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ISO 690 Popovic, M., B., Balmer, A., Munier, F., Weid, N., v., d., Le rétinoblastome, Rev Med Suisse, 2005/051 (Vol.2), p. 350–356. DOI: 10.53738/REVMED.2006.2.51.0350 URL: https://www.revmed.ch/revue-medicale-suisse/2006/revue-medicale-suisse-51/le-retinoblastome
MLA Popovic, M., B., et al. Le rétinoblastome, Rev Med Suisse, Vol. 2, no. 051, 2005, pp. 350–356.
APA Popovic, M., B., Balmer, A., Munier, F., Weid, N., v., d. (2005), Le rétinoblastome, Rev Med Suisse, 2, no. 051, 350–356. https://doi.org/10.53738/REVMED.2006.2.51.0350
NLM Popovic, M., B., et al.Le rétinoblastome. Rev Med Suisse. 2005; 2 (051): 350–356.
DOI https://doi.org/10.53738/REVMED.2006.2.51.0350
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oncologie pour le prticien
1 février 2006

Le rétinoblastome

DOI: 10.53738/REVMED.2006.2.51.0350

INTRODUCTION

Le rétinoblastome (Rb) est le cancer de l’œil le plus fréquent chez l’enfant avec une incidence de 1:14000 à 1:35000 naissances1-3 ce qui, en Suisse, représente 4-5 nouveaux cas par année. Il s’agit donc d’une maladie rare, mais avec d’excellentes chances de guérison et de préservation oculaire, à condition qu’elle soit détectée de façon précoce.

Le Rb existe sous une forme bilatérale, héréditaire, sporadique ou familiale, qui se manifeste chez l’enfant très jeune au cours des premiers mois de vie. En revanche, la forme unilatérale du Rb n’est héréditaire que dans 15% des cas et elle est le plus souvent diagnostiquée vers l’âge de 2 ans.

SYMPTÔMES D’APPEL

Le Rb prend son origine dans les cellules de la rétine (figure 1) et s’étend en surface et en profondeur. Ceci peut d’une part engendrer une perte de la vision centrale, si la tumeur touche la macula, et provoquer dans 20% de cas un strabisme (figure 2a) chez l’enfant.4 D’autre part, une tumeur avancée, volumineuse avec ou sans essaimage dans le corps vitré va se manifester dans 60% des cas sous forme d’une leucocorie («œil de chat amaurotique»), c’est-à-dire un reflet blanc intermittent observé le plus souvent par les parents ou découvert sur une photo au flash sans dispositif antireflet (figure 2b).5 Dans 20% des cas, des symptômes atypiques sont présents tels qu’un tableau inflammatoire avec douleur, rougeur, œdème palpébral, chémosis et conjonctivite ou un glaucome, voire une cellulite orbitaire.6

ATTITUDE À ADOPTER

Le strabisme est un signe précoce et d’une grande valeur pronostique. Il est malheureusement trompeur, car fréquent et le plus souvent de type fonctionnel. Il est dès lors fréquemment banalisé. Cependant, un strabisme qui persiste audelà du premier mois de vie ou qui survient plus tard de façon intermittente, doit conduire à un examen ophtalmologique complet.

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Figure 1.

Rappel anatomique de l’œil

Figure 2.

Les deux signes d’appel majeurs du rétinoblastome

La leucocorie est souvent observée par la famille et décrite comme un «reflet bizarre», un «œil luisant», une «lueur étrange» ou une «lumière intermittente». Malgré son caractère intermittent, la pupille blanche est une urgence ophtalmologique de premier ordre. L’enfant doit être examiné sans délai et si un Rb ne peut pas être exclu, adressé au plus vite chez le spécialiste.

DIAGNOSTIC

L’examen sous narcose du fond d’œil par ophtalmoscopie indirecte permet de poser le diagnostic de rétinoblastome (figure 3). Toute la surface rétinienne jusqu’à l’extrême périphérie, y compris l’ora serrata, doit être examinée soigneusement. Le Rb peut se présenter comme tumeur unique ou sous forme de multiples foyers au fond d’œil. Sa croissance peut se faire vers l’intérieur de l’œil (Rb endophytique) ou vers l’extérieur et déclencher un décollement de la rétine (Rb exophytique). On retient la latéralité des lésions, leur nombre et leurs dimensions, la localisation (surtout par rapport à la macula, au nerf optique et à l’ora serrata), les anomalies vasculaires, la présence de calcifications, d’essaimage vitréen, rétinien et sous-rétinien, le décollement de rétine. L’infiltration des structures adjacentes comme le corps ciliaire, la chambre postérieure et antérieure est évaluée par ultrasonographie biomicroscopique (35-50 MHz). Ceci permet de définir le stade de la maladie intraoculaire (figure 3).

Dans un petit pourcentage de cas cependant, les signes et l’aspect clinique ne sont pas suffisamment caractéristiques pour poser d’emblée un diagnostic de certitude. Se pose alors le problème du diagnostic différentiel avec de nombreuses maladies rétiniennes capables d’imiter un Rb telles qu’une maladie de Coats (malformation vasculaire rétinienne congénitale), des hamartomes dans le cadre d’une maladie de Bourneville et des maladies inflammatoires/infectieuses (toxocara canis).

Figure 3.

Rétinoblastome à l’ophtalmoscopie indirecte et stades selon Murphree (classification ABC)

Le stade selon Murphree remplace aujourd’hui l’ancien système d’évaluation selon Reese-Ellsworth.7 Ce dernier a été utilisé pendant trente-cinq ans et reposait sur la prédiction du risque de perdre un œil par énucléation après radiothérapie externe. La nécessité de mettre à jour le mode d’évaluation s’est imposée avec l’introduction de la chimiothérapie dans le traitement du Rb intraoculaire dans les années 90.8 Son efficacité a permis de surseoir à l’énucléation et à la radiothérapie externe pour un grand nombre de cas qui autrefois auraient eu ces traitements.

EXAMENS COMPLÉMENTAIRES

Le stade selon Murphree est une évaluation intraoculaire de la maladie qui permet de faire un pronostic à propos des possibilités de préservation de l’œil, mais sans pouvoir définir le risque vital pour l’enfant. Le Rb possède une capacité de dissémination et de faire des métastases à distance, soit par continuité le long du nerf optique, soit par voie hématogène. Si les tumeurs touchent le nerf optique ou le couvrent, une ponction lombaire est nécessaire afin d’exclure une dissémination méningée. Si les tumeurs envahissent des structures vasculaires comme le corps ciliaire, un bilan d’extension plus large s’impose comprenant une ponction/biopsie de la moelle osseuse, une scintigraphie osseuse et un CT thoraco-abdominal.

Figure 4.

IRM d’un rétinoblastome trilatéral

Tous les enfants, indépendamment de la localisation de leur tumeur, sont investigués par une résonance magnétique du cerveau au moment du diagnostic à cause du risque d’environ 4-6% d’existence d’une tumeur maligne dans la glande pinéale.9 Ce risque est présent surtout dans les formes héréditaires de la maladie. Cette forme de Rb est appelée Rb trilatéral (figure 4). Nonante pour cent des tumeurs intracrâniennes se développent dans les quatre premières années après le diagnostic du Rb.10 Elles sont le plus souvent localisées dans la glande pinéale, mais aussi dans la région parasellaire. Dans environ 2% des cas, elles peuvent précéder la tumeur oculaire.9,10 La forme trilatérale de la maladie est la cause la plus fréquente de décès dans les cinq ans suivant le diagnostic.11 Seuls des traitements agressifs combinant la chimiothérapie conventionnelle à une chimiothérapie à haute dose avec reperfusion de cellules souches offrent une certaine chance de rémission prolongée.12-14

TRAITEMENT DU RÉTINOBLASTOME

La prise en charge d’un enfant atteint d’un Rb est très complexe. Chaque cas est unique de par le nombre, la taille et la localisation des tumeurs, la latéralité et l’hérédité de la maladie, l’existence d’éventuelles autres anomalies associées, l’âge de l’enfant et son milieu social. Le réseau indispensable à cette prise en charge est présenté dans la figure 5 et est un modèle d’une approche multidisciplinaire de la maladie.

Figure 5.

Schéma de la prise en charge

Le but du traitement est de préserver l’œil et d’éviter la radiothérapie externe. Le choix du type de traitement (tableau 1) se fait sur la base du stade de la maladie, de la fonctionnalité de l’œil au moment du diagnostic, du risque d’extension locale et à distance et de la probabilité de pouvoir le préserver.

TRAITEMENT FOCAL

Il est défini comme un traitement effectué à l’intérieur de l’œil et comprend la cryothérapie, la photocoagulation, la thermothérapie, la thermochimiothérapie et la brachythérapie.

Cryothérapie

La congélation du tissu tumoral détruit la circulation autour de la tumeur.15 Ce traitement est indiqué pour des petites tumeurs en périphérie de la rétine et pour le traitement de tumeurs récurrentes après radiothérapie.

Types de traitement selon le stade de la maladie

Photocoagulation

La photocoagulation au xénon est une autre façon de détruire l’apport vasculaire tumoral.16 Elle est efficace pour des petites tumeurs de faible épaisseur, situées en arrière de l’équateur, en dehors de la macula et du nerf optique,17,18 et sans essaimage vitréen.

Thermothérapie transpupillaire

L’hyperthermie est délivrée par irradiation infrarouge transpupillaire au moyen d’un laser à iode, à des températures cytotoxiques. Elle est capable de détruire des petites tumeurs sans essaimage vitréen ni liquide sous-rétinien.19

Thermo-chimiothérapie

La thermo-chimiothérapie exploite l’effet synergistique entre la chaleur et les agents chimiothérapeutiques, notamment le carboplatine. La chaleur augmente la perméabilité de la membrane plasmique aux antimitotiques. La chimiothérapie est administrée deux heures avant l’application de chaleur. Ce traitement est particulièrement indiqué pour des petites tumeurs du pôle postérieur, ≤ 12 mm, en localisation juxtapapillaire ou maculaire, qui devaient autrefois être irradiées. Une semaine plus tard, le traitement est complété par une thermothérapie. Par cette technique, une régression tumorale est obtenue dans environ 95% des cas avec très peu de récidives.20

Plaque radioactive au ruthénium

La brachythérapie est indiquée pour les tumeurs de taille moyenne, entre 4 et 10 DD (diamètre du disque), situées à distance de la macula, non traitables par un autre traitement focal. Elle peut être utilisée comme premier traitement ou traitement de rattrapage après radiothérapie, cryocoagulation, photocoagulation ou thermochimiothérapie. Les plaques les plus courantes contiennent le 125I et le ruthénium. L’avantage de la brachythérapie est la diminution considérable de l’irradiation du globe oculaire et des structures avoisinantes et donc des effets secondaires par rapport à l’irradiation externe, tels que kératite, cataracte, rétinopathie, hypoplasie orbitaire ou deuxième tumeur non oculaire. Les doses moyennes recommandées sont de l’ordre de 40-50 Gy à l’apex de la tumeur. Dans environ 90% de cas, la tumeur est contrôlée après une seule application.21

CHIMIOTHÉRAPIE SYSTÉMIQUE

La prise de conscience du risque de survenue de deuxième tumeur radio-induite et l’expérience acquise avec ce type de traitement contre le Rb extraoculaire22 et dans des maladies apparentées comme le neuroblastome, ont permis de développer cette approche dans les années 90. La chimiothérapie peut avoir différents buts : a) réduire la taille de la tumeur pour la rendre accessible au traitement focal et éviter ainsi une radiothérapie externe et/ou une énucléation (= chimioréduction) ; b) prévenir une dissémination de la maladie (métastases) après énucléation de l’œil tenant compte de certains critères histologiques (= chimiothérapie adjuvante) et c) traiter une maladie métastatique.

Chimioréduction

Différents régimes ont été utilisés avec une efficacité comparable. Environ deux tiers des yeux de stade A-C peuvent être sauvés par la seule chimioréduction associée à des traitements focaux, contre 25-30% des yeux de stade D.23 L’association médicamenteuse la plus fréquente est la combinaison de VP16 (150 mg/ m2/j) et de carboplatine (200 mg/m2/j) administré trois jours de suite, les doses étant adaptées pour les enfants âgés de moins de 12 mois et/ou pesant moins de 10 kg. Elle ne permet pas en elle-même de contrôler la tumeur de façon définitive, elle doit donc toujours être associée à un traitement focal. L’enfant est examiné sous anesthésie générale par l’ophtalmologue avant chaque chimiothérapie, afin de suivre la réponse au traitement et de décider de la poursuite de la chimiothérapie. Un maximum de cinq cures est administré. Si la maladie ne s’avère pas contrôlable de cette manière, une autre option thérapeutique doit être envisagée.

Chimiothérapie adjuvante

L’œil énucléé est soumis à une analyse histologique minutieuse. Selon les structures oculaires atteintes par le Rb, le risque de dissémination secondaire peut être évalué. L’invasion du nerf optique audelà de la lame criblée, l’invasion massive de la choroïde et l’invasion du corps ciliaire sont des facteurs de risque majeur nécessitant une chimiothérapie complémentaire.24 Une tumeur s’étendant jusqu’à la tranche de section du nerf optique ou présentant des signes d’une extension extrasclérale nécessite une radiothérapie de l’orbite en plus de la chimiothérapie. Le meilleur régime de chimiothérapie à appliquer est en cours d’évaluation dans différents protocoles nationaux et internationaux.

Traitement de la maladie métastatique

Le Rb peut disséminer par voie hématogène ou le long du nerf optique. Les sites métastatiques principaux sont le liquide céphalorachidien et le cerveau, la moelle osseuse et le squelette, et plus rarement les poumons ou les organes abdominaux. Alors que 90-95% des enfants avec un Rb intraoculaire peuvent être guéris de leur maladie, le pronostic est très réservé pour les patients qui présentent des métastases systémiques. Etant donné la grande sensibilité du Rb à la chimiothérapie et la relation dose à effet bien établie, des protocoles thérapeutiques associant la chimiothérapie conventionnelle à une chimiothérapie à haute dose avec reperfusion de cellules souches ont été développés, avec administration d’agents comme le thiotépa par voie intrathécale en cas d’atteinte méningée. Les résultats sont prometteurs, permettant des rémissions prolongées jusqu’à huit ans après traitement.12-14,25,26 Etant donné qu’il s’agit de petits collectifs de patients, des études multi-centriques sont actuellement en cours.

Nouvelles méthodes d’administration de la chimiothérapie

Idéalement, la chimiothérapie administrée localement devrait avoir une meilleure distribution locale avec peu ou pas d’effets systémiques. Les premiers essais d’injection sous-conjonctivale de carboplatine27 chez l’animal ont montré un bon effet antitumoral avec très peu d’effets toxiques locaux et une meilleure concentration de carboplatine dans le vitré.28 Il existe peu d’études effectuées chez l’homme. Une étude de phase I/II a montré une bonne réponse des tumeurs avec essaimage vitréen, mais pas avec essaimage sous-rétinien.29 L’utilité de ce type de traitement ainsi que la toxicité locale doivent encore être davantage explorées.

ENUCLÉATION

L’énucléation est en général indiquée dans les cas où les chances de recouvrer une fonction utile sont nulles ou lorsqu’existent de réels risques de dissémination. Il s’agit donc de tumeurs qui occupent la quasi-totalité de la surface rétinienne ou de la loge vitréenne ou de la présence de signes cliniques faisant suspecter un envahissement du nerf optique, du segment antérieur ou une extériorisation. Le Rb au stade des complications, telles qu’une cellulite orbitaire ou une buphtalmie secondaire à un glaucome néovasculaire, constitue aussi une indication à l’énucléation. Le nerf optique doit être sectionné le plus en arrière possible, sur une longueur d’au moins 10 mm, et remis séparément pour examen histopathologique.30 Un implant orbitaire poreux (Medpor) est mis en place dans le même temps opératoire, avec réinsertion des muscles extraoculaires pour la motilité prothétique. Une épiprothèse esthétique est adaptée sur mesure après moulage cavitaire un mois après l’intervention.

RADIOTHÉRAPIE

Radiothérapie externe

Utilisée pendant plus de trente ans comme une des modalités thérapeutiques principales, la radiothérapie externe est aujourd’hui largement évitée. D’une part à cause de séquelles à long terme inévitables telles que l’hypoplasie orbitaire, la xérophtalmie, la rétino- et la neuropathie postactinique, la cataracte,31,32 et d’autre part à cause du risque majeur de survenue d’une deuxième tumeur radio-induite notamment dans la région irradiée et surtout dans la forme héréditaire du Rb.33,34 Ce risque est particulièrement élevé si la radiothérapie est administrée alors que l’enfant est âgé de moins d’une année.35 En épargnant de façon maximale le tissu adjacent, une dose de 50 Gy est administrée sur la tumeur par fraction de 180 cGy par jour, 5 jours par semaine. La radiothérapie externe est aujourd’hui presque toujours utilisée en deuxième intention, dans le cadre d’une maladie progressive ou récidivante malgré une chimiothérapie et un traitement focal ou en cas d’atteinte du nerf optique en arrière de la lame criblée après énucléation.

Nouvelles techniques de radiothérapie

Une nouvelle technique d’irradiation, la radiothérapie aux protons, est en cours d’exploration. Elle utilise un rayonnement tout aussi efficace, mais avec une meilleure épargne tissulaire. L’expérience chez l’enfant pour cette pathologie est encore limitée, l’organisation compliquée et l’infrastructure pas toujours accessible. Les résultats sont encourageants et montrent un bon contrôle tumoral chez plusieurs enfants avec différents stades de Rb.36 Des comparaisons dosimétriques entre les structures cibles et les structures adjacentes confirment une meilleure épargne des structures non tumorales et ouvrent la possibilité à une réduction de deuxièmes cancers et de séquelles cosmétiques et fonctionnelles.37 Le nombre d’enfants étudiés est cependant encore faible et le recul trop court.

DEVENIR D’UN ENFANT ATTEINT DE RÉTINOBLASTOME

Le pronostic vital est excellent et 90-95% d’enfants guérissent de leur maladie.38 La maladie métastatique se développe en général au cours de la première année après le diagnostic. Le pronostic vital à cinq ans est identique pour le Rb unilatéral et bilatéral. L’absence de récidive à cinq ans est considérée comme guérison.

Un suivi ophtalmologique spécialisé très rapproché est nécessaire, car la réapparition de nouveaux foyers tumoraux fait partie de l’évolution normale d’un Rb, surtout de la forme héréditaire.39 L’âge limite d’apparition de nouveaux foyers se situe vers quatre ans et demi.40 La fréquence des contrôles est définie en fonction de ces données et du type de traitement que l’enfant reçoit. Il est présenté dans le tableau 2.

Le suivi oncologique pédiatrique est nécessaire pour les cas héréditaires de Rb avec un examen clinique et une résonance magnétique une fois par année jusqu’à l’âge de cinq ans, c’est-à-dire l’âge limite pour le développement d’une tumeur pinéale. Pour les rares cas de patients ayant été traités pour une maladie métastatique, les contrôles sont beaucoup plus fréquents et comprennent aussi des contrôles de tous les sites métastatiques.

Le pronostic visuel dépend avant tout de la latéralité de la maladie, de la localisation et de la taille des tumeurs, de la modalité thérapeutique appliquée et de ses effets secondaires. L’énucléation bilatérale responsable d’une cécité totale chez un grand nombre de patients étant devenue rare, on observe une vision résiduelle supérieure ou égale à 0,5 chez plus de 50% de patients avec Rb bilatéral après irradiation externe.41 Le pronostic visuel est le plus réservé dans le cadre d’une atteinte maculaire.42 Avec l’introduction de la chimioréduction rendant les tumeurs situées en dehors de la région maculaire accessibles au traitement focal, le pronostic visuel est en train de s’améliorer considérablement.43

HÉRÉDITÉ DE LA MALADIE

Le Rb est un exemple de la manière dont l’observation clinique d’une maladie peut aboutir à une hypothèse de transmission génétique qui, plus tard, sera confirmée par des analyses moléculaires. En 1971, Knudson postule son paradigme des «deux événements» (Two-hit hypothesis),44 pour expliquer la survenue des deux types de Rb, héréditaire et non héréditaire. Dans une étude statistique sur quarantehuit cas de Rb, il montre qu’un événement somatique unique suffit au développement d’un Rb bilatéral (toujours héréditaire) alors que deux événements sont nécessaires pour le Rb unilatéral (dans la majorité non héréditaire). En 1983, Godbout et Cavanee démontrent que l’oncogenèse du Rb suit un mode récessif du fait de la perte d’hétérozygotie observée dans la tumeur.45,46 En 1986, le gène du Rb (Rb1) est identifié et caractérisé sur un plan structurel et fonctionnel.47

Traitement

Figure 6.

Différentes mutations

Selon le paradigme des deux mutations, dans le Rb héréditaire, la première mutation (M1) survient dans la lignée germinale d’un des parents et se retrouve par conséquent présente dans toutes les cellules de l’enfant. La deuxième mutation (M2) initie une oncogenèse rétinienne uniloculaire ou multiloculaire suivant le nombre de cellules touchées. Par contre, dans le Rb non héréditaire, M1 et M2 ont pour cible une seule et même cellule somatique de la rétine. Ceci est représenté dans la figure 6.

Depuis l’identification et la localisation du gène Rb1, l’analyse du caryotype et la génétique moléculaire par mise en évidence de la mutation et l’étude du polymorphisme du gène Rb chez l’enfant atteint ainsi que chez ses parents, permettent aujourd’hui de calculer le risque pour la fratrie et la descendance et de fournir un conseil génétique. Le type de suivi des familles à risque n’est pas unanimement établi. Le tableau 3 montre le schéma de suivi tel qu’il est pratiqué à Lausanne.

A Lausanne, en cas de diagnostic moléculaire prénatal, nous proposons, en cas de risque supérieur à 90%, une provocation de l’accouchement à 36 semaines tout en assurant un suivi ultrasonographique à haute définition, à la recherche de calcifications intraoculaires à la 28e et 32e semaine de gestation. Cette prise en charge permet le traitement conservateur des tumeurs les plus précoces, essentiellement maculaires ou parapapillaires.

AUTRES PROBLÈMES ASSOCIÉS AU RÉTINOBLASTOME

Il existe une forme syndromique du Rb caractérisée par une délétion du bras long du chromosome 13, associée à une dysmorphie faciale et à un retard mental chez environ 5% des patients avec Rb. Cette anomalie se situe dans la région 13q14.1 – 13q14.2.48 Ces patients présentent un front bombé, une ensellure nasale enfoncée, un philtrum long et marqué, une lèvre supérieure fine, une lèvre inférieure charnue, des grandes oreilles avec des lobules larges et repliés. Sur un plan neurologique, le handicap est directement proportionnel à l’ampleur de la délétion.48 La reconnaissance clinique de ce syndrome peut précéder l’apparition du Rb.49 Le pronostic vital n’est pas différent de celui du Rb classique.

Suivi de la maladie à Lausanne

La présence du gène Rb1 dans toutes les cellules du corps chez les patients avec la mutation germinale prédispose au développement de deuxièmes cancers non oculaires au cours de la vie, tels que l’ostéosarcome et le sarcome des tissus mous, le mélanome cutané, les tumeurs cérébrales, le lymphome de Hodgkin, le cancer du poumon et le cancer du sein, les lipomes.50 Ce risque est amplifié par la radiothérapie externe,51 surtout quand elle est administrée avant l’âge d’un an. La survenue d’un deuxième cancer semble augmenter encore davantage le risque pour des cancers ultérieurs.34 Ce risque nécessite un suivi clinique du patient guéri d’un Rb héréditaire. Il n’y a actuellement aucune évidence pour une détection plus précoce par des examens complémentaires tels que l’imagerie.

CONCLUSION

Le rétinoblastome est une maladie rare mais dont on peut guérir la majorité des cas, d’où la nécessité d’une détection précoce. Les signes d’appels principaux sont le strabisme et la leucocorie et doivent conduire à un contrôle ophtalmologique du fond d’œil sans délai, même si les symptômes sont intermittents. En cas de doute ou si l’examen ophtalmologique est difficile, il faut adresser l’enfant à l’Hôpital ophtalmique à Lausanne pour un examen sous narcose.

Auteurs

Maja Beck Popovic

Unité d’hématologie-oncologie pédiatrique, Service de pédiatrie, Département Femme-mère-enfant, Centre hospitalier universitaire vaudois et Université de Lausanne
1011 Lausanne
maja.beck-popovic@chuv.ch

Aubin Balmer

Hôpital ophtalmique Jules Gonin Avenue de France 15
1004 Lausanne

Francis Munier

Service d’ophtalmologie, Département de médecine génétique
CHUV, 1011 Lausanne
francis.munier@fa2.ch

N.X. von der Weid

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