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ISO 690 Seneviratne, A., Fortini, C., Gaume, J., Daeppen, J., Intervention motivationnelle brève multisubstances auprès des jeunes adultes, Rev Med Suisse, 2007/118 (Vol.3), p. 1691–1694. DOI: 10.53738/REVMED.2007.3.118.1691 URL: https://www.revmed.ch/revue-medicale-suisse/2007/revue-medicale-suisse-118/intervention-motivationnelle-breve-multisubstances-aupres-des-jeunes-adultes
MLA Seneviratne, A., et al. Intervention motivationnelle brève multisubstances auprès des jeunes adultes, Rev Med Suisse, Vol. 3, no. 118, 2007, pp. 1691–1694.
APA Seneviratne, A., Fortini, C., Gaume, J., Daeppen, J. (2007), Intervention motivationnelle brève multisubstances auprès des jeunes adultes, Rev Med Suisse, 3, no. 118, 1691–1694. https://doi.org/10.53738/REVMED.2007.3.118.1691
NLM Seneviratne, A., et al.Intervention motivationnelle brève multisubstances auprès des jeunes adultes. Rev Med Suisse. 2007; 3 (118): 1691–1694.
DOI https://doi.org/10.53738/REVMED.2007.3.118.1691
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articles thématiques : alcoologie
4 juillet 2007

Intervention motivationnelle brève multisubstances auprès des jeunes adultes

DOI: 10.53738/REVMED.2007.3.118.1691

Teenagers and young adults often combine alcohol, tobacco, cannabis or other drugs use and related hazardous behaviours. This article presents a brief motivational intervention (BMI) targeting multiple substance use and related behaviours. The values and projects that can enter into conflict with the substance use are discussed in order to introduce a change perspective. Talking and thinking freely about change in a non-judgmental, empathic and collaborative manner can lead to an effective behaviour change. This time-limited BMI is appropriate and promising in a primary care.

Résumé

Nos jeunes patients cumulent souvent plusieurs comportements à risque, consommation d’alcool, de tabac et de cannabis associés à des comportements mettant leur santé en danger. Cet article présente une intervention motivationnelle brève (IMB) visant l’exploration de plusieurs comportements à risque à la fois et l’évaluation des perspectives de changement envisageable pour le patient en adéquation avec son système de valeurs et ses projets. Par son ancrage dans l’approche motivationnelle, l’IMB constitue une mesure de prévention adaptée aux jeunes adultes dans le cadre d’une relation dénuée de jugement, empathique et collaborative. Cette intervention de durée limitée devrait trouver des modes d’application appropriés et prometteurs en médecine de premier recours.

INTRODUCTION

La consommation d’alcool, de tabac, de cannabis et autres drogues chez les jeunes adultes constitue une préoccupation majeure de la politique suisse en matière de drogues. En tant que professionnel de la santé, il apparaît primordial de saisir toute occasion d’interroger ces comportements et de favoriser une réflexion et une prise de conscience des risques qui y sont associés avant qu’ils ne se cristallisent sur le long terme. Une intervention motivationnelle brève (IMB) est particulièrement adaptée pour aborder les consommations de substances chez le jeune adulte, notamment en médecine de premier recours. Par son ancrage dans l’approche motivationnelle, l’IMB évite le jugement, la confrontation et la moralisation et confère le libre-choix au patient. Ces caractéristiques sont particulièrement appropriées auprès des jeunes adultes, à l’âge où les enjeux d’autonomie et d’individuation sont prédominants.1,2

L’IMB que nous proposons se distingue des IMB classiques par le fait qu’elle explore plusieurs substances à la fois, en un temps limité. Elle s’inscrit dans le prolongement des travaux de Rollnick3,4 et de McCambridge et Strang.5,6 De manière générale, l’efficacité de l’IMB a pu être démontrée dans différents contextes d’intervention et pour plusieurs substances.7-10 L’IMB que nous proposons est le fruit d’une élaboration commune entre les coauteurs de cet article. Sa présentation se focalise ici sur son application auprès des jeunes adultes s’étant engagés dans des comportements de consommation de substances.

OBJECTIFS DE L’INTERVENTION MOTIVATIONNELLE BRÈVE MULTISUBSTANCES

Le premier objectif est d’interroger l’ensemble des consommations de substances du jeune: alcool, tabac, cannabis, et autres drogues illégales. Bien souvent, le jeune qui consomme plusieurs substances, ne les considère pas toutes de manière identique. Ainsi, il présentera une motivation au changement variable d’une substance à une autre et c’est cette variabilité de la motivation perçue par le soignant qui orientera le déroulement de l’IMB autour de l’exploration d’une ou plusieurs substances.

Le second objectif est de favoriser une prise de conscience des risques associés aux comportements de consommation, en amenant le jeune à considérer les problèmes que lui posent ses consommations dans différentes sphères (relationnelle, professionnelle, conduite automobile, etc.).

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Finalement et avant tout, le dernier objectif est de susciter un changement de comportement pour une substance ou plusieurs. Aux regards des résultats d’études dans le champ des IMB, les changements de comportement attendus se situent plus dans une modération de la consommation, que vers un arrêt, ainsi que dans la réduction des risques associés. Par ailleurs, l’IMB est susceptible d’avoir un effet croisé entre différentes substances, c’est-à-dire qu’une IMB focalisée sur l’alcool peut amener à une diminution de la consommation de tabac par une prise de conscience d’un style de vie plus globalement problématique.5

EFFICACITÉ DE L’INTERVENTION MOTIVATIONNELLE BRÈVE: COMMENT ÇA MARCHE?

Plusieurs études se sont intéressé à identifier les processus langagiers dans l’interaction soignant-patient qui sous-tendent l’efficacité de l’entretien motivationnel (EM). Elles montrent que c’est la présence de discours-changement chez le patient,11,12 ainsi que de phrases d’engagement13 envers un changement de comportement qui prédisent son efficacité.

Miller et Rollnick définissent le discours-changement comme ce que le patient exprime de ses propres possibilités de changement.2 Le concept opposé à celui du discourschangement est celui de résistance. La résistance dans l’EM n’est pas perçue comme un trait de personnalité du patient, mais comme le fruit d’une discordance dans la relation soignant-patient. Le discours d’engagement résulte du discours-changement et englobe toutes les phrases qui reflètent la volonté du patient d’effectuer un changement de comportement, maintenant ou plus tard (tableau 1).

Tableau 1.

Exemples de discours chez le jeune adulte qui relèvent d’un comportement de résistance, du discours-changement ou d’un engagement envers un changement de comportement

Ainsi, le défi pour le soignant lors d’une IMB consiste à diminuer la résistance du patient, à repérer et susciter du discours-changement, et finalement à favoriser et valoriser un engagement envers un changement de comportement, en respectant le rythme du patient et son libre-choix. C’est l’adoption par le soignant d’un style propre à l’entretien motivationnel et le recours aux différentes techniques qui le caractérisent (tableau 2), qui vont lui permettre de relever ce défi.14

Tableau 2.

Esprit et outils propres à l’approche motivationnelle2 auprès des jeunes adultes

DESCRIPTION DE L’INTERVENTION MOTIVATIONNELLE BRÈVE

L’IMB multisubstances comporte différentes stratégies. C’est l’émergence ou non de discours-changement qui va guider le soignant dans le choix des différentes stratégies décrites ci-dessous. Le tableau 3 propose des exemples de phrases qui permettent de les introduire au cours de l’entretien.

Tableau 3.

Exemples de phrases d’introduction de certaines étapes de l’intervention motivationnelle brève

1. Poser le cadre de l’intervention

Assurer la confidentialité de l’entretien et aborder les consommations de substances dans une ambiance décontractée.

2. Récolter des informations

Demander la permission d’aborder la consommation de substances, puis appréhender par une question ouverte l’ensemble des consommations. Sont-elles multiples ou isolées? Sont-elles vécues comme problématiques? Demander au jeune de décrire un week-end ou une semaine typiques durant lesquels se produisent ses consommations. Dans un deuxième temps, le soignant se focalise sur un ou plusieurs aspects des consommations que le jeune perçoit comme problématiques ou d’un intérêt particulier.

3. Balance décisionnelle

Evoquer les aspects agréables et désagréables d’une consommation met le jeune à l’aise et illustre son ambivalence: ambivalence face aux bons et moins bons côtés de la consommation, ou encore, ambivalence face au changement de comportement. Cette stratégie permet également d’accéder à ce qu’il considère comme important dans sa vie actuellement – ses valeurs de référence.

4. Résumer en se centrant sur le discours-changement et les valeurs

Il s’agit de faire un grand résumé des différents éléments saillants du discours du jeune en mettant en contraste les valeurs de référence et certains aspects de ses consommations. Cette stratégie permet de mettre en lumière certains points de divergence qui vont favoriser l’élaboration et l’émergence de discours-changement.

5. Evoquer et explorer une perspective de changement

Si le jeune évoque de lui-même un projet de changement, le soignant va l’inciter à en explorer l’importance, mais aussi sa capacité et sa confiance pour le réaliser.

Si un projet de changement n’est pas abordé par le jeune, il s’agit alors d’évoquer et d’explorer un changement hypothétique. Par changement hypothétique, nous entendons un changement qui est évoqué dans l’imaginaire et non dans une réalité immédiate, l’avantage étant de pouvoir ainsi évoquer des perspectives de changement non envisagées jusqu’alors, sans pour autant engendrer de la résistance. En l’absence de discours-changement, la projection du jeune dans un changement hypothétique, peut l’amener à réfléchir à ce qu’un changement d’un ou plusieurs aspects de ses consommations pourrait avoir comme répercussions dans sa vie, en termes relationnels (famille et proches significatifs), de perspectives d’avenir au niveau professionnel (formation et premiers emplois) et de santé (risques d’accidents ou de problèmes physiques).

6. Susciter l’engagement et identifier un projet éventuel de changement pour l’avenir

A partir de ce que le jeune a évoqué et élaboré autour de ses consommations, le soignant sollicite une réflexion à propos des enjeux pour l’avenir. Cette projection dans l’avenir permet d’identifier le rapport idéal du jeune à ses consommations qui serait en adéquation avec ses projets et ses valeurs. Elle favorise également un engagement envers un projet de changement pour maintenant ou plus tard. L’écart entre la perception que le jeune a de sa situation actuelle et celle qu’il souhaiterait atteindre dans le futur génère des divergences.2 La prise de conscience qu’un comportement peut être en conflit avec des projets futurs rend le changement plus probable, en suscitant notamment la motivation nécessaire pour y procéder.

7. Clôture de l’entretien

Il s’agit de valoriser la capacité du jeune à réfléchir à ses consommations et à les modifier, le cas échéant. Si un projet de changement a été identifié, il est important de l’encourager à le mettre en œuvre.

Les stratégies 1-3 correspondent à des stratégies d’ouverture. Elles ont pour objectifs, d’une part, de permettre la mise en route de l’entretien dans un climat dans lequel le jeune se sent suffisamment à l’aise et en confiance et d’autre part, de baisser la résistance qui peut être plus prégnante en début d’entretien. Les stratégies 4-6 visent conjointement à susciter du discours-changement et à baisser la résistance. La stratégie 7 a pour objectif de susciter un engagement envers une dynamique de changement.

CONCLUSION

Les soignants sont le plus souvent confrontés non à un seul mais à plusieurs comportements à risque chez un patient. L’IMB multisubstances constitue un développement nécessaire dans le champ de la médecine du comportement, permettant d’élargir d’emblée l’entretien à l’exploration de plusieurs comportements à risque avant de se focaliser sur certains de leurs aspects. Par ailleurs, son déroulement en un temps limité rend son application particulièrement appropriée en médecine de premier recours. Les premières expériences avec cet outil au Centre de recrutement de l’armée présente des résultats encourageants. Les jeunes se montrent particulièrement enclins à parler de leurs consommations de substances et à envisager des modifications de comportement. Une étude est en cours pour en démontrer l’efficacité.

Implications pratiques

> Le soignant adopte une attitude empathique et non jugeante, et pratique une écoute active

> En début d’intervention, le soignant explore l’ensemble des comportements de consommation

> Le soignant se focalise ensuite sur certains aspects des consommations que le jeune perçoit comme problématiques ou d’un intérêt particulier

> Le soignant suscite et met en valeur le discours-changement et le discours d’engagement du jeune

Auteurs

Alicia Seneviratne

Centre de traitement en alcoologie Département universitaire de médecine et santé communautaires
CHUV, 1011 Lausanne
Alicia.Seneviratne@chuv.ch
Cristiana.Fortini@chuv.ch
Jacques.Gaume@chuv.ch
Jean-Bernard.Daeppen@chuv.ch

Cristiana Fortini

Psychologue, Service de médecine des addictions, Centre hospitalier universitaire vaudois
1011 Lausanne
cristiana.fortini@chuv.ch

Jacques Gaume

Module d’immersion communautaire de la Faculté de biologie et de médecine de l’UNIL, sous la direction de 

Jean-Bernard Daeppen

Service de médecine des addictions, Département de psychiatrie, Centre hospitalier universitaire vaudois
1011 Lausanne
jean-bernard.daeppen@chuv.ch

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