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ISO 690 | Burkhalter, H., Le rôle du médecin de premier recours dans le sevrage de la nicotine, Med Hyg, 2003/2452 (Vol.61), p. 1866–1869. DOI: 10.53738/REVMED.2003.61.2452.1866 URL: https://www.revmed.ch/revue-medicale-suisse/2003/revue-medicale-suisse-2452/le-role-du-medecin-de-premier-recours-dans-le-sevrage-de-la-nicotine |
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MLA | Burkhalter, H. Le rôle du médecin de premier recours dans le sevrage de la nicotine, Med Hyg, Vol. 61, no. 2452, 2003, pp. 1866–1869. |
APA | Burkhalter, H. (2003), Le rôle du médecin de premier recours dans le sevrage de la nicotine, Med Hyg, 61, no. 2452, 1866–1869. https://doi.org/10.53738/REVMED.2003.61.2452.1866 |
NLM | Burkhalter, H.Le rôle du médecin de premier recours dans le sevrage de la nicotine. Med Hyg. 2003; 61 (2452): 1866–1869. |
DOI | https://doi.org/10.53738/REVMED.2003.61.2452.1866 |
Exporter la citation | Zotero (.ris) EndNote (.enw) |
This article proposes a primary care physician’s perspective on smoking cessation in ambulatory care. This paper raises the crucial role of continuous medical education and the need for a smoker typology. Smoking cessation interventions are on the crossroads on many medical domains including substance abuse, psychiatry and general internal medicine.
Cet article propose la perspective d’un médecin de premier recours, installé en pratique ambulatoire, sur la désaccoutumance au tabac. L’auteur aborde en particulier la place du médecin de premier recours et sa complémentarité par rapport aux centres spécialisés de tabacologie. Il met en exergue l’importance de la formation continue pour pratiquer une discipline – la tabacologie – à l’intersection de la neurobiologie de l’addiction, de la psychologie, de la santé communautaire et de la médecine globale. Il propose également quelques pistes pour une typologie du fumeur et montre que l’aide au patient fumeur reste un défi permanent en pratique ambulatoire et une nécessité pour améliorer la santé de la population. Il s’agit d’une discipline clinique à la fois passionnante et exigeante.
Quelle est la place du médecin de premier recours dans la palette de l’offre au patient fumeur ? Quelle est la place des autres spécialistes ? Quel peut être le rôle d’une consultation spécialisée de tabacologie ?
Combien de fois, surtout au début de ma période d’activité de médecin «installé», je me suis trouvé bien inutile, quand, accomplissant mon devoir «hygiéniste», je me précipitais et déballais mon boniment avec valise de prospectus et catalogue de pastilles à l’appui : je crois que j’en ai fatigué, des fumeurs («cause toujours, tu m’intéresses»), ou bien je me suis fatigué, inutilement !
Je propose dans cet article de parcourir les questions que peut se poser un médecin de premier recours, tant sur son rôle, sa motivation, sa compétence, la formation nécessaire, que sur sa collaboration avec les autres intervenants, ses attentes en matière de concept et d’outils thérapeutiques.
Existe-t-il des modèles capables de bien catégoriser le fumeur ? Existe-t-il une typologie du fumeur ? L’expérience donne quelques pistes. Le tableau 1 en propose quelques-unes. Cette tentative de classification, incomplète et inaboutie, illustre la diversité des situations cliniques et des «rencontres» en pratique quotidienne.
Existe-t-il également une anthropo-ethnologie du peuple des fumeurs ? Car fumer, n’est-ce pas aussi une forme d’appartenance ? Comment ne pas mentionner l’ancienne classification «psychiatrique» des types A et B, qui a été, temporairement, séduisante ! Et il nous faut aussi réfléchir à nos classifications «sauvages» («les toxicos sont des borderlines», «les tabagiques, des impénitents irréductibles, étanches à toute admonestation») et éviter le jugement moral.
Dans ma pratique, l’éclairage psychodynamique permet souvent de mettre en lumière des «styles» de fumeurs:1 automédication du stress, comportement pour se donner de l’assurance (difficulté de contact, timidité, maladresse : «ma cigarette, c’est comme une présence, un compagnon»), tabagie, devenue constitutive du personnage, jusqu’au fumeur invétéré, totalement identifié à sa toxicomanie affirmant «Je suis fumeur!» (auquel je propose «et rien d’autre ?»). Le fonctionnement psychique et le type de personnalité conditionnent ainsi fortement le mode de consommation et l’attitude clinique dès lors à adopter. Certains modèles addictologiques sont maintenant proposés, avec des profils multiaxiaux (comme le Rapid Addiction Profile, RAP, de l’équipe de notre confrère J. Besson), où les comorbidités psychiatriques avérées sont déterminantes (dépression, schizophrénie).2
En fin de compte, ne manque-t-il pas actuellement un modèle ou un registre de modèles rendant compte des diverses présentations du patient fumeur ? Même s’il faut éviter l’enfermement du patient dans des catégories étroites, je me sentirais soulagé par quelques repères me permettant de trouver plus rapidement la réponse adaptée à chaque patient, par exemple une galerie de portraits du style «La Bruyère» : le fumeur invétéré, l’anxieux, le stressé, le dragueur timide, l’ex-sportif ex-dopé, le rebelle, l’ex-soixante-huitarde libérée tombée dans la nicotine, la retraitée d’un métier exposé (spectacle, restauration) (tableau 2).
La tabacologie, c’est dans mes cordes de généraliste, c’est passionnant, cela correspond à une médecine de relation, de confidences. La tabacologie est une discipline largement interconnectée : neurobiologie de l’addiction, psychologie, concept de l’entretien motivationnel, psychopathologie des dépendances, santé publique et santé communautaire et, enfin, médecine globale (médecin de famille, médecine de premier recours).
Pour autant, l’aide médicale aux fumeurs implique-t-elle une formation spécifique, des prédispositions psychologiques, des consultations chronophages ? Pas nécessairement : même pour le médecin «technique», satisfait d’interventions ponctuelles, une brève conscientisation, un unique conseil, une simple proposition d’ordonnance de produit d’aide au sevrage (avec cependant la proposition d’un suivi ou d’une adresse spécialisée) constituent souvent déjà d’indéniables «motivateurs» pour le patient fumeur : «Le docteur prend soin de mon problème, des solutions existent», «Mon docteur est prêt à me conseiller, à me soutenir, à m’orienter». Par ailleurs, des interventions brèves, voire même ultra-brèves, adaptées au patient («Vous fumez ? Vous aurez moins souvent des sinusites en diminuant le tabac», «Un jour vous pourrez venir me demander des trucs pour arrêter le tabac») sont possibles. Dans d’autres situations, par contre, je conçois une prise en charge planifiée, ordonnée, souvent de longue haleine.
Le développement de différentes aptitudes par la formation continue me procure un sentiment de compétence, de sécurité, de plaisir. Le choix est vaste par ailleurs : laquelle choisir ? L’addictologie, avec les techniques d’entretien motivationnel et la thérapie cognitivo-comportementale?1 Le domaine des comorbidités psychiatriques ? La tabacologie, avec l’accent sur les comorbidités somatiques (maladies cardiovasculaires, pulmonaires, diabète, oncologie)? La pharmacologie, avec les psychotropes et médicaments de sevrage (substitut médicamenteux, bupropion) ? En fait, toutes ces approches favorisent, pour les omnipraticiens, une synergie clinique pour amener l’individu à risque vers une modification de ses habitudes de vie, soutenue le cas échéant par la pharmacologie ou des éléments psychothérapeutiques. Ces approches sont par ailleurs communes aux troubles liés à l’alimentation (diabète, HTA cholestérol), à la pneumologie (asthme, fumée), aux nombreuses pathologies nécessitant un traitement au long cours. Notre formation continue permet ainsi une perspective commune à toutes les toxicodépendances (alcool, drogues, nicotine), aux troubles alimentaires y compris l’anorexie, et aux addictions sans substance (jeu, sport, sexe, secte). De plus, les problèmes sont souvent intriqués : connaissez-vous un patient borderline qui ne fume ni ne boit ? Des efforts pour favoriser une approche globale doivent cependant encore être réalisés : un schizophrène stabilisé n’a-t-il pas droit à la réduction des risques liés au tabac ? Chez un patient alcoolo-tabagique pour lequel la priorité semble être l’abstinence d’alcool, n’y a-t-il pas une place pour la désaccoutumance au tabac ?
Il me semble que la formation continue, dans un domaine aussi interdisciplinaire que la désaccoutumance au tabac, devrait permettre aux intervenants de se rencontrer, notamment les ORL, pneumologues, gastro-entérologues, cardiologues, qui sont eux aussi consultés en première ligne. Dans ce domaine, les jeux de rôles et les supervisions avec vidéo permettent de maintenir ou d’améliorer les aptitudes relationnelles.
Yaura-t-il en fin de compte une concurrence entre les intervenants ? Probablement pas ! Il est donc temps de plaider pour un réseau avec des portes d’entrée à bas seuil, afin de proposer une «entrée» facile dans le processus vers l’abstinence.
Finalement, la tabacologie, discipline naissante, constitue-t-elle comme les autres consultations spécialisées une concurrence pour les médecins de premier recours ? Non. Les individus présentant des pathologies liées aux addictions doivent trouver de multiples accès facilités aux soins (une fois encore, cette stratégie dite à «bas seuil»), ce qui est peut-être à contre-courant de la tendance actuelle de nos politiques planificatrices visant à restreindre l’offre. Le processus vers l’abstinence est en effet long, le plus souvent apparenté à un labyrinthe. Par conséquent, une offre diversifiée est nécessaire, destinée à des gens variés (quels que soient l’âge et la catégorie sociale) en des lieux et selon des modes différents. Le médecin de premier recours, comme les autres intervenants, se doit d’être attentif, prêt à saisir une ouverture du patient, à tendre la perche (alerte, conseil, offre), à orienter, à soutenir toute initiative. Si l’on suit le modèle de progression dans la motivation (modèle de Prochaska-Di Clemente) quelle importance, finalement, si la mise en mouvement commence par le médecin de premier recours à l’occasion du traitement d’une sinusite, ou par le milieu universitaire ? A chaque intervenant la responsabilité d’attirer l’attention sur le «fil rouge», à renforcer ce dernier, afin de donner, le cas échéant, de la cohérence au shopping, au zapping du patient-consommateur moderne. La collaboration loyale entre les partenaires de la santé consiste à soutenir le patient dans la recherche d’aide, sans esprit de concurrence !
La consultation spécialisée de tabacologie est bien sûr le service où référer les cas difficiles. Mais, au fond, qu’est-ce «un cas difficile» ? Je proposerais quelques situations : 1) cas graves et urgents avec multiples facteurs de risque, infarctus récent par exemple ; 2) fumeur épuisé par ses échecs successifs ; 3) médecin «fatigué» d’une situation clinique pour laquelle il ne se sent plus disponible ni inspiré. Référer permet ainsi de reprendre son souffle, d’évaluer, de revoir ensuite le patient avec un regard renouvelé.
L’aide aux patients fumeurs est un défi et une nécessité pour améliorer la santé de nos concitoyens. La clinique est passionnante : elle requiert cependant de multiples compétences pour lesquelles la formation est encore désordonnée. Une collaboration interdisciplinaire en partenariat est indispensable. Nous avons finalement besoin non seulement d’outils pour appréhender le problème de la dépendance, mais également de notre expérience face à nos propres dépendances, afin de rendre nos interventions plus efficaces.
Au Dr Jacques Cornuz, coach très motivationnel, pour sa relecture et ses précieux conseils.
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