Dans le lab

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Améliorer la neuroplasticité grâce aux psychédéliques

Les psychédéliques continuent d'attiser l'intérêt et de bousculer les paradigmes établis. Le professeur Gregor Hasler du Réseau fribourgeois de santé mentale et de l'Université de Fribourg, compte parmi les chercheurs qui s'emploient à comprendre le fonctionnement de ces molécules et à évaluer leur potentiel dans le traitement des maladies psychiatriques.

Il y a plus de 40 ans, les premiers inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine (ISRS) arrivaient sur le marché. Depuis, la recherche en psychiatrie n’a que peu progressé, malgré les effets mitigés des traitements actuels. C’était sans compter sur la (re)découverte des psychédéliques. « Les psychédéliques ont apporté un important changement de paradigme concernant le traitement, mais aussi la compréhension des troubles psychiatriques, » explique le professeur Gregor Hasler. Auteur de plusieurs livres pour le grand public, le psychiatre et chercheur à l'Université de Fribourg, Section de médecine, étudie ces molécules depuis de nombreuses années.

L’engouement pour les psychédéliques s’explique en partie par leurs effets rapides sur la dépression résistante. La kétamine en particulier, peut apporter un soulagement significatif aux patients en quelques heures seulement, et les effets positifs d’une seule dose peuvent persister pendant plusieurs jours.

La neuroplasticité au cœur d’un changement de paradigme

La recherche menée jusqu’à présent indique que ces améliorations seraient dues en partie au fait que les psychédéliques stimulent la neuroplasticité, cette capacité du cerveau à former et à réorganiser les connexions synaptiques, renversant ainsi le paradigme monoaminergique de la dépression. « La dépression a récemment été redéfinie comme un trouble de la plasticité plutôt que comme un simple déséquilibre de neurotransmetteurs individuels, » souligne Gregor Hasler.

Tout au long de la vie, la neuroplasticité, permet d’apprendre, de s’adapter et de récupérer après un traumatisme. Mais elle jouerait également un rôle central dans de nombreux états pathologiques.
« Il a été démontré que la neuroplasticité est altérée dans une variété d'états pathologiques associés à une dysrégulation de l'humeur, continue le psychiatre. Nous avons par ailleurs montré que lorsque la dépression s’installe, il s’ensuit une diminution de la
neuroplasticité. »

Une meilleure compréhension des mécanismes de la neuroplasticité pourrait ouvrir la voie à de nouveaux traitements pour un large éventail de troubles, qu'ils soient psychiatriques comme la dépression, les troubles du comportement alimentaire ou les TOC, ou neurologiques comme les AVC ou la démence.

Recherche volontaires sains pour expérience psychédélique

Avant d’en arriver là, il est néanmoins primordial de comprendre les effets réels des psychédéliques sur le cerveau humain. C’est précisément ce que font les chercheurs du laboratoire de Gregor Hasler, en étudiant notamment les effets du LSD sur la neuroplasticité chez des volontaires sains. « Les études animales ont montré que les psychédéliques améliorent la neuroplasticité, mais il n'est pas clair que cela se produise chez les humains. Et si c'est le cas, ce que cela implique cliniquement, » indique Abigail Calder, doctorante du laboratoire.

 Les chercheurs ont choisi le LSD car il semble avoir des effets plus marqués sur la neuroplasticité que les autres psychédéliques. « Cet effet accru pourrait s’expliquer par la durée plus longue des "trips", offrant ainsi une plus grande fenêtre d’action pour la neuroplasticité, » explique Gregor Hasler.

Pour mesurer la neuroplasticité, les chercheurs se fondent sur le principe de « what fires together, wires together » (ce qui s’active ensemble, se connecte ensemble). Ce dicton signifie que des neurones proches qui s’activent simultanément établissent des connexions. « En exposant les volontaires à deux stimuli simultanés, l’un sensoriel et l’autre électrique, nous pouvons induire une légère augmentation de la neuroplasticité et en mesurer l’ampleur. Plus elle est importante, plus la neuroplasticité du cerveau est grande, » décrit Abigail Calder.

Pour leur étude, les chercheurs, vont comparer deux groupes : les volontaires recevant une dose de LSD et ceux recevant un placebo. « Après avoir administré le produit et exposé les volontaires à la double stimulation, nous mesurons les modifications de l’activité neuronale par EEG et comparons les deux groupes, » continue la doctorante. Ces mesures sont effectuées 6 heures après la dose, puis un jour et une semaine plus tard, afin de déterminer pendant combien de temps les changements persistent.

Augmenter la synergie entre psychédéliques et psychothérapie

Si les résultats de cette étude montrent que le LSD améliore réellement la neuroplasticité pendant une certaine durée, cela pourrait avoir un potentiel thérapeutique considérable. Une plus grande neuroplasticité pourrait rendre les patients plus réceptifs à d’autres interventions thérapeutiques, telles que la psychothérapie « Dans un monde idéal, on pourrait imaginer organiser les interventions de psychothérapie en coordination avec la fenêtre thérapeutique offerte par le traitement psychédélique, afin de potentialiser leurs effets, » affirme le psychiatre.

En parallèle, l’équipe du professeur Hasler mène une étude similaire, cette fois avec des personnes âgées, afin d’explorer l’effet des psychédéliques sur le déclin cognitif. « À l’avenir, nous pourrions aussi envisager d’évaluer l’effet des psychédéliques sur des personnes atteintes de troubles cognitifs ou de troubles neurologiques, après un AVC par exemple, lorsqu’il y a un fort besoin de neuroplasticité pour récupérer, » conclut le professeur.

FIG 1 Chronologie des observations de divers changements dans la neuroplasticité après un traitement par une dose unique de psychédéliques sérotoninergiques tels que le LSD, la psilocybine, la DMT ou le DOI1

1. Adaptée de Calder A E, Hasler G. Towards an understanding of psychedelic-induced neuroplasticity. Neuropsych§opharmacology. 2023;48:104-12. https://doi.org/10.1038/s41386-022-01389-z.)

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Pour aller plus loin :

Archives de la Revue Médicale Suisse : Utilisation de la kétamine et des psychédéliques en psychiatrie

  1. Zullino D. Le défi de la renaissance psychédélique est la délimitation de l’usage thérapeutique. Rev Med Suisse. 2024;20(858):135-6. www.revmed.ch/revue-medicale-suisse/2024/revue-medicale-suisse-858/le-defi-de-la-renaissance-psychedelique-est-la-delimitation-de-l-usage-therapeutique.
  2. Schaller A, Bourquin G, Amorim Araujo I, Ljuslin M. Thérapie assistée par psychédéliques en médecine palliative. Rev Med Suisse. 2023;19(855):2395-8. www.revmed.ch/revue-medicale-suisse/2023/revue-medicale-suisse-855/therapie-assistee-par-psychedeliques-en-medecine-palliative
  3. Thorens G, Penzenstadler L, Seragnoli F, et al. Déontologie de la pratique de la psychothérapie assistée par psychédéliques. Rev Med Suisse. 2023;19(838):1508–12. www.revmed.ch/revue-medicale-suisse/2023/revue-medicale-suisse-838/deontologie-de-la-pratique-de-la-psychotherapie-assistee-par-psychedeliques
  4. Clerc M, Rosenhagen-Lapoirie M, Von Guntenet A. Utilisation de la kétamine en psychiatrie : mise à jour. Rev Med Suisse. 2022;18(793):1626–9. www.revmed.ch/revue-medicale-suisse/2022/revue-medicale-suisse-793/utilisation-de-la-ketamine-en-psychiatrie-mise-a-jour
  5. Seragnoli F, Pires Martins D, Thorens G. Microdosage de LSD : pratiques et risques. Rev Med Suisse. 2021;17(742):1108–10. www.revmed.ch/revue-medicale-suisse/2021/revue-medicale-suisse-742/microdosage-de-lsd-pratiques-et-risques
  6. Sergentanis I, Vibert V, Costanza A, et al. À propos de l’utilisation du traitement de la kétamine aux urgences psychiatriques. Rev Med Suisse. 2021;17(725):303–6. www.revmed.ch/revue-medicale-suisse/2021/revue-medicale-suisse-725/a-propos-de-l-utilisation-du-traitement-de-la-ketamine-aux-urgences-psychiatriques
  7. Thorens G, Zullino D. Psychothérapie assistée par des psychédéliques, un traitement par expositions intenses et inhabituelles. Rev Med Suisse. 2020;16(707):1748–50. www.revmed.ch/revue-medicale-suisse/2020/revue-medicale-suisse-707/psychotherapie-assistee-par-des-psychedeliques-un-traitement-par-expositions-intenses-et-inhabituelles

 Sélection de publications du laboratoire de Gregor Hasler (Unifr)

  1. Calder A E, Hasler G. Towards an understanding of psychedelic-induced neuroplasticity. Neuropsychopharmacology. 2023;48:104-12. https://doi.org/10.1038/s41386-022-01389-z.
  2. Ponomarenko P, Seragnoli F, Calder A, Oehen P, Hasler G. Can psychedelics enhance group psychotherapy? A discussion on the therapeutic factors. Journal of Psychopharmacology. 2023;37(7):660-78. https://doi.org/10.1177/026988112311551
  3. Guglielmo R, Hasler G. The neuroprotective and neuroplastic potential of glutamatergic therapeutic drugs in bipolar disorder, Neuroscience & Biobehavioral Reviews, 2022;142:104906. https://doi.org/10.1016/j.neubiorev.2022.104906.
  4. Hasler G. Toward the “helioscope” hypothesis of psychedelic therapy. European Neuropsychopharmacology. 2022;57:118-9. https://doi.org/10.1016/j.euroneuro.2022.02.006.

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