La course aux traitements s’accélère. Parmi les molécules retenues, on trouve le Remdsevir. Que faut-il en penser ?
Le Remdesivir est un analogue de base développé il y a quelques années contre Ebolavirus. Son spectre d’action relativement large sur des virus à RNA couvre de nombreux coronavirus, y compris humains. Le développement préclinique montre qu’il inhibe efficacement divers coronaviridae en culture de cellules, ainsi que SARS-CoV et MERS-CoV in vivo dans des modèles animaux, en atténuant la sévérité clinique de l’atteinte pulmonaire. C’est donc un médicament prometteur, dont Gilead annonce un programme accéléré de développement et de production.
Le remdesivir (GS 5734) est un dérivé monophosphate d’analogue de l’adénine. Il est transporté efficacement dans les cellules, et subit un métabolisme pour produire un triphosphate de nucléoside inhibant de nombreuses RNA polymérases virales RNA-dépendantes.
Ce métabolite est concentré activement dans les cellules ou il atteint des concentrations élevées et durables, permettant largement des administrations une fois par jour (Warren et al, Nature, 2016 ;531 :381). Ce métabolite est incorporé dans les chaînes naissantes de RNA, à la place de, et dans le cas de MERS-CoV, plus efficacement que l’ATP, entrainant une terminaison dite retardée de la chaîne : le bloc ne se produit que trois nucléotides après l’incorporation de l’analogue. Ce fait probablement contribue à protéger de l’activité de correction de l’enzyme 3’-5’ exonucléase, augmentant l’efficacité du médicament (https://www.jbc.org/content/early/2020/02/24/jbc.AC120.013056).
De fait, in vitro et dans des modèles animaux de SARS-CoV et de MERS-CoV, avec un traitement prophylactique ou thérapeutique, c’est-à-dire débutant typiquement un jour après l’infection expérimentale, le remdesivir a un effet dramatique, bien supérieur à des comparateurs tels que les inhibiteurs de protéases de HIV sur des end-points virologiques : charge virale tissulaire, mais aussi pathologiques et fonctionnels pulmonaires (Sheahan et al, Sci. Transl. Med. 2017 ; 9, eaal3653 et Nature Com, 2020 ; 11:222).
A ce jour, il n’y a pas encore de telles études publiées ou même déposées avant revue par des pairs dans BioRxiv concernant SARS-CoV-2, mais l’homologie entre les RNA polymérases virales RNA-dépendantes des beta-coronaviridae fait attendre une efficacité comparable. Vu l’urgence, les prochaines nouvelles pourraient venir directement d’études cliniques actuellement en cours en Chine et en démarrage en Europe et aux Etats-Unis (Kupferschmidt et Cohen, Science, 2020 ;367 :1413).
Citation(s)
Race to find COVID-19 treatments accelerates, Kupferschmidt K, Cohen J. Science. 2020 Mar 27;367(6485):1412-1413. doi: 10.1126/science.367.6485.1412
Commentaire
En virologie, chez l’hôte non immunosupprimé, la plupart des médicaments antiviraux actifs ne montrent d’efficacité clinique que s’ils sont administrés durant les tous premiers jours de la maladie. Plus tard, alors que l’immunité innée ou acquise a contrôlé la réplication virale, leur fenêtre d’efficacité est passée. Il faudra donc dans l’interprétation des résultats du remdesivir être attentif à la durée des symptômes avant l’enrôlement des patients.