Parmi les très nombreux projets de vaccin en développement, deux ont donné récemment lieu à des publications rendant compte d’études de phase 1/2.
La première (Oxford/Astra-Zeneca), de phase 1/2, utilisant un vecteur dérivé d’un adénovirus de chimpanzé (dont l’avantage est que aucun être humain n’y est séropositif, au contraire des vecteurs dérivés d’adénovirus humain) ChAdOx1 nCoV-19 exprimant la protéine Spike, a enrôlé des adultes en bonne santé. Ainsi, 543 volontaires âgés de 18-55 ans ont été vaccinés avec 5x1010 particules virales et comparé à 534 volontaires ayant reçu MenACWY. Une dizaine de volontaires ont reçu une deuxième injection (boost). Ils ont développé des titres anticorps détectables en ELISA total IgG standardisé contre la protéine spike de SARS-CoV-2 spike trimérisée, dans un immunoessai multiplexé, dans 3 tests de neutralisation de SARS-CoV-2 et un test de neutralisation de pseudovirus. Les réponses cellulaires ont été évaluées avec un enzymo-immunospot test ex vivo pour interferon-γ. Mis à part des réponses locales et systémiques répondant au paracétamol, il n’y avait pas d’effets secondaires sérieux. Des taux d’anticorps étaient détectés respectivement en ELISA ou en neutralisation chez tous ou la plupart des volontaires, à des titres comparables à ceux de convalescents. Les réponses cellulaires étaient essentiellement de type Th1, en principe peu enclines à induire de l’immunopathogenèse.
La deuxième étude (Moderna/Lonza) utilise une approche innovante : un mRNA codant pour la protéine Spike modifiée pour figer la conformation précédent les modifications liées à la fusion de la particule virale (donc cible idéale d’anticorps neutralisants), dans une nanoparticule lipidique (mRNA-1273). Il s’agit cette fois d’une étude de phase 1, avec échelle de dose, ouverte, incluant 45 adultes de 18 à 55 ans recevant 2 vaccinations, à 28 j d’intervalle de mRNA-1273 à la dose de 25 μg, 100 μg, ou 250 μg (15 participants dans chaque groupe. En bref, les effets adverses, inflammatoires locaux et systémiques étaient proportionnels à la dose, et en augmentation à la deuxième injection, rarement sévères cependant. L’immunogénicité était également dose-dépendante, produisant des taux d’anticorps anti-full length et anti-receptor binding domain détectés en ELISA, et des taux d’anticorps neutralisants, comparables après deux doses à ceux observés dans le serum de patients convalescents, et d’ailleurs fortement corrélés. Avec ce vaccin également, les réponses cellulaires détectées sont de type Th1, augurant favorablement d’une absence d’immunopathogenèse chez les vaccinés infectés par le SARS-CoV-2.
Commentaire
En bref : ces deux études de phase 1 et ½ respectivement sont encourageantes : ces vaccins sont capables de déclencher la synthèse d’anticorps en des titres dont on peut penser qu’ils corrèlent probablement avec une protection. Elles fournissent une base cruciale pour l’organisation d’études de phase 3 (efficacité et sécurité comparée à placebo) qui ont d’ailleurs déjà débuté.
A noter également la démonstration récente dans le modèle du macaque rhésus de l’efficacité et de l’absence d’immunopathogenèse induite par ce vaccin.
C’est ce genre de résultats sur lesquels se fonde Anthony Fauci pour estimer probable, si l’efficacité et la sécurité de ces vaccins se vérifient, la disponibilité d’un vaccin vers la fin de l’année.
Une des questions cruciales à laquelle répondra le suivi prévu de ces études est évidemment la durabilité de ces réponses !
A noter que d’autres approches vaccinales sont également explorées. Certaines approchent ou ont initié des phases 3. Par exemple, celle utilisant un vecteur dérivé d’adénovirus 5 humain (CanSino, armée russe), qui pose le problème de la séroprévalence d’anticorps anti-adéno 5, élevée dans la plupart des populations et exposant à un risque de diminution de l’efficacité du vecteur. Ou celle à base de SARS-CoV-2 inactivé (Sinovac), dont on se méfie qu’il soit particulièrement enclin à déclencher des réponses de types Th2 avec immunopathogenèse. Ces approches n’ont d’ailleurs pas fait l’objet de publications comparables à celles rapportées ici.