Commentaires des publications concernant les vaccins BioNTech/Pfizer (BNT162b2, papier mis en ligne le 10 décembre dernier) et Moderna.
Et encore un cadeau, pour la Saint Sylvestre. Ce matin du 31 décembre, le New Eng J Med met en ligne la publication de l’étude de phase 3 du vaccin à mRNA de Moderna (mRNA-1273). C’est l’occasion de revoir ensemble les publications très parallèles des vaccins BioNTech/Pfizer (BNT162b2, papier mis en ligne le 10 décembre dernier) et Moderna. A noter que les données complètes de ces études sont accessibles au public sous le calendrier des advisory committees de la FDA (réunions des 10 et 17 décembre derniers (https://www.fda.gov/advisory-committees/advisory-committee-calendar).
Le développement de ces deux vaccins capitalise sur le progrès dans la production in vitro, l’optimisation de la traduisibilité du mRNA, et de sa formulation dans des nanoparticules de lipides permettant de cibler et d’introduire le mRNA dans des cellules (le « transfecter »), en particulier les cellules présentatrices d’antigènes. Après démonstration de l’immunogénicité et de l’efficacité de ces vaccins dans des modèles animaux et de leur immunogénicité et sécurité dans des études de phase 1 et 2, les études de phase 3 ont été organisées au printemps et débutées l’été dernier, juste à temps pour profiter de l’arrivée de la seconde vague permettant d’obtenir des résultats significatifs plus rapidement. C’est ainsi que les études BNT162b2 et mRNA-1273 randomisent respectivement 43,548 adultes de plus de 16 ans, sans histoire de COVID, à recevoir 2x30 µg de BNT162b2 ou de placebo à 21 jours de distance, et 30,420 adultes de plus de 18 ans sans histoire de COVID à recevoir 2x100 µg de mRNA-1273 à 28 jours de distance. Les patients étaient recrutés l’été dernier, de sorte que leur suivi s’est produit durant la crue de la seconde vague, expliquant comment le point d’analyse finale, fixé par un nombre déterminé de COVID prouvé par PCR a été atteint aussi rapidement.
Le profil de sécurité des deux vaccins est quasiment indistinguable : 80 % de réactions locales (essentiellement douleurs faibles à modérées) et des symptômes systémiques environ deux fois plus fréquents qu’après placebo. Les effets adverses sont plus marqués après la deuxième injection.
L’analyse pour l’endpoint primaire. Concernant BNT162b2, 8 cas de Covid-19 débutant au moins 7 jours après la seconde dose ont été observés chez les vaccinés vs 162 parmi les récipients de placebo. Cette répartition des cas correspond à une efficacité vaccinale de 95.0% (Intervalle de confiance à 95% : 90.3 to 97.6).
Concernant mRNA-1273: 11 cas de COVID-19 sont observés parmi les vaccinés vs 185 cas dans le groupe placebo, correspondant à une efficacité de 94.1% (IC 95% : 89.3 to 96.8%).
Parmi les analyses d’endpoint secondaires, mentionnons dans l’étude BNT162b2 un seul COVID sévère dans le groupe vacciné versus 7 dans le groupe placebo, et dans l’étude mRNA-1273 0 dans le groupe vacciné versus 30 dans le groupe placebo : ces résultats excluent le risque de « enhanced respiratory disease » dont on craignait qu’il puisse être lié à certains vaccins.
Des sous-analyses révèlent une efficacité comparable parmi les groupes à risque de COVID sévères inclus dans l’étude (>65 ans, et différentes comorbidités), quoique évidemment avec un pouvoir statistique plus faible au pro rata de la taille des sous-groupes.
A remarquer, dans les figures 3 des deux papiers, les courbes d’incidence cumulative de COVID-19 chez les vaccinés et leurs contrôles, qui divergent 10 à 15 jours après la première dose de vaccin, montrant qu’une protection débute à un moment où les taux d’anticorps neutralisants sont très faibles! Comme les chutes du Niagara, ces figures méritent absolument le détour!
Limites des études
Parmi les critères d’exclusion des deux études : immunosuppression (en dehors de HIV à un stade non avancé), et réactions allergiques de type I. Il n’est donc pas étonnant de n’avoir pas détecté d’effets adverses de ce type dans le cadre de l’étude, alors que le suivi postmarketing en détecte, d’ailleurs probablement plutôt lié au polyéthylène glycol de l’excipient. L’apparition d’autres effets adverses rares doit d’ailleurs être suivie, comme par exemple le léger excès de paralysie faciale essentielle chez les vaccinés dans les deux études !
Le follow-up lors de cette première analyse est limité à peu de mois, le nombre prédéterminé d’endpoint primaires ayant été atteint très rapidement durant le déferlement de la seconde vague. Il reste donc des questions critiques en termes de durée de la protection, et aussi de corrélats de laboratoires (taux d’anticorps neutralisants, réponses cellulaires ?) de cette protection.
Commentaire
Ces deux études montrent un profil d’efficacité et de sécurité essentiellement indistinguable de ces deux mRNA. Elles permettent de calculer, même si des effets adverses rares devaient encore être identifiés, un rapport risque/bénéfice extrêmement favorable, à tout le moins pour tous les individus à risque. En l’absence de données sur l’effet du vaccin sur la transmission (même si les données expérimentales animales laissent prévoir une très forte réduction du risque de transmission par les vaccinés néanmoins infectés), il est plus difficile d’évaluer le rapport risque/bénéfice chez les jeunes en bonne santé.
Le développement des vaccins à mRNA est une extraordinaire saga d’une trentaine d’années, durant laquelle les progrès dans la compréhension et la technologie du RNA a été suivie par un développement intelligent et rapide de vaccins COVID, et enfin un sans-faute (à ce jour) dans la réalisation des études cliniques. Ce faisant, les promoteurs de ces études nous fournissent, avec une rapidité et une méticulosité exemplaire, des outils permettant de contrôler la pandémie, d’une valeur incalculable, voire d’améliorer la prise en charge d’autres infections. Ainsi, on se réjouit de connaître la performance d’un vaccin Influenza à mRNA! Il est regrettable qu’une fraction appréciable de la population n’apprécie pas à leur juste valeur le développement de ces vaccins.