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ISO 690 | Bloc-notes: Faire rêver, Rev Med Suisse, 2005/012 (Vol.1), p. 864–864. DOI: 10.53738/REVMED.2005.1.12.0864 URL: https://www.revmed.ch/revue-medicale-suisse/2005/revue-medicale-suisse-12/bloc-notes-faire-rever |
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MLA | Bloc-notes: Faire rêver, Rev Med Suisse, Vol. 1, no. 012, 2005, pp. 864–864. |
APA | (2005), Bloc-notes: Faire rêver, Rev Med Suisse, 1, no. 012, 864–864. https://doi.org/10.53738/REVMED.2005.1.12.0864 |
NLM | Bloc-notes: Faire rêver. Rev Med Suisse. 2005; 1 (012): 864–864. |
DOI | https://doi.org/10.53738/REVMED.2005.1.12.0864 |
Exporter la citation | Zotero (.ris) EndNote (.enw) |
Elle devient fatigante, la politique de santé suisse. Des débats? Non. Un numéro de cirque qui se répète. D’année en année, les mêmes hypocrisies mêlées aux mêmes intérêts. Des réponses sans cesse tirées du même tonneau idéologique. Bien sûr, l’heure semble grave, les coûts augmentent, la maîtrise devient difficile. Rien d’exceptionnel, pourtant. Rien qui justifie la substitution actuelle de la réflexion par la bêtise.
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Tendance idéologique de fond (bien que masquée): viser l’écroulement du système de santé. L’affaire s’approche. Le système tient sur de minuscules bases. Ses faiblesses en font un château de cartes. Pas mal de monde secoue déjà la table. Pas par souhait de faire mieux. Par envie de rentabilisation. Qu’importe la façon: l’important est de fractionner le système de santé. But réel: vendre par appartement, en petits morceaux relevant de marketings indépendants, la tech- nique, l’hôtellerie sanitaire et les «prestations de services». Laisser les marges et les interstices, ce qui est dépourvu d’intérêt économique, aux médecins. Il ne s’agit pas de ren- dre le système de santé mieux adapté à ses buts complexes, il s’agit de conformer sa structure aux exigences de la consommation.
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Leur culture médicale est voisine de zéro, leurs idées minuscules, leurs marges démesurées mais réellement connues de quelques rares initiés. Elles ne comprennent rien à la médecine mais décident de tout. Elles sont guidées par une ambition qui force le respect des politiques. Elles parlent sans cesse d’économies, de productivité. Mais chez les autres. Leur monde intérieur, personne ne le connaît. C’est le lieu sacré du système: intouchable, mystérieux. Dans leur volonté d’économie et de transparence, les caisses-maladie sont sans états d’âme. Sauf à l’interne. Elles veulent moins de médecins, parce que chacun, disentelles, coûte 500000 FS. Elles visent davantage d’assurés, mais des assurés en bonne santé. Les autres peuvent aller se faire voir chez les concurrents. Concurrents qui, pour le moment, restent des amis dans la lutte commune pour venir à bout de la «forteresse» mé- dicale.
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Deux confirmations, la semaine dernière, de critiques que les médecins font depuis longtemps au spectacle idéologique local. D’abord, un rapport du Centre de recherches conjoncturelles du poly zurichois montrant que la densité médicale n’a pas d’impact majeur sur les coûts de la santé. A priori, Bernd Schips, le chercheur qui a fait cette étude, n’est pas du genre rigolo. Pas plus que Domenighetti, qui a lancé le chiffre de 500000 francs de coûts supplémentaires induits par chaque cabinet, chiffre qu’ont ensuite récité les assureurs comme un mantra qui a d’ailleurs fini par se graver dans le cerveau des parlementaires. C’est surtout le vieillissement de la population et – facteur beaucoup plus étrange – le nombre de femmes exerçant un travail rémunéré qui déterminent la hausse des coûts de la santé, selon Schips. Donc, la clause du besoin ne sert à rien, sinon à décourager les jeunes médecins et à désorganiser la relève.
Ensuite, la victoire au Tribunal fédéral de Me Mauro Poggia. En résumé: toute augmentation de prime doit s’appuyer sur une justification détaillée, les assureurs doivent cesser de balader la population comme si c’était un groupe d’oligophrènes. Bon point de cette affaire: pour la première fois, le TF admet qu’il y a un problème de transparence et de communication chez les assureursmaladie. Moins bon point: il estime qu’il ne faut pas remettre le système de contrôle des assureurs en question. Juste le questionner avec un peu plus d’autorité (en demandant des explications aux réviseurs des comptes… payés par les mêmes assureurs). Bref, le TF exécute un classique pas de deux (un pas en avant, un en arrière, une petite pi-rouette entre) et il s’agira de soutenir par de nombreuses actions Me Poggia, lorsqu’il va essayer d’explorer la brèche ouverte par le TF.
Question, cependant : comment utiliser ces bonnes nouvelles? Appuyer la prochaine votation en faveur d’une caisse unique, histoire de régler une fois pour toutes cette partie du problème? Oui, c’est une bonne idée. Ou encore: exiger, via une réforme de la LAMal, que les Conseils d’administration de tous les assureurs soient composés de représentants des assurés et des soignants? Ce serait probablement mieux. Mais rien de cela ne suffira. En plus d’avoir raison et d’être intelligent, il faut croire aux choses légères. L’action efficace demande aussi du souffle, une volonté inconditionnelle et heureuse de ne pas lâcher.
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A propos de Raymond Aron, dont on vient de fêter le centenaire de la naissance, Jacques Juilliard rappelle à quel point il a été remarquable de lucidité, à une époque où le conformisme tenait dans ses filets l’ensemble de l’intelligentsia occidentale. Mais cela n’a pas suffit. Si Aron a peu influencé son époque, c’est à cause de son désintérêt pour la question du bonheur, de son absence de passion pour ce qui fait rêver. «Ce n’est pas d’imagination qu’Aron manquait, c’était d’optimisme», écrit Juilliard. Car dans la réalité, aucun changement ne survient selon la logique de penseurs, même aussi brilliants qu’Aron : «A chaque instant, l’enfantement historique du réel se rit du bouquet de causes à quoi les meilleurs esprits s’efforcent de le réduire». Se montrer capable «d’imaginer le pire» est la fonction sociale la plus spécifique de l’intellectuel, rappelle Juilliard. Mais ce qui manque encore davantage à l’époque, c’est une capacité à penser le meilleur, à faire rêver.
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Faire rêver, pour la médecine, c’est ne pas se laisser tirer sur le terrain comptable ou dans le monde du coût/bénéfice optimal. C’est chercher à créer du mythe autour de l’espoir et d’une construction culturelle de la place des malades, tout en refusant le mythe de la toute-puissance dont la société veut sans cesse envelopper les médecins. C’est croire au progrès et en démonter ses mensonges. Pour exister, la médecine ne peut se contenter d’avoir scientifiquement raison. Il lui faut en plus entretenir une croyance heureuse (agnostique, certes).
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L’utopie demande de ne pas se laisser piéger sur le terrain des définitions. A celle de l’OMS, gnangnan et triste, préférer la définition de la santé de Canguilhem: «La santé est une façon d’aborder l’existence en se sentant non seulement possesseur ou porteur mais aussi au besoin créateur de valeur, instaurateur de normes vitales». Loin d’être une science des lois et des contrôles, la médecine se construit en suivant des principes de liberté et de doute.
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Garder vivante sa passion pour le mieux sans verser dans le déni de la finitude: voilà la difficulté de la médecine face à son utopie. L’autre problème est que tout bouge. Nous sommes à l’âge de pierre de la compréhension de nos comportements collectifs, en particulier de celui que nous appelons «médecine». Comme le reste, l’utopie médicale doit s’imposer dans un monde darwinien. Sa survie demande que les médecins imaginent sans cesse – y compris dans une dialectique d’humour et de paradoxe – ce que veulent dire la solidarité et la liberté. Et qu’ils ne lâchent pas cette étrange attitude – qu’on peut nommer «éthique» – qui les fait vivre à légère distance de leurs intérêts immédiats.
Mais surtout, elle demande qu’ils s’inquiètent que leur passion reste heureuse. Le ressentiment n’a pas d’avenir.
Bertrand Kiefer
864 Revue Médicale Suisse . www.revmed.ch . 23 mars 2005
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