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ISO 690 Schweizer, V., Troubles de la déglutition de la personne âgée, Rev Med Suisse, 2010/265 (Vol.6), p. 1859–1862. DOI: 10.53738/REVMED.2010.6.265.1859 URL: https://www.revmed.ch/revue-medicale-suisse/2010/revue-medicale-suisse-265/troubles-de-la-deglutition-de-la-personne-agee
MLA Schweizer, V. Troubles de la déglutition de la personne âgée, Rev Med Suisse, Vol. 6, no. 265, 2010, pp. 1859–1862.
APA Schweizer, V. (2010), Troubles de la déglutition de la personne âgée, Rev Med Suisse, 6, no. 265, 1859–1862. https://doi.org/10.53738/REVMED.2010.6.265.1859
NLM Schweizer, V.Troubles de la déglutition de la personne âgée. Rev Med Suisse. 2010; 6 (265): 1859–1862.
DOI https://doi.org/10.53738/REVMED.2010.6.265.1859
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Articles thématiques : ORL
6 octobre 2010

Troubles de la déglutition de la personne âgée

DOI: 10.53738/REVMED.2010.6.265.1859

Swallowing disorders in the elderly

Swallowing disorders are common in the elderly and may become life-threatening when they cause aspiration, inhalation pneumonia, malnutrition or dehydration. Dysphagia and malnutrition go hand in hand and lead to progressive worsening of mobility, immunity and quality of life. The aging of swallowing, so-called presbyphagia, is still not noticeable by 65. It becomes clinically relevant from 80 years onwards, especially during intercurrent and neurodegenerative disease, oncological treatments, or after trauma. This article aims to help practitioners in detecting these disorders and to implement appropriate therapeutic measures, which are often easy and may imply a multidisciplinary approach.

Résumé

Les troubles de la déglutition sont fréquents chez la personne âgée et représentent une menace vitale lorsqu’ils entraînent des fausses routes, des pneumopathies d’inhalation, une dénutrition et une déshydratation. Dysphagie et dénutrition vont de pair et s’accompagnent d’une dégradation progressive des capacités de déplacement et des défenses immunitaires, ainsi que de la qualité de vie. Le vieillissement de la déglutition, ou presbyphagie, est encore peu perceptible à 65 ans ; il devient cliniquement important dès 80 ans et, surtout, lors de pathologies intercurrentes, de maladies neurodégénératives, de traitements oncologiques ou après des accidents. Cet article a pour objectif d’aider le praticien à dépister ces troubles et à mettre en œuvre des mesures thérapeutiques adaptées, souvent simples, voire une prise en charge multidisciplinaire.

Introduction

La dysphagie de la personne âgée devient un problème de santé publique. La dénutrition qu’elle entraîne touche en moyenne 5 à 10% des personnes âgées vivant à domicile et 30 à 60% de celles résidant en institution.1 La plupart des études évaluent le vieillissement de la déglutition chez des sujets ayant entre 60 et 80 ans ; elles sont rares chez les plus de 80 ans, qui sont pourtant les plus particulièrement concernés. Jusqu’à cet âge avancé, les anomalies de la déglutition sont le plus souvent bien tolérées, peu ou pas symptomatiques, et ne le deviennent qu’en cas de pathologie intercurrente, de maladie neurodégénérative, d’affection oncologique ou de traumatisme.2

En 2008, au CHUV (Lausanne), les troubles de la déglutition ont représenté 0,6% des motifs de consultation en phoniatrie, concernant dans 43,6% des cas des patients de 65 ans et plus, ambulatoires ou hospitalisés.

Déglutition physiologique

La déglutition normale se divise en quatre étapes qui s’enchaînent sans interruption.

  • La première, ou phase orale préparatoire, correspond à la mastication et à l’insalivation de l’aliment en bouche. Elle rend le bolus homogène, et le fragmente pour permettre de l’avaler. Elle nécessite une dentition stable, comprenant suffisamment de dents appariées pour broyer les aliments, et une sangle labiale continente, prévenant le bavage.3

  • La deuxième phase, ou phase orale proprement dite, correspond au passage semi-réflexe des aliments de la bouche vers le pharynx. Son déclenchement peut être altéré, entraînant un long mâchonnement et des essais répétés de déglutition (phénomène appelé festination ou rolling fréquemment rencontré dans les syndromes parkinsoniens).

  • La troisième est la phase pharyngée, réflexe, complexe, rapide (moins d’une seconde), dont l’intégrité est indispensable à la protection des voies aériennes (évitement des fausses routes). Elle comprend le relèvement du voile du palais contre la paroi pharyngée postérieure (fermeture du rhinopharynx), qui prévient un reflux alimentaire nasal. La base de langue s’abaisse, laisse glisser le bolus dans le pharynx, puis recule pour le pousser vers l’hypopharynx. Le larynx se ferme de façon étanche (cordes vocales et sus-glotte, puis bascule de l’épiglotte), avant d’être attiré sous la base de langue. Ce mouvement d’élévation laryngée est indispensable pour étirer et ouvrir le sphincter œsophagien supérieur ou bouche œsophagienne (muscle cricopharyngé) ; s’il est déficitaire (paralysie, modification chirurgicale pharyngée), le sphincter s’ouvre incomplètement, malgré son relâchement réflexe (par action du nerf vague, au début du temps pharyngé).

  • Enfin, le bolus est propulsé par des mouvements péristaltiques de la musculature pharyngée, puis œsophagienne (phase œsophagienne), qui l’acheminent vers l’estomac.

Vieillissement de la déglutition ou presbyphagie

Les mécanismes mis en jeu lors de la déglutition s’altèrent avec l’âge.4,5 Ils correspondent à un vieillissement à la fois mécanique (affaiblissement musculaire, rigidités articulaire et ligamentaire, ostéophytes et arthrose de la colonne cervicale) et neurologique (commande motrice plus lente, sensibilité et réflexes diminués, troubles cognitifs).

Musculature

La musculature squelettique tend à s’atrophier. Entre 60 et 70 ans, on estime la fonte musculaire de 25 à 30% de son volume initial et la perte de force de 30 à 40%. Ce phénomène est individuel et dépend de l’entretien musculaire et des activités du sujet. Cette fonte touche en particulier les muscles des lèvres, du pharynx, de la respiration et de la sangle abdominale, rendant la toux moins efficace et compromettant la protection des voies aériennes.4

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Salive

Vingt-cinq pour cent environ des personnes âgées se plaignent d’une bouche trop sèche.6 La sénescence s’accompagne d’une atrophie progressive des glandes salivaires et d’une modification de la salive, qui devient plus visqueuse (diminution de son contenu en mucine). Le flux salivaire est diminué par la plupart des médicaments (antihistaminiques, antihypertenseurs, diurétiques, antidépresseurs). Ces modifications favorisent le développement de mycoses (figure 1), qui augmentent la sensation de sécheresse buccale et peuvent provoquer une dysphagie marquée, douloureuse.

Figure 1

Mycose pharyngo-laryngée profuse chez un sujet immunodéprimé, sévèrement dysphagique

Image endoscopique (épipharyngoscope).

Dentition

Soixante pour cent des personnes de plus de 65 ans sont édentées et portent des prothèses plutôt anciennes, usées et mal adaptées.6 L’efficacité de la mastication reste bonne si la dentition est intacte. Elle diminue de 30 à 75% lors du port de prothèses dentaires ; ces dernières altèrent les sensations gustatives et la sensibilité buccale.3

Goût et odorat

La perte du goût du sujet âgé est liée à la diminution du nombre de papilles gustatives et à la baisse de la sensibilité des récepteurs sensitifs. La perception du sucré est la première altérée, puis celle du salé et des saveurs acides ; le sujet se plaint d’une bouche amère et modifie ses préférences alimentaires (recherche d’aliments plus sucrés). L’odorat, qui intervient pour 80% dans notre perception des flaveurs, se dégrade systématiquement dès l’âge de 65 ans, aboutissant à une sévère hyposmie, voire anosmie, chez 75% des sujets de plus de 80 ans.7 Cette dernière est due non seulement à la perte de la capacité de traitement des informations neurologiques, mais aussi à la réduction des surfaces épithéliales olfactives, remplacées progressivement par un épithélium respiratoire simple.

Anomalies de la déglutition

Une étude radiologique,8 réalisée auprès de 56 personnes ayant un âge moyen de 83 ans sans plainte dysphagique, a révélé que seuls 16% d’entre elles avaient une déglutition strictement normale ; la phase orale était anormale chez 63% d’entre elles, avec une mise en bouche et un contrôle imprécis des aliments, des bavages, des mouvements de langue augmentés, entraînant une plus longue mastication par bouchée et un déclenchement retardé de la déglutition. 25% des sujets présentaient des anomalies de la phase pharyngée : péristaltisme et force contractile du pharynx diminués, temps de transit allongé, et respectivement 39 et 36% présentaient des anomalies de leur muscle cricopharyngé (hypertonie, ouverture incomplète) ou un dyspéristaltisme œsophagien. Une déglutition plus lente entraîne une augmentation des stases, surtout valléculaires (figure 2), et des pénétrations laryngées (irritation glottique déclenchant un spasme laryngé réflexe, puis une brève toux). La vraie fausse route (passage de particules solides ou liquides dans la trachée) ne fait pas partie du tableau d’une presbyphagie.

Figure 2

Stase valléculaire

Image nasofibroscopique du pharyngo-larynx d’un patient dysphagique.

Ostéophytose cervicale

Les ostéophytes cervicaux ont une prévalence de 20 à 30% dans la population et sont le plus souvent asymptomatiques.9 Arthrose et becs ostéophytaires peuvent cependant être à l’origine de poussées inflammatoires douloureuses, entraînant une odynophagie, voire des accolements musculaires pharyngés progressifs et une diminution des mouvements péristaltiques pharyngés.

Dépistage de la dysphagie

En vieillissant, les troubles de la déglutition se manifestent par des symptômes souvent vagues, dépendant de facteurs environnementaux. Il est fréquent qu’ils restent non diagnostiqués durant plusieurs années, le sujet compensant sa gêne par une modification progressive, insensible, de son alimentation et de sa posture.10 Ils deviennent brutalement évidents à l’occasion de complications (fausse route, étouffement, impaction alimentaire, infection pulmonaire).2,11 Leur dépistage est basé sur la recherche systématique de symptômes dysphagiques et sur la mesure du poids, au minimum mensuelle. Ce sont principalement les patients débilités, souffrant de pathologies neurologiques dégénératives (syndromes parkinsoniens, maladie d’Alzheimer, sclérose latérale amyotrophique), d’affections cancéreuses ou ayant subi une cassure de leur rythme de vie (accident, intervention chirurgicale, deuil) qui sont concernés.4,11

Le bilan d’une dysphagie 2,11 comprend une anamnèse soigneuse auprès du patient et de son entourage (tableau 1), un status général, un examen oropharyngé (présence d’une mycose, d’une dentition cariée, de prothèses dentaires ballantes, d’une dysmobilité linguo-vélaire, de lésion(s) suspecte(s)), et l’observation de la déglutition (verre d’eau). Un examen pharyngo-laryngé (présence d’une paralysie, de signes de reflux gastro-œsophagien, d’une mycose, d’un cancer) complète ce bilan. Réalisé par un ORL, il comporte habituellement une nasofibroscopie, qui permet un status morphologique et fonctionnel du pharyngo-larynx et une évaluation des réflexes laryngés. Ce bilan clinique permet de définir le type de dysphagie du patient (douloureuse, mécanique, neurologique) et de choisir les investigations complémentaires appropriées.

Tableau 1

Dysphagie – symptômes d’alerte

L’examen radiologique de la déglutition (transit pharyngo-œsophagien, avec liquide et solide) est indiqué en cas de blocages alimentaires récidivants ou de régurgitations (anomalie cricopharyngée, diverticule de Zenker, tumeur œsophagienne) et pour rechercher d’éventuelles fausses routes silencieuses, en cas d’encombrement bronchique progressif. Il n’est pas indiqué pour objectiver des fausses routes liquidiennes avérées. L’endoscopie des voies aérodigestives est indiquée en cas d’anomalie radiologique (sténose, dyspéristaltisme localisé) ou de gêne mécanique persistante. La manométrie pharyngo-œsophagienne permet d’étayer le diagnostic d’hypertonie ou de fibrose cricopharyngée, ou d’anomalie péristaltique diffuse (myopathies, myasthénie, sclérodermie).

Moyens de prise en charge

En cas de fausses routes répétées, des mesures simples peuvent être instaurées :

  • maintien d’une bonne hygiène buccale, avec brossage des dents puis rinçage buccal soigneux, à plusieurs reprises, afin de diminuer la charge bactérienne salivaire et son rôle pathogène dans les surinfections bronchiques.12,13

  • Position assise, redressée, du sujet pour toute prise de boisson ou d’aliment.

  • Liquides rendus onctueux par l’adjonction d’une poudre épaississante afin d’être déglutis lentement, gorgée après gorgée, et servis dans un verre évasé, évitant le redressement mentonnier (risque de fuite pharyngée précoce et de fausse route).

  • Aliments découpés, émincés ou mixés en fonction du déficit masticatoire, rendus plus homogènes et onctueux par adjonction de sauce si le contrôle du bolus en bouche est imprécis. La réadaptation des prothèses dentaires est souvent nécessaire.

Si ces mesures restent insuffisantes, diététicienne, ergothérapeute et logopédiste interviennent pour évaluer et adapter les apports alimentaires, l’installation du sujet et ses gestes d’alimentation.2,13 La physiothérapie respiratoire permet d’améliorer le drainage bronchique et d’entraîner une toux plus efficace. Une hydratation ou une alimentation complémentaire par sonde doit parfois être envisagée, en particulier lorsque les fausses routes liquidiennes ne peuvent être évitées. Une alimentation récréative peut le plus souvent être maintenue permettant de préserver un certain plaisir de manger. Chez la personne âgée, les limites éthiques d’une nutrition par sonde sont discutées de cas en cas ; elles commandent de ne pas s’acharner, mais aussi de ne pas négliger une dénutrition progressive (impotence, fatigue, escarres).

Conclusion

Les troubles de la déglutition de la personne âgée ont souvent une expression fruste, insidieuse. Leur dépistage est à la portée de chaque praticien, le but étant de sécuriser la déglutition, de minimiser les risques de bronchoaspiration et d’enrayer une perte pondérale progressive. Les examens complémentaires permettent de préciser les causes de la dysphagie. Manger est l’un des seuls actes de notre vie quotidienne qui lie à la fois nécessité vitale et plaisir. Le préserver, le sécuriser, peut contribuer au mieux-être de notre population et à l’amélioration de son état de santé. ■

Implications pratiques

> La personne âgée saine est capable de compenser les déficits liés au vieillissement sans trouble important de sa déglutition

> Le dépistage d’une dysphagie comprend un contrôle pondéral au minimum mensuel, une anamnèse soigneuse et un examen clinique incluant une évaluation de l’état dentaire et des muqueuses oropharyngées, puis une observation de la déglutition

> Ce dépistage vise à prévenir la survenue d’infections pulmonaires, de fausses routes graves (décès par suffocation) et d’une dénutrition entraînant un affaiblissement progressif (patient grabataire par fonte musculaire, avec aggravation de sa dysphagie et développement d’escarres)

Auteurs

Valérie Schweizer

Service d’ORL et chirurgie cervico-faciale, CHUV
1011 Lausanne
valerie.schweizer@chuv.ch

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