des limites planétaires. Voilà l’objectif que s’était fixé le Forum suisse pour la durabilité du système de santé organisé par l’Académie suisse des sciences médicales (ASSM) qui s’est tenu à l’Eventforum de Berne le 8 juin 2023. L’événement a réuni non seulement de nombreux professionnels de la santé mais aussi des étudiants, des personnalités politiques, des représentants d’associations et des patients-partenaires pour débattre de ce sujet.

Source de grandes préoccupations autour de l’augmentation des coûts, du nombre de patients, des primes d’assurance, des attentes en matière de soins, le système de santé, qui contribue de façon significative à la crise environnementale, doit en effet être repensé (figure 1), comme l’a relevé le Pr Henri Bounameaux, président de l’ASSM, ancien doyen de la Faculté de médecine de Genève dans son introduction.

Triple constat : vision systémique pour un système de santé durable

Fig 1

« Le système de santé suisse est responsable de 5 à 8 % de l’empreinte carbone du pays. Or, comme pour le climat, les ressources à disposition du fonctionnement des soins ne sont pas inépuisables ». Comment le rendre plus durable et respectueux des limites planétaires ?

Une des mesures phares proposées par l’ASSM lors de cette journée de réflexion a été la création du Consortium suisse pour la santé durable et la transition écologique du système de santé,1 une initiative élaborée en étroite collaboration avec la Plateforme durabilité et santé de la Faculté de biologie et médecine de l’Université de Lausanne (UNIL) et réunissant différents acteurs de la santé.a. Pour le Pr Henri Bounameaux, ce consortium doit permettre d’améliorer la concertation et l’implémentation des mesures qui ont prouvé leur efficacité. « Malgré les engagements forts qui se multiplient autour de l’urgence écologique, les initiatives restent peu coordonnées et souvent invisibles aux yeux du grand public, a-t-il déploré dans son allocution. Il est apparu essentiel à l’ASSM d’offrir une plateforme, sous la forme de ce Consortium, pour avancer ensemble face à l’urgence de la transition écologique. »

Lors de cet événement réunissant près de 200 personnes et modéré par Jean-Daniel Strub, deux grandes thématiques ont été abordées. La première a porté sur les mesures proposées à travers la feuille de route de l’ASSM pour des services de santé suisses durables dans les limites planétaires et au travers des 43 projets innovants et créatifs.
La seconde a mis en lumière les différentes implications citoyennes au travers de voix transgénérationnelles et a permis les échanges entre participants lors d’une assemblee-participative. La journée s’est close par un podium interactif.

1 www.assm.ch/consortium-durabilite
a Composition du Consortium (état juillet 2023) : Académie Suisse des Sciences Médicales (ASSM), Association suisse des Commissions d’éthique de la recherche (swissethics), Association Suisse des Étudiants en Médecine (swimsa), Association suisse des infirmières et infirmiers (SBK – ASI), Médecins en faveur de l’environnement (MfE), Médecine Universitaire Suisse (unimedsuisse), Santé Publique Suisse, Swiss School of Public Health (SSPH+) ; institution hôte : Office fédéral de la santé publique (OFSP).

I.Pour des services de santé suisses durables dans les limites planétaires

« Le dérèglement climatique est la menace majeure pour la santé publique au 21e siècle, souligne la Dre Julia Gonzalez Holguera, coordinatrice de la Plateforme durabilité et santé de la Faculté de biologie et de médecine de UNIL. Et pourtant, même la définition de la santé proposée par l’OMS n’intègre pas les facteurs environnementaux parmi les déterminants de la santé. » Une réalité qui appelle dès aujourd’hui à une prise de conscience collective et à la mise en place d’actions concrètes et adaptées au contexte pour mener à une transformation majeure dans tous les secteurs, dont le système de santé.

C’est pour mener concrètement cette transformation que l’ASSM a publié, en 2022, une feuille de route qui énumère trois leviers d’action prioritaires : réduire l’utilisation des services de soin, adapter les pratiques de soins et améliorer l’efficience environnementale (figure 2). Élaborée en collaboration avec une soixantaine d’experts en durabilité et santé, réunis à Lausanne en mai 2021, « ce cadre de réflexion représente une première étape pour repenser nos modes de fonctionnements », indique le Pr Nicolas Senn, chef du Département de médecine de famille à Unisanté et coauteur, avec Julia Gonzalez, de cette feuille de route.2

Sept propositions concrètes ont ainsi été rédigées :

Réduire la demande des services de santé
1.  Renforcer l’engagement citoyen, communautaire et institutionnel pour accélérer la transition écologiques de la société 2.  Repenser le concept et la définition de la santé comme étant liée aux déterminants environnementaux 3. Dé-(bio)médicaliser et resocialiser la santé
Adapter les pratiques de soins de santé
4.  Développer un nouveau paradigme pour une médecine et des soins durables 5.  Promouvoir d’autres pratiques de soins et intégrer des questions environnementales dans la pratique médicale
Améliorer l’efficacité environnementale
6.  Engager les institutions de soins dans une démarche de durabilité forte
Action transversale
7.  Former et sensibiliser des professionnels de la santé aux enjeux de durabilité environnementale

Fig 3

Selon les deux auteurs, le « verdissement des chaînes d’approvisionnement », bien que nécessaire, ne suffira pas à mener une transition socio-écologique cohérente du système de santé. Le modèle économique actuellement prédominant, centré sur une logique de production de soins, est incompatible avec une vision durable. Un shift complet s’impose, en tenant compte du système fragmenté et non régulé qui caractérise la Suisse.

2 www.assm.ch/forum-durabilite

II.43 projets pour une meilleure durabilité du système de santé

La santé humaine est de plus en plus affectée par les dégradations environnementales. Par ailleurs, les services de santé contribuent de façon importante à la crise climatique actuelle. Finalement, on observe que ces mêmes services de santé montrent leurs limites en termes de capacité à fournir des soins de qualité, efficaces, efficients et équitables. Dès lors, comment peut-on les repenser, pour les rendre plus durables et respectueux des limites planétaires ? C’est la question qui fut au cœur de l’appel à projets lancé par l’ASSM en novembre 2022, ouvert à tout projet ambitieux, innovant et créatif s’inscrivant dans l’une des sept propositions de la feuille de route.

43 projets (figure 4) ont ainsi été sélectionnés et présentés lors du Forum sous forme de présentations orales et de posters.

Ces travaux, recouvrant des domaines aussi divers que la médecine, les sciences de la santé, les sciences humaines et sociales et les sciences de l’environnement, ont pu être répartis selon deux axes :

Thématique (gouvernance, formations/sensibilisation, analyse d’impact environnemental des soins, outils/ressources)
Géographique (local, cantonal, fédéral ou international)

Carte interactive

Cliquez sur les puces pour lire le détail des projets

Légende

Outils/ressources
Gouvernance
Formations/sensibilisation
Analyse d’impact environnemental des soins
1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16 17 18 19 20 21 22 23 24 25 26 27 28 29 30 31 32 33 34 35 36 37 38 39 40 41 42 43

Fig 4

III.Voix transgénérationnelles sur les services de santé du futur

La transition du système de santé vers une forme plus durable préoccupe toutes les tranches d’âge. D’après une étude internationale,3 84% des jeunes de 16 à 25 ans se disent inquiets, voire « extrêmement » inquiets, face au changement climatique. Les organisations suisses engagées pour le climat comptent dans leurs rangs des activistes de toutes les générations. L’ASSM a choisi de donner la parole lors du Forum à la jeunesse et aux aînés, pour montrer à quel point le changement climatique est une préoccupation sociale globale. Les quatre interventions sont synthétisées sous forme de deux questions posées à chaque intervenant.

84%
des jeunes de 16 à 25 ans se disent inquiets, face au changement climatique.
3 Marks, Elizabeth and Hickman, Caroline and Pihkala, Panu and Clayton, Susan and Lewandowski, Eric R. and Mayall, Elouise E. and Wray, Britt and Mellor, Catriona and van Susteren, Lise, Young People’s Voices on Climate Anxiety, Government Betrayal and Moral Injury: A Global Phenomenon. Available at SSRN: https://ssrn.com/abstract=3918955 or http://dx.doi.org/10.2139/ssrn.3918955
Dre Estelle Delamarejeune médecin, coordinatrice nationale de la Planetary health report card (Health for future Genève)4

Ce lien est en fait un processus qui va dans les deux sens. D’un côté, le système de santé est très polluant et va donc influencer le changement climatique. De l’autre, le changement climatique – tout comme les autres limites planétaires comme l’érosion de la biodiversité, la consommation d’eau douce ou l’appauvrissement des sols – va impacter notre santé. Et ce qui ressort de ce schéma, c’est la forte inégalité entre les pays. Tandis que les régions riches sont celles qui émettent le plus de gaz à effet de serre, ce sont paradoxalement elles qui subissent le moins les conséquences du changement climatique sur leur santé. Inversement, les pays pauvres, faibles émetteurs, sont déjà fortement touchés par ces changements climatiques.

J’ai pris conscience du problème il y a quatre ans, lors de ma quatrième année de médecine à l’Université de Genève. J’ai toujours été sensibilisée aux questions écologiques et j’ai été frappée que ces enjeux ne soient jamais abordés au cours de nos études. J’apprenais les dernières avancées en neurochirurgie, en imagerie médicale, en immunologie, alors que leurs coûts financiers et environnementaux sont désastreux. L’absence des questions environnementales en médecine est assez assourdissante, alors qu’il n’y a rien de plus scientifiquement prouvé que la catastrophe qui se profile. Tout cela me semblait absurde. Comme beaucoup, je ne savais ni où ni comment m’engager. Je me suis alors renseignée par moi-même et, plus je m’informais, plus je me rendais compte que la crise environnementale était avant tout une crise sanitaire.

J’ai compris que la marge d’action était énorme et que tout restait à faire. Je suis alors allée à Lausanne lors de la conférence Santé et climat en 2019, où est née une certaine émulation avec d’autres étudiants. Nous avons décidé de créer un réseau national4 pour une meilleure formation sur les impacts environnementaux dans le cadre des études de médecine, à travers l’association Health for Future.

Anne Mahrerancienne conseillère nationale du canton de Genève, coprésidente des Aînées pour la protection du climat suisse5

La Cour est justement le lieu spécialisé des droits fondamentaux, notamment le droit à la vie et le droit à la santé. Je pense vraiment que celle-ci va jouer son rôle pour nous donner raison. Car c’est un fait, la canicule tue. Le changement climatique pose un problème majeur pour notre santé, non seulement pour nous, les femmes âgées, mais aussi pour toute la population. Nous attendons donc de la Cour une décision courageuse.

Nous avons présenté dès 2016 une requête au gouvernement suisse, demandant la cessation des atteintes par omission en matière de protection du climat.

Tous les rapports depuis la grande canicule de 2003 le montrent : les personnes âgées sont particulièrement impactées par les changements climatiques et les femmes en particulier.

Malgré ces statistiques, la Confédération, faisant fi des accords de Paris, n’est pas entrée en matière. Elle a décidé que nous ne pouvions pas nous prévaloir de la qualité de victimes, que nous n’étions pas encore assez atteintes dans notre santé et que, par ailleurs, n’ayant pas encore atteint les 2 degrés supplémentaires annoncés, elle avait encore le temps pour agir.

Nous avons donc décidé de faire recours au tribunal fédéral qui a malheureusement soutenu la position de la Confédération. Nous n’avons pas baissé les bras pour autant et nous avons, en 2020, porté notre action juridique à la CEDH, qui a qualifié notre requête de « prioritaire ». L’audition publique a eu lieu à Strasbourg le 29 mars 2023, une journée historique, durant laquelle, pour la première fois, la Cour a traité du climat et des droits fondamentaux. J’en garde en mémoire des moments chargés d’émotion et cette conclusion d’une des observatrices qui s’est adressée ainsi aux juges : « Peu de gens ont le pouvoir de changer le cours de l’Histoire : vous l’avez. »

Maria Rosa Jolleréconomiste de la santé, Association suisse des infirmiers et infirmières (SBK-ASI)6

Je l’espère ! Je trouve que la prise de conscience grandit. Et c’est d’ailleurs notre rôle, en tant qu’Association suisse des infirmiers et des infirmières, de faire grandir cette prise de conscience chez les soignants. La crise climatique est un enjeu majeur pour nous, soignants. Car le constat est clair : la crise climatique est la plus grande menace pour la santé humaine. On peut déjà observer des conséquences sur la santé des populations, comme les canicules, les tempêtes, les inondations, les feux de forêt ou encore les pandémies. En Suisse, les personnes vulnérables telles que les enfants et les personnes âgées sont particulièrement touchées.

L’association SBK-ASI compte 26 000 membres et possède un très fort impact politique au niveau des soins en Suisse. Notre rôle principal est de participer à développer la qualité des soins pour la population et de représenter les intérêts des infirmiers et infirmières. Mais face au défi climatique urgent, nous avons aussi pour but de sensibiliser les soignants aux effets du changement climatique sur la santé, afin qu’ils s’engagent pour des améliorations.

Selon moi, la crise climatique n’est pas seulement une grande menace pour l’humanité mais aussi une grande opportunité. Afin d’avancer, nous avons axé notre stratégie sur trois niveaux :

1. Réduire les émissions de gaz à effet de serre lors de la pratique des soins (par exemple, en baissant la température des locaux à 21 degrés, en adoptant des plateaux végétariens ou véganes).

2. Convaincre nos patients : la population a confiance en nous. Il faut que l’on arrive à convaincre nos patients que la protection de l’environnement est aussi un acte de prévention pour la santé.

3. Montrer notre engagement public : en communiquant lors d’événements publics comme celui-ci et en soutenant la votation pour la loi climat par exemple.

Dr René Jaccardancien médecin spécialiste en médecine interne et membre de la Commission scientifique de l’association Grands-parents pour le climat7

En effet, les faits sont connus depuis longtemps. De nombreux facteurs participent à une meilleure santé tout en ayant un impact positif sur le climat : une alimentation écologique, la mobilité douce, un air sain. Pourtant, on en parle encore très peu et le changement climatique continue à une vitesse folle. Comme le dit l’écrivain engagé Jonathan Safran Foer : « Même s’ils ne sont pas assez convaincants pour changer nos comportements, les faits peuvent changer nos esprits, et c’est par là qu’il faut commencer. Nous savons que nous devons faire quelque chose, mais « nous devons faire quelque chose » est généralement l’expression d’une incapacité, ou du moins d’une incertitude. Pour se mettre en action, il faut déjà identifier les comportements à adopter. »8

Mes propositions sont diverses. Tout d’abord, que nous prenions nos responsabilités en tant que médecins, pharmaciens, industriels et citoyens, chacun à son échelle individuelle. Que nous soyons également respectueux envers les humains, mais aussi tout le vivant dans son ensemble. Enfin, plus de transparence est nécessaire, afin d’avancer de manière responsable. Il existe, par exemple, des étiquettes d’énergie de A à G pour les voitures et les appareils ménagers. Ce n’est pas parfait, mais au moins, ce système fournit des informations concrètes. Concernant le cycle des médicaments (leur production, leur distribution, leur emballage, leur recyclage, etc.) on ne sait rien, il n’y a pas de transparence. Il est donc difficile de mettre en place une utilisation plus écologique des médicaments, qui est pourtant extrêmement nécessaire.

4 Planetary Health Report Card : phreportcard.org 5 https://ainees-climat.ch/ 6 https://sbk-asi.ch/fr/ 7 https://www.gpclimat.ch/fr/ 8The Guardian https://www.theguardian.com/books/2019/sep/28/meat-of-the-matter-the-inconvenient-truth-about-what-we-eat

IV.Assemblée participative

« Comment, en tant qu’acteurs et actrices du système de santé, pouvons-nous contribuer à la transformation ? » Telle fut la question au cœur des ateliers organisés lors du Forum dans le cadre de l’Assemblée participative.

S’appuyant sur la plateforme The Academic Citizens’ Assembly (ACA),9 élaborée par le Dr Sascha Nick et son équipe (EPFL Business School Lausanne), la méthodologie a été déployée par onze groupes de 10 à 15 participants, réunis autour de l’un des quatre grands thèmes repris de la feuille de route de l’ASSM :

Réduire l’utilisation des services de soins

Réduire les émissions et améliorer l’efficience

Adapter les pratiques de soins

Former les professionnels de santé

Après un moment d’échange où trois personnes endossaient un rôle prédéfini pour garantir le déroulement optimal des discussions (facilitation, observation, prise de notes), chaque groupe a pu formuler des propositions visant à transformer le système de santé et les soumettre au vote. Les quelque 185 participants ont pu, lors de la dernière phase de ces ateliers, abonder ou non dans le sens des différentes propositions établies (figure 5). Un rapport regroupant les propositions semblables et proposant des pistes concrètes à destination des institutions a été établi et peut être consulté sur : www.academiccitizensassembly.ch/assm-2023.

9 https://www.academiccitizensassembly.ch/assm-2023

Les résultats de l’Assemblée participative

Ces moments d’échanges ont permis la rédaction de 68 propositions, avec une convergence sur la plupart d’entre elles. Parmi les grands axes évoqués :

L’importance de la formation et de la sensibilisation du public et des professionnels

La nécessité de simplifier et défragmenter le système de santé

La perspective de repenser les limites de la médecine et la perception de la mort

Fig 5

V.Podium interactif : comment réussir la transformation

Dans le fil des discussions qui ont eu lieu durant la journée, le podium s’est attelé à élaborer des pistes de réponse à la question des défis que le système de santé suisse doit relever en vue d’atteindre l’objectif fixé par les Accords de Paris. Cet enjeu anime depuis plusieurs années, avec un intérêt grandissant, la sphère sociétale et politique. Pour le conseiller national PS (Vaud) Pierre-Yves Maillard, nous sommes « face à un système contradictoire : d’un côté, un incitatif à produire des actes autant que possible et, de l’autre, des cantons qui essayent tant que faire se peut d’introduire un peu de sobriété là-dedans ». Pour lui, la priorité est de s’attaquer au « cœur du monstre », le système qu’il juge « absurde » de paiement à l’acte, nourrissant une course au profit. « Tant que tout le monde ne trouvera pas un intérêt à changer les choses, rien ne changera », déplore-t-il.

« Avancer »

Regarder devant, tout en tirant les leçons du passé, voici peut-être le premier chemin à suivre. « Il faut désormais se tourner vers l’avenir et regarder ce qui peut être fait, insiste le Pr Frank J. Rühli, doyen de la Faculté de médecine de l’Université de Zurich. Il ne suffit pas de définir des objectifs qu’on ne pourra jamais atteindre, il vaut mieux mettre en place des actions concrètes, dans la formation des étudiants par exemple. »

Mais face au défi qui s’impose à tous les acteurs du système de santé aujourd’hui, une prise de conscience rapide est nécessaire. « Nous devons tous prendre la mesure de cette question et assumer le rôle que nous pouvons jouer face à la crise, en répondant aux besoins immédiats de la population », souligne Michael Jordi, secrétaire général de la Conférence des directrices et directeurs cantonaux de la santé (CDS).

Car la nécessité de sobriété que requiert la construction d’un système plus durable peut engendrer une hostilité face aux nouvelles technologies, à la surmédicalisation, voire à la recherche médicale qui repousse ses limites en permanence. « Nous ne devons pas revenir à l’âge de pierre ni promouvoir une culture de l’interdiction », ajoute le Pr Rühli.

« Montrer l’exemple »

Éviter les doubles prises en charge, les examens et soins inutiles relève ainsi de la vigilance de chacun. « Dans les soins infirmiers, c’est une problématique qui est traitée depuis de nombreuses années, relève Sophie Ley, présidente de l’Association suisse des infirmières et infirmiers (SBK–ADI). Nous avons rapidement inscrit dans notre stratégie cette question de la durabilité en santé. » Au niveau national, les initiatives de ces associations de professionnels de santé peuvent donner une impulsion et une communauté d’esprit.

C’est le cas pour les infirmiers, comme pour les médecins. « Les questions environnementales (pollution de l’air, bruit, pesticides, etc.) se sont infiltrées dans le domaine de la médecine, note le Dr Bernhard Aufdereggen, président de l’Association des médecins en faveur de l’environnement. Le rôle des médecins est un rôle d’exemple. Nous avons une responsabilité, une tâche à accomplir, désormais abordée lors de la formation des futurs médecins. »

« Changer de paradigme »

Mettre en place des mesures à l’échelle individuelle, c’est bien, réformer le système en profondeur, c’est mieux. La Suisse s’est fixé des objectifs ambitieux en termes de réduction des émissions de gaz à effet de serre (-8 % entre 2008 et 2012, - 20 % entre 2013 et 2020, - 50 % entre 2020 et 2030).10 Pour les atteindre, une réflexion globale est nécessaire, notamment dans le domaine de la santé, qui concentre 4 à 6 % des émissions. Pour Bea Albermann, cofondatrice de Health for Future Switzerland, c’est toute la vision de l’être humain dans son environnement qui doit être repensée. « Nous avons un système binaire. Il existe pourtant d’autres modèles qui n’appliquent plus cette scission homme/nature. » Elle cite, par exemple, en modèle certains pays de l’hémisphère sud, déjà très touchés par les conséquences du changement climatique, qui « mettent en place de nouveaux systèmes de santé, sans perdre en qualité de soins mais en y ajoutant la possibilité d’épargner la nature ».

La construction de cette nouvelle approche pose néanmoins la question sensible du profit économique. Pour Sonia Roschnik, directrice exécutive du Geneva Sustainability Center, c’est, plus globalement, tout notre rapport à la santé qui doit être repensé : « Il faut changer de paradigme et voir le système comme une promotion de la santé, plus que comme la prise en charge de la maladie. Mais pour cela, les laboratoires, les pharmacies, les cliniques doivent arriver à penser leur profit en termes de service rendu et non pas de produits vendus. »

10 https://www.bafu.admin.ch/bafu/fr/home/themes/climat/dossiers/conference-paris-cop21-climat/la-suisse-reduit-les-emissions-de-gaz-a-effet-de-serre.html

Les étudiants du projet « Planetary Health Report Card » reçoivent le Prix du meilleur abstract

Parmi les 43 propositions reçues dans le cadre de l’appel à projets lancé en vue du Forum suisse pour la durabilité du système de santé, le Prix du meilleur projet a été décerné par la secrétaire générale de l’ASSM Valérie Clerc à une délégation composée notamment d’Angeline Buser, étudiante en médecine à l’Université de Berne, Pauline Cottet, médecin assistante à Bienne, Estelle Delamare, médecin assistante aux HUG et coordinatrice régionale du PHRC pour la Suisse, Michelle Fankhauser, étudiante à l’Université de Zurich, et Cristian Martucci, doctorant au Swiss Tropical and Public Health Institute à Bâle, pour leur implication dans le projet « Planetary Health Report Card ».4 Développé au niveau international par des étudiants en médecine, cet outil a pour but d’évaluer l’engagement envers la santé planétaire des différentes formations en santé. Parmi les demandes des étudiants suisses figurent des revendications proches des recommandations de l’ASSM :

L’implémentation de l’enseignement en santé planétaire

La décarbonation des activités sur le campus

Le renforcement des collaborations avec les autres institutions et écoles de santé

La promotion de la santé planétaire au sein de sa communauté et envers le grand public

Le Pr Nicolas Senn conclut cette journée en remerciant tous les participants et les projets présentés : « Cette manifestation fut l’opportunité, pour la première fois en Suisse, de réunir des acteurs de la santé de tous horizons et de poser les premières pierres à un nouveau récit pour la santé et des services de soins qui intègrent pleinement notre interconnexion aux autres vivants non humains. Note défi sera de ne pas lâcher le fil de cette nouvelle histoire ! »

Durant la journée, six capsules vidéo ont été enregistrées avec des participants et des intervenants au Forum.

4 Planetary Health Report Card : phreportcard.org
À lire pour aller plus loin

Nachhaltiges Gesundheitssystem in der Schweiz: Wie kann der Wandel gelingen?, Patrick Hetzel (Kinderärtze.Schweiz)

Als Follow-up ihres Positionspapiers zur umweltbewussten Gesundheitsversorgung organisierte die SAMW am 8. Juni 2023 im Eventforum Bern eine ganztägige Tagung mit dem Titel «Schweizer Forum für ein nachhaltiges Gesundheitssystem: Wie kann der Wandel gelingen?». Dabei sollten bereits bestehende Initiativen präsentiert und Anregungen für weitere Aktionen gegeben werden.

Éco-empathie, par Jean-Luc Vonnez (Revue médicale suisse)

« Avec deux collègues de cabinet, nous avons décidé de participer au Forum suisse pour la durabilité du système de santé mis sur pied par l’ASSM le 8 juin dernier à Berne pour réfléchir aux moyens de concrétiser la feuille de route que l’académie a publié l’an passé… »

Un engagement contre le dérèglement climatique et pour la décarbonation, par Jean Martin (Le Temps)

« (…) Une partie de la journée a été consacrée à une Assemblée citoyenne académique, en une dizaine de groupes, selon le modèle développé par le professeur Sascha Nick. De ces travaux sont ressorties de nombreuses propositions d’amélioration du système de santé pour le rendre moins producteur en gaz à effet de serre. »
À lire sur letemps.ch, édition du 3 juillet 2023

Vers un réenchantement du système de santé grâce à la crise écologique ? par Anne Voeffray (Bon pour la tête)

« Pollution des sols, de l’eau, de l’air, effondrement de la biodiversité, raréfaction des ressources fossiles, émissions de CO2 : la crise environnementale a un impact négatif sur le vivant, sur la santé des populations d’ici et d’ailleurs. Notamment à cause de notre surconsommation de produits pharmaceutiques, notre système de santé contribue aux pollutions environnementales. »

Tous droits réservés © 2023
Conception : M&H Communication