Dans un papier encore non revu par les pairs, Davies et coll. expliquent à l'aide d'un modèle pourquoi le variant VOC 202012/01 est associé à une plus grande transmission.
Dans un papier encore non revu par les pairs, mais provenant d’une institution reconnue pour la qualité de ses travaux (Centre for Mathematical Modelling of Infectious Diseases London School of Hygiene and Tropical Medicine de Londres), Davies et collaborateurs ont analysé à l’aide d’un modèle les caractéristiques du variant SARS-CoV-2, VOC 202012/01, permettant d’expliquer au mieux son comportement épidémiologique ainsi que de prédire son impact sur le déroulement de l’épidémie ces prochains mois.
Ce nouveau variant a émergé dans le sud-est de l’Angleterre en novembre 2020, et progresse rapidement. Les auteurs ont appliqué un modèle mathématique à deux souches de la transmission de SARS-CoV-2 aux observation suivantes : admissions hospitalières pour COVID-19, taux d’occupation des lits hospitaliers et de soins intensifs, décès; prévalence de SARS-CoV-2 détecté par séroprévalence; ainsi que la fréquence relative de VOC 202012/01 dans les trois régions NHS England les plus affectées (South East, East of England, and London), déterminée soit par séquençage, soit par S gene drop out (pattern en PCR de positif pour ORF1 et N gene et négatif pour S en raison d’une mutation par délétion des aa 69-70). L’hypothèse introduite dans le modèle qui explique le mieux la propagation du variant est (i) une augmentation de sa transmissibilité, alors que les hypothèses (ii) échappement immunitaire rendant plus susceptible à une réinfection, (iii) augmentation de la susceptibilité des enfants et (iv) un raccourcissement du temps de génération produisaient un « fit » plus faible. En revenant sur la transmissibilité, les auteurs estiment que VOC 202012/01 est plus transmissible de 56% (intervalle de plausibilité à 95% dans les trois régions : 50-74%) que les variants pré-existants de SARS-CoV-2. Ils ne trouvent pas d’évidence claire que VOC 202012/01 cause des maladies plus ou moins sévères que les variants pré-existants. Néanmoins, la transmissibilité accrue va probablement conduire à une augmentation importante de l’incidence, avec des hospitalisations et des décès en 2021 plus élevés qu’en 2020, même si les mesures de distanciation régionales mises en place avant le 19 décembre sont maintenues. Leurs estimations suggèrent que d’aussi sévères mesures que celles mises en place lors du « national lockdown » en Angleterre en novembre 2020 ont peu de chances de réduire le nombre effectif de reproduction Rt (ou Re) à moins de 1, à moins que les écoles primaires, secondaires et les universités ne ferment aussi. Ils projettent qu’une forte résurgence du virus est probable si les mesures de contrôle étaient relâchées. Ils concluent qu’il pourrait être nécessaires d’accélérer grandement les campagnes de vaccination (de 200'000 à 2 millions de vaccinations par semaine) pour qu’elles aient un impact appréciable en termes de morbidité et de mortalité.
Limites de l'étude
Cette étude est basée sur une modélisation. Ses conclusions doivent être interprétées comme des projections associées à des probabilités. Elle n’est pas encore passée au crible du peer review.
Citation(s)
Davies et coll., Estimated transmissibility and severity of novel SARS-CoV-2 Variant of Concern 202012/01 in England, preprint, https://cmmid.github.io/topics/covid19/reports/uk-novel-variant/2020_12_23_Transmissibility_and_severity_of_VOC_202012_01_in_England.pdf
Commentaire
Les résultats de cette étude ne sont, au fond, pas surprenants : si vous laissez un virus se propager parmi des milliards d’individus, le risque de sélectionner un variant plus « fit » grandit proportionnellement. Certaines des mutations sont localisées dans la molécule S à des endroits tels qu’un impact sur la liaison au récepteur ou un échappement immunitaire soit plausible.
La signification potentielle de ces observations est énorme, suggérant un risque d’inondation-submersion par la vague dans les premiers mois de 2021 dans les pays qui seront affectés par ce variant. Il serait souhaitable que les politiques tiennent compte de ce genre d’avertissement lorsqu’ils décident des mesures de distanciation, mais aussi lorsqu’ils déterminent les moyens à mettre en œuvre pour les campagnes de vaccination : il est temps de concevoir un plan Marshall de vaccination !