Les vaccins à ARNm Pfizer/BioNTech et Moderna ont démontré une efficacité remarquable dans les études de phase III et IV pour prévenir des infections symptomatiques.
Au plan épidémiologique, il est important de compléter cette évaluation par une investigation de la capacité de ces vaccins à prévenir les infections asymptomatiques et à diminuer la charge virale, prémisses de la capacité d’une campagne vaccinale à diminuer, respectivement prévenir une nouvelle vague épidémique et à nous dispenser d’une nouvelle phase de distanciation sociale.
Le papier rapporté ici nous fournit parmi les meilleures données à ce sujet. Elles ne sont pas faciles à produire, puisqu’elles nécessitent la mise en place d’un système de surveillance microbiologique systématique (par ex. tests COVID hebdomadaires, en plus des tests lors d’apparition de symptômes compatibles).
Les auteurs ont conduit une telle étude de cohorte prospective incluant 3975 employés du domaine de la santé dans plusieurs états américains. Du 14 décembre 2020 au 10 avril 2021, les participants ont subi un test hebdomadaire de SARS-CoV-2 par frottis nasal analysé par transcriptase réverse et PCR (RT-PCR) qualitative et quantitative. La formule utilisée pour calculer l’efficience vaccinale était 100%× (1−rapport de risque pour une infection à SARS-CoV-2 chez les participants vaccinés versus chez les non-vaccinés), en ajustant pour la propension à être vacciné, pour le site d’étude, le métier et l’intensité de la circulation locale du virus.
RÉSULTATS : SARS-CoV-2 était détecté chez 204 participants (5%), dont 5 alors qu’ils étaient complètement vaccinés (≥14 jours après la deuxième dose), 11 alors qu’ils étaient partiellement vaccinés (≥14 jours après la dose 1 et <14 jours après la dose 2), et 156 alors qu’ils étaient non vaccinés ; les 32 participants avec status vaccinal indéterminé (<14 jours après la dose 1) étaient exclus de l’analyse. L’efficience vaccinale ajustée était de 91% (IC 95% : 76 to 97%) avec une vaccination complète et 81% (IC 95% : 64 to 90%) avec une vaccination partielle. Parmi les participants avec une infection à SARS-CoV-2, la charge en RNA viral moyenne était de 3.8 log10 copies/ml chez les participants non vaccinés et de 2.3 log10 copies/ml parmi les participants partiellement ou complètement vaccinés (réduction de 40% de la charge moyenne en RNA viral (IC 95% : 16 to 57%) chez les participants partiellement ou complètement vaccinés comparés aux participants non vaccinés. La vaccination réduisait aussi de 66% la probabilité de détecter du RNA viral dans plus d’un test hebdomadaire consécutif. De plus, le risque de symptômes fébriles était abaissé de 58% (risque relatif, 0.42; IC 95% : 0.18 to 0.98) et la durée de la maladie réduite, avec 2.3 jours en moins passés alités (IC 95% : 0.8 to 3.7 jours).
Les auteurs concluent que les vaccins à ARNm autorisés étaient d’une haute efficacité pour réduire le risque d’infection par SARS-CoV-2 chez des adultes en âge de travailler lorsqu’ils étaient administrés dans les conditions de la vie de tous les jours. Lors d’infections malgré la vaccination (breakthrough), celle-ci réduisait la charge en RNA viral, le risque de symptômes fébriles et la durée de la maladie.
Commentaire
Cette étude complète les données répondant à la question suivante : si les vaccins affectent l’incidence d’infection symptomatique comme déjà largement démontré dans des études de phase III et IV, qu’en est-il de leur effet sur l’incidence d’infections asymptomatiques et sur le cours des infections chez les vaccinés ?
Cette étude continue à rassurer : ces vaccins n’ont pas d’effet paradoxal adverse, soit en aggravant des infections par un mécanisme d’augmentation de l’infection médiée par les anticorps, soit en favorisant une transmission couverte en transformant des infections symptomatiques en infections asymptomatiques. En fait, cette étude complète le benchmark de l’ensemble des variables dépendantes en termes de sécurité et d’efficacité, qui devront être vérifiées pour l’ensemble des vaccins en cours de développement, en particulier pour les vaccins de sous-unités protéiques ou de virus inactivés, pour lesquels la probabilité d’aggravation de l’infection par des anticorps est plus élevée.
Toutes les données de la présente étude au contraire indiquent qu’en diminuant d’environ 90% l’incidence d’infection chez les vaccinés, mais aussi l’excrétion de virus, en charge et en durée, en cas de breakthrough, l’effet de la vaccination par les deux vaccins à ARNm est de réduire massivement la transmission de virus. Cette conclusion a été produite à une période qui précède, il est vrai, l’apparition des derniers variants de transmission.
Paradoxalement, l’efficacité des vaccins réduisant à un tel degré l’incidence d’infections malgré vaccination, l’estimation du profil microbiologique de ces épisodes reste relativement imprécis malgré la grande taille de l’étude.
Il est possible que les données de ce type restent les meilleures concernant la transmission. En effet, montrer directement l’effet de la vaccination sur la transmission demandera une intensité et une qualité du traçage épidémiologique représentant une quantité très importante de travail.
En résumé, à ce jour, en ce qui concerne les deux vaccins à mR333NA autorisés, tous les feux sont au vert, non seulement en termes de sécurité, mais aussi d’efficacité, et sur toutes les variables considérées. Les résultats préliminaires, médiocres du vaccin à ARNm Curevac montrent que le succès de ce nouveau type de vaccin n’était pas assuré a priori. On ne peut donc que se réjouir chaudement de disposer de tels outils dans notre lutte contre la pandémie, et les utiliser aussi largement que possible.