Que va-t-il se passer après la première vague pandémique ? Une modélisation montre que le plus probable sera une persistance de la présence de SARS-CoV-2 jusqu’en 2022 au moins sous forme de vague étalée ou de vagues répétées selon l’importance des mesures de distanciation sociale.
En utilisant des données épidémiologiques US concernant l’incidence d’infections des deux beta-coronavirus saisonniers HKU1 et OC43, les auteurs modélisent l’épidémiologie de ces virus dans la population américaine, et en déduisent la durée de l’immunité homotypique, l’importance de l’immunité croisée, l’infectivité (Ro) et sa variation saisonnière.
Ils examinent ensuite l’effet de l’introduction d’un troisième larron : SARS-CoV-2. Ils assument, pour ce virus une durée de latence et d’infectivité proche de celle des autres coronavirus, et font varier la durée d’immunité, l’immunité croisée, le Ro maximum et sa variation saisonnière dans des fourchettes plausibles. Pour chaque ensemble de ces paramètres, ils prédisent le nombre d’infections annuelles, et leur prévalence maximale (pic) jusqu’en 2025.
Après la vague initiale, la dynamique des infections peut être catégorisée en épidémies annuelles, bisannuelles, sporadiques, ou élimination. Globalement, plus l’immunité résiduelle est faible, plus nombreux seront les cas. Un début automnal et un effet minimal de la saison augmentent la taille des épidémies.
Dans tous les cas de figures, SARS-CoV-2 est capable de causer des épidémies sérieuses mais plus particulièrement si elle débute tôt durant la mauvaise saison. Si l’immunité laissée par SARS-CoV-2 n’est pas permanente, il va établir une circulation à long terme. Si elle est de courte durée (e.g. 40 semaines, comme HKU1 ou OC43), cela favoriserait des épidémies annuelles et bisannuelles si l’immunité est quelque peu plus durable.
Une forte variation de l’infectivité avec la saison (e.g. >40% de baisse de Ro à la belle saison) réduit le pic d’incidence de la première vague, mais en laissant plus d’individus susceptibles, conduit à des vagues secondaires plus importantes. En variant le degré d’immunité croisée, on peut prédire soit que les virus saisonniers pourraient faire disparaître SARS-CoV-2 pendant quelques années, ou inversement SARS-CoV-2 pourrait faire disparaître les coronavirus saisonniers.
Les auteurs examinent aussi l’effet sur leurs modélisations de mesures de distanciation (se traduisant par une réduction jusqu’à 60% de Ro), permanentes ou appliquées de manière intermittente. Ils montrent que dans la plupart des hypothèses, en l’absence de mesures de distanciation, la capacité maximale de prise en charge en soins intensifs est largement dépassée. Pour l’éviter, il serait nécessaire de prolonger ou réactiver de manière intermittente la distanciation sociale jusqu’en 2022. Dans tous les cas de figures, si la distanciation réduit le pic d’incidence de l’épidémie initiale, la levée des mesures s’accompagne d’une résurgence. Plus la distanciation est efficace, plus l’épidémie qui y fait suite s’approche de la taille de l’épidémie sans mesure de distanciation.
Il est donc hautement probable qu’il faille maintenir jusqu’en 2022 une politique de distanciation sociale intermittente réglée par exemple sur le risque de saturation des lits de soins intensifs, en tenant compte du délai de trois semaines en moyenne entre le début de la distanciation et le pic d’admission en soins intensifs (comme on freine par intermittence sur la neige lorsqu’on se met à déraper) ou mieux sur une politique intense de dépistage de l’infection. Evidemment, l’introduction d’un traitement ou d’un vaccin efficace réduirait le besoin en distanciation. Une augmentation de la capacité en soins intensifs aurait le même effet, mais sans réduire la morbidité et une partie de la mortalité !
Commentaire
Il y a peu de chances que SARS-CoV-2 puisse être éliminé, plus encore dans une perspective globale. Un traitement efficace, un vaccin, ou une augmentation de la capacité en lits de soins intensifs pourrait diminuer la nécessité d’imposer des mesures de distanciation sociale.
Il faut accepter que SARS-CoV-2 va nous demander une attention particulière, selon les disponibilités de matériel, en termes :
Et ceci au moins à moyen terme.
Informer et éduquer la population à l’observation la plus intelligente des mesures de distanciation sociale est donc de la plus grande importance.