JE M'ABONNE DÈS AUJOURD'HUI
et j'accède à plus de contenu
ISO 690 | Burkhardt, S., et, K., W., Harpe, R., L., L’assistance au suicide en Suisse : la position des médecins, Rev Med Suisse, 2007/137 (Vol.3), p. 2861–2864. DOI: 10.53738/REVMED.2007.3.137.2861 URL: https://www.revmed.ch/revue-medicale-suisse/2007/revue-medicale-suisse-137/l-assistance-au-suicide-en-suisse-la-position-des-medecins |
---|---|
MLA | Burkhardt, S., et al. L’assistance au suicide en Suisse : la position des médecins, Rev Med Suisse, Vol. 3, no. 137, 2007, pp. 2861–2864. |
APA | Burkhardt, S., et, K., W., Harpe, R., L. (2007), L’assistance au suicide en Suisse : la position des médecins, Rev Med Suisse, 3, no. 137, 2861–2864. https://doi.org/10.53738/REVMED.2007.3.137.2861 |
NLM | Burkhardt, S., et al.L’assistance au suicide en Suisse : la position des médecins. Rev Med Suisse. 2007; 3 (137): 2861–2864. |
DOI | https://doi.org/10.53738/REVMED.2007.3.137.2861 |
Exporter la citation | Zotero (.ris) EndNote (.enw) |
En Suisse, le nombre de décès suite à une assistance au suicide représente actuellement environ 25% des suicides, mais seulement une part minime du nombre total de décès. L’association Exit-ADMD Suisse romande est le plus souvent sollicitée dans ces circonstances. Toutefois, les médecins praticiens sont également de plus en plus confrontés à cette problématique, du fait du lien de confiance qui les unit à leurs patients. Nous avons effectué une enquête auprès des principaux médecins suisses romands concernés par l’assistance au suicide (généralistes, internistes, gynécologues, oncologues et gériatres) pour connaître leur position par rapport à cet acte et avons obtenu 1650 réponses (63,7%). Environ un tiers des médecins ayant répondu ont déjà été confrontés à une telle demande et la moitié d’entre eux ont accepté d’aider leur patient. Ces médecins ont souvent demandé l’appui de l’association Exit pour les soutenir dans cette démarche. L’influence religieuse sur la position des médecins n’était présente qu’une fois sur cinq environ et était souvent associée à un refus d’entrer en matière ou tout au moins à un a priori négatif. Près de deux tiers des médecins sont favorables à l’autorisation de la pratique de l’assistance au suicide dans les EMS et/ou les hôpitaux de soins aigus, en insistant toutefois sur l’importance de critères stricts d’entrée en matière.
L’amélioration des soins et des possibilités de traitement a beaucoup augmenté les chances de survie face à certaines maladies graves qui, il y a encore quelques décennies, étaient fatales. Cela implique, entre autres, l’existence d’une population âgée présentant souvent un ensemble de comorbidités ne mettant pas forcément leur vie en danger.1 Malgré l’existence en Suisse de soins palliatifs et gériatriques de grande qualité, et de traitements antidépresseurs efficaces,2 il arrive que ces malades demandent à leur médecin une assistance au suicide, laquelle est légalement possible, en vertu de l’article 115 du Code pénal. Un groupe hollandais a d’ailleurs montré que la qualité de la prise en charge de malades cancéreux n’influençait pas la demande ou l’absence de demande d’euthanasie.3
Le nombre d’assistances au suicide pratiquées en Suisse alémanique4 et romande5 par les associations Exit Deutsche Schweiz et ADMD Suisse romande a passablement augmenté au cours de la dernière décennie. L’opinion publique, et plus particulièrement du milieu médical, sur ce sujet, a beaucoup évolué récemment, comme en témoignent les décisions du CHUV, puis des HUG, d’accepter, sous certaines conditions strictes, la pratique de l’assistance au suicide au sein de leur établissement.
Au cours de l’année 2006, nous avons adressé un questionnaire à l’ensemble des médecins exerçant dans les cantons romands (Vaud, Genève, Valais, Neuchâtel, Fribourg et Jura) des spécialités suivantes, les plus à même d’être concernées par le sujet, à savoir : médecine générale, médecine interne, gynécologie, oncologie et gériatrie, soit un total de 2589 praticiens (figure 1).
Pour les 2589 médecins consultés, nous avons obtenu 1650 réponses (taux de 63,7%), dont 39,2% du canton de Vaud, 29,3 % du canton de Genève, 10% du canton du Valais, 9,5% du canton de Neuchâtel, 8,7% du canton de Fribourg et 3,3% du canton du Jura (figure 2). Les réponses provenaient de 744 internistes, de 627 généralistes, 168 gynécologues, 45 oncologues et 21 gériatres, ce qui correspond à peu près aux proportions de spécialistes consultés. Pour 45 cas (2,7%), nous n’avions pas d’indication concernant la spécialité exercée par le médecin.
La majorité des médecins qui ont répondu étaient de sexe masculin et étaient âgés entre 40 et 60 ans (70,2%) (figure 3). Pour 328 d’entre eux (19,8%), nous n’avions pas d’indication quant à l’âge.
En tout, 527 (32%) des médecins qui ont répondu à notre enquête ont déjà été confrontés à une demande d’assistance au suicide de la part d’un ou de plusieurs de leurs patients (figure 4).
Les pathologies les plus souvent rencontrées chez les patients ayant, à leur demande, bénéficié d’une assistance au suicide par l’association Exit étaient de nature néoplasique et ces malades étaient le plus souvent âgés de plus de 70 ans.5 Ceci explique pourquoi ce type de demande a été adressé le plus souvent à des gériatres et des oncologues.
Sur l’ensemble de ces médecins, 265 (50,1%) ont accepté d’entrer en matière, et 161 d’entre eux (60,9%) ont fait appel à l’association Exit pour les soutenir dans cette démarche. L’appui d’une telle association est profitable du fait qu’elle apporte l’expérience de personnes formées et préparées à ce type de situation.
Il apparaît que 103 médecins ont pratiqué une ou plusieurs assistances au suicide de leur propre chef, c’est-à-dire sans l’aide d’une association spécialisée. La répartition entre cantons est la suivante : 37 médecins du canton de Genève ont déclaré avoir assisté personnellement et exclusivement un ou plusieurs patients dans leur désir de mettre fin à leurs jours, 41 dans le canton de Vaud, 2 dans le canton de Fribourg, 6 dans le canton du Valais, 3 dans le canton du Jura et 14 dans le canton de Neuchâtel. En tant que médecins légistes genevois, nous sommes surpris par le nombre relativement élevé de cas à Genève, puisque nous n’avons pas eu connaissance de la plupart de ces décès. Or, selon la législation en vigueur, ces décès relevant d’une cause non naturelle, le médecin qui constate la mort doit délivrer un constat de décès et informer immédiatement l’officier de police. Le médecin légiste est alors appelé à se rendre sur place afin d’examiner le corps du défunt.
Des 265 médecins ayant déjà pratiqué ou participé à une assistance au suicide, 46,9% d’entre eux ont vécu cette expérience notamment au cours de l’année 2005. Pour 76,7% d’entre eux, il s’agissait d’un cas, pour 16,1%, de deux cas et pour 7,2%, de plus de deux cas, certains de ces médecins étant ou ayant été accompagnateurs dans le cadre de l’association Exit.
Au contraire, presque le même nombre, à savoir 262 (49,7%) des médecins confrontés à une telle demande ont refusé de soutenir le patient dans sa démarche. En ce qui concerne les 262 médecins qui ont déclaré avoir été confrontés à une ou plusieurs demandes d’assistance au suicide mais avoir refusé d’entrer en matière (correspondant à 15,8% du nombre total de médecins ayant répondu à notre enquête), cette attitude ne signifie pas forcément qu’ils sont opposés au principe même de l’assistance au suicide; en effet, peut-être ont-ils refusé d’accéder à la demande de leur patient, jugeant que celui-ci ne répondait pas aux critères d’entrée en matière nécessaires (absence de maladie incurable, incapacité de discernement, etc.).
Les sentiments qui animent le praticien après un tel acte sont variables; un médecin a déclaré qu’intellectualiser la fin de vie n’est qu’une tentative maladroite d’avoir le pouvoir. Il apparaît en tout cas essentiel de rester ouvert et à l’écoute des patients, même si les convictions de ces derniers ne correspondent pas toujours à celles du médecin. La peur d’être considéré comme un bourreau, de devenir «celui qui tue», d’avoir la réputation d’un médecin à qui l’on fait appel pour mourir a également été décrite. Une étude américaine6 décrit un impact émotionnel très fort pour les médecins, avec une remise en question des valeurs essentielles de la vie. Nous avons noté une certaine confusion, pour certains médecins, entre assistance au suicide et euthanasie; en effet, la notion de ne pas vouloir donner la mort ou tuer est apparue à plusieurs reprises; or, lors d’un suicide assisté, le mot «suicide» indique bien que le geste final menant au décès est pratiqué par le malade, capable de discernement, lui-même et que le médecin ne fait que mettre à sa disposition le moyen pour effectuer ce geste; au contraire, l’acte euthanasique est, lui, réprimé en Suisse par l’article 114 du Code Pénal.
Pour un médecin, qui a établi une relation thérapeutique avec son patient, il est difficile de choisir entre préserver cette relation en honorant la demande du malade, ou risquer de la rompre, sous prétexte du principe d’éthique de bienfaisance.
Dans leur réponse, 1123 (68%) médecins ont déclaré n’avoir encore jamais été confrontés à une demande d’assistance au suicide de la part d’un de leurs patients. 465 (41,4%) d’entre eux estiment toutefois d’emblée qu’ils seraient prêts à accepter d’entrer en matière, pour autant que celui-ci réponde à des critères stricts, tels que ceux exigés par l’association Exit :7 capacité de discernement, demande sérieuse et répétée, maladie incurable, souffrances physiques et/ou psychiques intolérables, pronostic fatal ou invalidité importante. Ceci est important et permet d’être rassuré quant à un éventuel risque de dérapage. En effet, les médecins, bien qu’ouverts à l’idée de cette pratique, restent prudents et conscients des enjeux et des garde-fous à ne pas outrepasser.
Nous avons constaté que l’influence religieuse est relativement faible. En effet, pour 300 praticiens seulement (18,1%), la position par rapport à l’assistance au suicide est liée, au moins en partie, à des motifs religieux (figure 5).
On voit que les croyances religieuses influencent, bien sûr, l’avis de certains médecins, comme potentiellement de toute autre personne d’ailleurs, sur ce sujet, puisque la notion de religion est très fortement liée aux croyances qui entourent la mort. Toutefois, l’impact de la religion dans notre société est peu important; de plus, les médecins ont une formation scientifique qui, même si elle ne gomme pas les notions religieuses, les relativise tout au moins. Nous avons constaté que, dans les cantons catholiques, la prise de position des médecins était plus souvent influencée par des motifs religieux; en effet, tel était le cas pour 24% des médecins du Valais et 27% de ceux de Fribourg. D’autre part, les médecins exerçant dans des cantons à prédominance urbaine semblent moins influencés par des motifs religieux. De manière générale, comme l’on pouvait s’y attendre, les idées religieuses ont tendance à rendre les médecins plus réticents face à l’assistance au suicide. Il est cependant difficile à établir si l’idée théorique d’un éventuel refus serait modifiée le jour où la situation se présentait, en raison notamment du lien établi avec le patient et la crainte de rompre, dans des moments si difficiles, la relation de confiance. Un médecin nous a, par exemple, déclaré être favorable à l’absence d’acharnement thérapeutique, à l’apport d’un soutien physique, psychique et spirituel, mais opposé au suicide médicalement assisté; il a toutefois nuancé sa réponse en exprimant qu’il changerait peut-être d’avis s’il était confronté à ce problème pour luimême ou l’un de ses proches. Un autre, malgré ses convictions religieuses, a déclaré que si la médecine prolonge la vie jusqu’à des difficultés majeures, elle doit pouvoir s’abstenir de traiter et assurer une fin digne.
Ces dernières années,8 des institutions de long séjour (maisons de retraite, EMS) ont ouvert leurs portes aux organisations d’assistance au décès. Dans ses directives «Traitement et prise en charge des personnes âgées en situation de dépendance», l’Académie suisse des sciences médicales (ASSM) relève notamment que les institutions qui autorisent la pratique de l’assistance au suicide en leur sein doivent assumer des obligations de protection supplémentaires, notamment il leur faut préserver la sensibilité des autres résidents et des collaborateurs.
Les résultats de notre sondage ont montré que 62% des médecins ayant répondu à la question concernant l’autorisation de l’assistance au suicide dans les EMS y étaient favorables. Ceci démontre que le corps médical est sensible au problème soulevé et s’est penché dessus afin de se faire une opinion. Les EMS étant maintenant unanimement considérés comme le lieu de vie des personnes qui y résident, il semble évident qu’elles doivent jouir des mêmes droits fondamentaux que les personnes qui ont un domicile propre. Un argument en défaveur de l’ouverture des EMS au suicide assisté est lié à la sensibilité du personnel soignant. C’est pourquoi il faut à tout prix s’assurer qu’aucun soignant ne soit contraint ou même poussé à participer à cet acte contre son gré; cependant, priver les patients de ce droit sous prétexte de préserver la sensibilité des soignants nous semble un argument injustifié.
Au début de l’année 2006, la direction du CHUV (Centre hospitalier universitaire vaudois), à Lausanne, a décidé d’ouvrir ses portes, dans des conditions strictes, à la pratique de l’assistance au suicide. Ceci a eu lieu sous l’impulsion de l’ASSM, qui a demandé aux principales institutions de se positionner par rapport à cette pratique. Plus récemment encore, ce sont les HUG (Hôpitaux universitaires de Genève) qui ont pris position, dans le même sens. Les médecins que nous avons interrogés à ce sujet étaient, pour 60% d’entre eux, favorables à l’ouverture, selon certains critères définis, des hôpitaux à l’assistance au suicide. Toutefois, la mission première d’un hôpital étant de soigner et non pas de donner la mort, des conditions très strictes sont exigées par ces établissements avant une entrée en matière. En particulier, le patient doit avoir sa capacité de discernement, la demande doit être persistante, les alternatives doivent avoir été explorées avec le patient, la maladie dont souffre le patient doit permettre de considérer que la fin de vie est proche et le retour à domicile doit être impossible, sans quoi l’acte devrait avoir lieu préférentiellement hors de l’établissement hospitalier. De plus, la substance létale doit être fournie au patient par l’accompagnateur de l’association ou le médecin extérieur choisi par le patient, et aucun membre du personnel soignant ne doit participer à la procédure.
La fonction primaire du médecin est de soigner, de soulager les souffrances de son malade et de respecter sa volonté. Ceci entraîne un dilemme éthique pour le médecin à qui l’on demande une aide au suicide. En effet, soit il soigne le malade (soins palliatifs, etc.), soit il respecte sa volonté (assistance au suicide).
Malgré des soins palliatifs et gériatriques de qualité, un médecin peut être confronté à un malade désireux de mettre fin à ses jours et qui lui demande son soutien. En Suisse, on remarque que les médecins sont actuellement souvent prêts à aider, le cas échéant, leurs patients dans cette démarche, même si des principes moraux, religieux et éthiques créent encore des réticences pour certains.
L’assistance au suicide dans les EMS est encore passablement controversée, mais notre étude montre que près de deux tiers des médecins adhèrent à cette possibilité. L’ouverture récente de certains hôpitaux romands à l’assistance au suicide est un pas important. Il convient bien sûr toutefois de rester très prudent afin d’éviter des dérapages. Dans tous les cas, aucun médecin ne devrait se sentir contraint d’accompagner un patient dans une «autodélivrance». Mais il est satisfaisant de voir que le corps médical est maintenant à l’écoute de ce type de situation et souvent prêt à y répondre, même si l’appui d’une association spécialisée, telle qu’Exit, reste encore précieuse. Il est envisageable qu’à plus ou moins long terme ce seront les médecins traitants qui prêteront assistance à leurs patients et que l’association Exit-ADMD n’aura plus de raison d’être. Elle aura alors rempli la mission qu’elle s’était donnée.
Nous remercions tous les médecins qui ont accepté de répondre à nos questions, sans lesquels cette étude n’aurait pas pu être menée à bien.
> L’assistance au suicide en Suisse romande est pratiquée essentiellement par l’association exit-ADMD, mais parfois également par le médecin traitant du malade
> L’ASSM a recommandé aux établissements de soins de se positionner clairement par rapport à l’acceptation ou au refus de l’assistance au suicide dans leurs murs
> Le CHUV et les HUG ont accepté, en 2006, la pratique de l’assistance au suicide au sein de leurs établissements respectifs, pour autant que le patient demandeur réponde à certains critères stricts
Le produit a bien été ajouté au panier ! Vous pouvez continuer votre visite ou accéder au panier pour finaliser votre commande.
Veuillez entrer votre adresse email ci-dessous pour recevoir un lien de réinitialisation de mot de passe
Vous pouvez créer votre nouveau mot de passe ici
Certains de ces cookies sont essentiels, tandis que d'autres nous aident à améliorer votre expérience en vous fournissant des informations sur la manière dont le site est utilisé.
Les cookies nécessaires activent la fonctionnalité principale. Le site Web ne peut pas fonctionner correctement sans ces cookies et ne peut être désactivé qu'en modifiant les préférences de votre navigateur.
Ces cookies permettent d’obtenir des statistiques de fréquentation anonymes du site de la Revue Médicale Suisse afin d’optimiser son ergonomie, sa navigation et ses contenus. En désactivant ces cookies, nous ne pourrons pas analyser le trafic du site de la Revue Médicale Suisse
Ces cookies permettent à la Revue Médicale Suisse ou à ses partenaires de vous présenter les publicités les plus pertinentes et les plus adaptées à vos centres d’intérêt en fonction de votre navigation sur le site. En désactivant ces cookies, des publicités sans lien avec vos centres d’intérêt supposés vous seront proposées sur le site.
Ces cookies permettent d’interagir depuis le site de la Revue Médicale Suisse avec les modules sociaux et de partager les contenus du site avec d’autres personnes ou de les informer de votre consultation, lorsque vous cliquez sur les fonctionnalités de partage de Facebook et de Twitter, par exemple. En désactivant ces cookies, vous ne pourrez plus partager les articles de la Revue Médicale Suisse depuis le site de la Revue Médicale Suisse sur les réseaux sociaux.