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ISO 690 | Blaser, S., Nagy, M., Stirnemann, J., Leucémie lymphoïde chronique : quand débuter le traitement ?, Rev Med Suisse, 2013/402 (Vol.9), p. 1870–1874. DOI: 10.53738/REVMED.2013.9.402.1870 URL: https://www.revmed.ch/revue-medicale-suisse/2013/revue-medicale-suisse-402/leucemie-lymphoide-chronique-quand-debuter-le-traitement |
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MLA | Blaser, S., et al. Leucémie lymphoïde chronique : quand débuter le traitement ?, Rev Med Suisse, Vol. 9, no. 402, 2013, pp. 1870–1874. |
APA | Blaser, S., Nagy, M., Stirnemann, J. (2013), Leucémie lymphoïde chronique : quand débuter le traitement ?, Rev Med Suisse, 9, no. 402, 1870–1874. https://doi.org/10.53738/REVMED.2013.9.402.1870 |
NLM | Blaser, S., et al.Leucémie lymphoïde chronique : quand débuter le traitement ?. Rev Med Suisse. 2013; 9 (402): 1870–1874. |
DOI | https://doi.org/10.53738/REVMED.2013.9.402.1870 |
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This paper reviews the literature to propose guidelines for managing patients with early-intermediate stage chronic lymphocytic leukemia (CLL). Clinical and biological parameters are sufficient to identify a cohort of patients with high-risk CLL at diagnosis who will have disease progression : anemia (Hb < 100 g/l) or thrombocytopenia (platelets < 100 G/l), bone marrow infiltration (> 30% lymphocytes), a rapid doubling time (less than 6 months) or lymphocytes above 300 g/L, splenomegaly and massive lymphadenopathy, systemic symptoms, uncontrolled autoimmune complications.
Patients without those characteristics have low-risk CLL. In the absence of evidence of survival benefit in low-risk CLL, there is no indication for treatment and patients should be followed up by physical examination and complete blood count once or twice a year.
A partir d’une revue de littérature, cet article propose des recommandations pour la prise en charge des patients ayant une leucémie lymphoïde chronique (LLC) à faible risque de progression. Une maladie symptomatique ou avancée est définie par : une anémie (Hb < 100 g/l) ou une thrombopénie (plaquettes < 100 G/l) ; une lymphocytose avec un temps de doublement rapide (< 6 mois) ou à plus de 300 G/l ; une splénomégalie et des adénopathies massives ; des symptômes systémiques ; des complications auto-immunes. En l’absence d’un de ces facteurs de gravité, il s’agit d’une LLC à faible risque. En l’absence de bénéfice sur la survie, il n’y a pour l’instant pas d’indication à un traitement spécifique de cette catégorie de patients mais uniquement à un suivi avec un examen clinique et une formule sanguine complète réguliers, une à deux fois par an.
La leucémie lymphoïde chronique (LLC) est un des lymphomes les plus fréquents chez l’adulte. Son incidence augmente avec l’âge (70% des sujets atteints ont plus de 65 ans) et touche deux fois plus les hommes que les femmes. Il s’agit d’une prolifération monoclonale de lymphocytes B matures.1 La LLC et le lymphome lymphocytique (small lymphocytic lymphoma) sont une même maladie clonale, nommée LLC en présence de cellules circulantes, et lymphome lymphocytique pour les formes solides.2
Le diagnostic est établi sur une formule sanguine, un frottis sanguin et une cytométrie en flux.3 L’analyse de la moelle osseuse n’est pas nécessaire au diagnostic mais sera utile au moment d’instaurer un traitement. La lymphocytose est > 5 G/l, le frottis sanguin met en évidence des petites cellules mononuclées à chromatine dense (lymphocytes matures) et/ou des ombres de Gumprecht (lymphocytes endommagés au frottis), la cytométrie en flux révèle une population monoclonale avec un immunophénotype spécifique (CD5+, CD19+, CD23+). Le score de Matutes se base sur la présence ou l’absence de cinq marqueurs de surface et permet de poser le diagnostic avec une sensibilité de 87% et une spécificité proche de 99% si le score est élevé (4 ou 5 points)4 et permet de différencier la LCC d’autres néoplasies lymphoïdes très similaires (lymphomes du manteau ou de la zone marginale, leucémie prolymphocytique) dont la prise en charge est très différente. L’utilité d’un scanner est débattue et, en l’absence d’étude prospective confirmant le bénéfice clinique d’un tel bilan, celui-ci n’est généralement pas recommandé.5
La découverte de la maladie est souvent fortuite, à un stade asymptomatique, devant une lymphocytose isolée. Au stade précoce, les patients décrivent une fatigue, parfois des adénopathies. Ils sont prédisposés aux infections virales, bactériennes et opportunistes. Des complications liées à l’auto-immunité sont également possibles, avec principalement une anémie hémolytique ou une thrombopénie auto-immune.
Lorsque la maladie progresse, les cellules tumorales peuvent infiltrer la moelle osseuse, entraînant anémie, neutropénie et thrombopénie. Des adénopathies peuvent causer une gêne locale, tandis que l’apparition d’une splénomégalie peut aboutir également à une pancytopénie par hypersplénisme. Dans les rares cas de lymphocytose importante (> 300 G/l), on peut voir apparaître des signes de leucostase, voire un syndrome de lyse tumorale. La transformation en lymphome de haut grade (syndrome de Richter) est une complication qui survient chez environ 5% des patients (indépendamment du stade de la maladie) et qui se manifeste par des symptômes B (fièvre, sudation nocturne, perte de poids > 10% au cours des six derniers mois) et par l’apparition ou l’augmentation d’une adénopathie isolée. La LLC peut également se transformer en leucémie prolymphocytique. Le risque de tumeur solide secondaire semble accru.6 L’évolution clinique de la LLC est extrêmement variable, avec dans certains cas une survie sans traitement similaire à celle de la population générale, et dans d’autres une maladie rapidement évolutive et fatale.
Le but du staging est de prédire la survie globale, afin de définir les patients à traiter. Deux scores, faciles à utiliser, peu coûteux, basés uniquement sur la clinique et la formule sanguine sont utilisés : Rai et Binet (tableau 1).
Le staging selon Rai,7,8 développé aux Etats-Unis, se base sur le principe d’accumulation progressive de cellules néoplasiques avec initialement une lymphocytose en augmentation (stade 0, survie médiane de 150 mois), suivie par l’apparition d’adénopathies et d’une hépato-splénomégalie en progression (stades 1 et 2, survie : 101 et 71 mois), pour finir par une infiltration médullaire entraînant une anémie et une thrombopénie (stades 3 et 4, survie : 19 mois).
Le staging selon Binet,9,10 développé en France, est basé sur l’implication ou non de cinq sites lymphoïdes potentiels, accessibles à la palpation, comprenant les régions cervicale, axillaire, inguinale, splénique et hépatique (stade Binet A avec < 3 sites, et stade B ≥ 3 sites) ainsi que sur la présence d’une anémie ou d’une thrombopénie (stade Binet C quels que soient les sites atteints). La survie médiane des patients en stade A est similaire à celle de la population générale, tandis que pour le stade B elle est de 84 mois, et de 24 mois pour le stade C.
Dans un futur proche, il sera possible de prédire l’évolution clinique de manière beaucoup plus précise grâce à des marqueurs moléculaires de mauvais pronostic actuellement en cours d’évaluation clinique : mutation du gène IgVH, surexpression de CD38, expression de Zap-70, activité de la thymidine kinase, taux sérique de bêta2-microglobuline et anomalies cytogénétiques (délétion 17p, délétion 11q, trisomie 12, délétion 13q).11,12 Ces biomarqueurs ne permettent pour l’instant pas de stratifier avec certitude la gravité de la maladie et ils sont généralement utilisés dans les essais cliniques. Toutefois, les délétions des chromosomes 17 (del17p) et 11 (del11q) ont déjà un impact sur le choix du traitement, puisque ces anomalies diminuent la sensibilité au traitement, aggravant le pronostic ; une analyse cytogénétique est donc utile lors de la prise en charge de la LLC.
La LLC est une maladie souvent peu symptomatique mais encore incurable.
Plusieurs essais prospectifs randomisés de petite taille regroupés en une méta-analyse comprenant au total 2048 patients atteints de LLC au stade Binet A n’ont pas montré de bénéfice d’un traitement immédiat (par chlorambucil) par rapport à un traitement à l’apparition des symptômes.13 En l’absence de symptôme à soulager et de bénéfice en termes de survie, il n’y a actuellement pas d’indication à un traitement spécifique de la LLC dans les stades précoces. La découverte récente de nouveaux traitements (étudiés dans les stades avancés), beaucoup plus efficaces que le chlorambucil, permet cependant d’espérer un possible bénéfice chez les patients encore dans la phase initiale de la maladie mais à haut-risque de progression rapide (marqueurs de mauvais pronostic en cours d’identification précise).
Les recommandations actuelles pour le suivi des stades précoces (stade Rai 0 ou Binet A) préconisent une anamnèse, un examen clinique et une formule sanguine complète réguliers. Initialement, il est généralement conseillé de prévoir une consultation tous les trois à six mois, puis tous les six à douze mois si la maladie reste stable. En l’absence de signe spécifique, l’imagerie systématique n’est pas recommandée.
Les infections doivent être combattues de manière précoce et intensive. Les complications auto-immunes doivent être traitées efficacement par une corticothérapie, voire par d’autres immunosuppresseurs si nécessaire. Le dépistage des transformations en lymphome de haut grade et des tumeurs secondaires est important ; dans le cas d’une suspicion clinique de syndrome de Richter, le PET-CT semble avoir une bonne valeur prédictive négative (97%)14 et permet de guider une éventuelle biopsie.15 Pour finir, il s’agit d’être attentif à l’apparition de signes de progression de la maladie.
Après la cortisone, le chlorambucil fut utilisé pendant des décennies pour son efficacité sur les symptômes, malgré l’absence de bénéfice en termes de survie globale. Au cours de la dernière décennie, l’apparition de nouvelles molécules comme la fludarabine (analogue des purines), le rituximab (anticorps monoclonal anti-CD20) ou l’alemtuzumab (anti-CD52) a permis pour la première fois d’améliorer la survie globale des patients atteints de LLC avancée. L’apparition de ces nouvelles molécules et la multiplication des essais cliniques mettent alors en avant la nécessité de disposer de critères standardisés permettant de décider quand débuter un traitement ; ceci aboutit à une définition de la maladie symptomatique ou avancée.3 Ces critères d’éligibilité sont basés sur les analyses de survie (Rai et Binet principalement) et l’expérience d’experts internationaux.
Une maladie symptomatique ou avancée est définie par (tableau 2) : la détection d’une anémie (Hb < 100 g/l) ou d’une thrombopénie (plaquettes < 100 G/l) traduisant une insuffisance médullaire (stades Rai 3 et 4, ou Binet C) et confirmée par un médullogramme systématique (> 30% de lymphocytes), une lymphocytose avec un temps de doublement rapide (en moins de six mois) ou à plus de 300 G/l entraînant alors un risque de leucostase ou de syndrome de lyse tumorale, une splénomégalie et des adénopathies massives (≥ 6 cm sous le rebord costal et ≥ 10 cm, respectivement), symptomatiques ou en progression, des symptômes systémiques comme une fatigue progressive, une perte de poids > 10% au cours des six derniers mois, une fièvre > 38°C durant ≥ deux semaines ou des sudations nocturnes durant > 1 mois, des complications auto-immunes (anémie ou thrombopénie) non contrôlées par une corticothérapie ou un autre traitement immunosuppresseur.
Ces critères correspondent in fine aux stades Rai et Binet avancés et à certains stades intermédiaires à haut risque. Après avoir été validés dans des essais cliniques montrant un avantage de survie avec l’emploi des nouvelles molécules thérapeutiques, ils sont maintenant largement utilisés en routine pour savoir quand débuter un traitement.
Pour ce qui est de la prise en charge des stades intermédiaires (Rai 1 et 2, Binet B) ne remplissant pas ces critères, la question reste ouverte mais la plupart de ces patients peuvent être suivis sans traitement jusqu’à ce que la maladie devienne symptomatique, avancée ou progressive.
Hormis pour les patients âgés, les études montrent que tous les nouveaux traitements sont plus efficaces que le chlorambucil. Ils sont similaires entre eux en termes de survie globale mais différents en ce qui concerne la rémission complète, le temps jusqu’à la progression et le profil de toxicité. Il n’existe pas encore de comparaison directe entre eux.
L’association fludarabine-cyclophosphamide-rituximab (FCR) est le traitement le plus utilisé actuellement en première ligne chez les patients en bon état général, avec une survie sans progression de 51% et une survie globale de 77% à six ans.16 Les taux de réponse complète sont plus importants avec l’association FCR que FC (sans rituximab) (45% vs 23%),17 mais surtout bien supérieurs au chlorambucil dans les études historiques (4% de réponses complètes).18
Dans certains cas, l’alemtuzumab19 ou l’association rituximab-bendamustine (cystatique alkylant, utilisable oralement)20 peuvent également être utilisés en première ligne.
Chez les patients âgés ou avec des comorbidités significatives, le chlorambucil, avec ou sans rituximab, reste très utile pour le contrôle des symptômes. Le rituximab seul, les corticostéroïdes, voire la bendamustine sont une bonne alternative.21
En ce qui concerne les maladies réfractaires, une répétition du premier traitement peut être tentée si la première rémission a duré plus d’un an. Dans les autres situations, l’utilisation d’un nouveau traitement (ofatumumab, obinutuzumab…) dans ou hors d’un essai clinique, ou une transplantation de cellules souches hématopoïétiques doivent être discutés.22
Pour l’instant, aucun traitement n’a montré de bénéfice de survie dans les stades précoces et asymptomatiques de la LLC. Il s’agit d’assurer un suivi clinique et biologique simple de manière régulière et de n’envisager un traitement que lorsqu’un critère de gravité apparaît. Tous les traitements validés (chlorambucil et nouvelles molécules) permettent une amélioration des symptômes mais seuls les nouveaux permettent une amélioration de la survie globale dans les stades avancés. La combinaison FCR est le traitement de première ligne le plus largement prescrit. Pour l’instant, l’inclusion dans une étude en cours devrait être proposée en première intention à tous les patients ayant une indication thérapeutique.
Les auteurs n’ont déclaré aucun conflit d’intérêt en relation avec cet article.
> Une formule sanguine, un frottis sanguin et une cytométrie en flux suffisent pour le diagnostic de leucémie lymphoïde chronique (LLC)
> En l’absence de symptôme à soulager et de bénéfice en termes de survie, il n’y a actuellement pas d’indication à un traitement spécifique de la LLC dans les stades précoces (Binet stade A et éventuellement B)
> Le suivi des stades précoces consiste en une anamnèse, un examen clinique et une formule sanguine complète tous les trois à six mois, puis tous les six à douze mois si la maladie est stable
> Il existe une définition de la maladie symptomatique ou avancée qui permet de décider quand débuter un traitement spécifique
> Les nouveaux marqueurs pronostiques sont encore en cours de validation, mais certaines anomalies cytogénétiques (del17p et del11q, par exemple) semblent associées à une résistance au traitement et commencent à être intégrées dans le choix de la prise en charge
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