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ISO 690 Nau, J., Du Téléthon et des imprécations, Rev Med Suisse, 2011/319 (Vol.7), p. 2372b–2373b. DOI: 10.53738/REVMED.2011.7.319.2372b URL: https://www.revmed.ch/revue-medicale-suisse/2011/revue-medicale-suisse-319/du-telethon-et-des-imprecations
MLA Nau, J. Du Téléthon et des imprécations, Rev Med Suisse, Vol. 7, no. 319, 2011, pp. 2372b–2373b.
APA Nau, J. (2011), Du Téléthon et des imprécations, Rev Med Suisse, 7, no. 319, 2372b–2373b. https://doi.org/10.53738/REVMED.2011.7.319.2372b
NLM Nau, J.Du Téléthon et des imprécations. Rev Med Suisse. 2011; 7 (319): 2372b–2373b.
DOI https://doi.org/10.53738/REVMED.2011.7.319.2372b
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Point de vue
30 novembre 2011

Du Téléthon et des imprécations

DOI: 10.53738/REVMED.2011.7.319.2372b

De nos jours, à l’approche de l’Avent, les esprits s’échauffent. L’année 2011 ne sera pas en reste. C’est le Téléthon qui, chaque année, est devenu la cible récurrente de l’agitation des esprits. Pourquoi ? Durant des décennies, cette gigantesque opération caritative ne suscita guère qu’une adhésion collective massive autant que baroque. Entre carnavals et fêtes de village médiatiquement démultipliés, il s’agit de tendre la sébile télévisuelle. Avant la Noël, on fait l’offrande de quelques euros ; offrande compassionnelle devant le spectacle – parfois difficilement soutenable – d’enfants souffrant de différentes formes de myopathie et autres maladies orphelines. Au total, on engrange bon an mal an une centaine de millions d’euros.

Beaucoup a été écrit sur le Téléthon qui va, dans quelques jours, réapparaître sur nos écrans et sur nos places. Beaucoup a été écrit et beaucoup continue à l’être. Souvent, ces derniers temps, dans le triple registre de la dénonciation, de l’incantation et de l’imprécation. En 2009 et 2010, on entendit Pierre Bergé. 2011 sera un millésime estampillé Jacques Testart. Du Tout Paris à la paillasse en somme.

Pierre Bergé, 81 ans, a fait fortune avec Yves Saint-Laurent dans la confection de luxe. Connu pour être proche de la gauche socialiste, ce mécène militant de la cause homosexuelle s’est très tôt engagé dans la lutte contre le sida en créant notamment (et en finançant largement sur ses deniers) l’association Sidaction. M. Bergé a surpris quand, précisant être atteint d’une forme de myopathie, il a – c’était en 2009 – violemment attaqué l’Association française contre les myopathies (AFM), organisatrice du Téléthon qui a décidé de porter plaine contre lui. Pas question, pour l’AFM, de «mutualiser les dons». Chacun chez soi et la charité n’en sera que plus profitable.

Le mécène, si l’on ose dire, ne faisait pas alors dans la dentelle : «J’accuse : 100 millions d’euros pour le Téléthon, ça ne sert à rien (…). Ils ont trop d’argent, ils achètent des immeubles. Il y a un Téléthon aux Etats-Unis, mais le produit de ce Téléthon est partagé entre plusieurs associations (…). Le Téléthon parasite la générosité des Français (…) d’une manière populiste, en montrant des enfants myopathes, en exhibant le malheur des enfants et je trouve ça inadmissible.»

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Deux ans plus tard, c’est au tour du biologique Jacques Testart de monter, depuis son blog,1 à l’assaut ; et il le fait en dégoupillant un nombre nettement plus élevé de grenades offensives. Jacques Testart, 72 ans, est un biologiste de formation qui a longtemps œuvré dans le champ public et privé de la procréation médicalement assistée. Longtemps proche des mouvements de l’extrême gauche, cette personnalité atypique et déroutante croise parfois, sur des problématiques éthiques, le chemin de croix de l’Eglise catholique. Extraits de son récent propos sur la prochaine opération Téléthon qui, comme chaque année, dépassera les frontières de l’Hexagone.

«Comme tous les spectacles de masse, le Téléthon est recopié de la télé américaine. On y voit des vedettes comblées s’apitoyer sur des enfants survivants. Le but est de collecter des sous par millions au nom de l’équation incontournable : argent = recherche = guérison, comme d’autres ont admis que croissance = progrès = bien-être ou encore clonage = immortalité. La magie est renforcée par le sacrifice : il faut courir ou grimper ou nager "contre la maladie". On dira que c’est plus rationnel que des chrétiens qui se flagellent ou se crucifient ou que des islamistes qui se font exploser, sans même prétendre contribuer au progrès médical. Est-ce certain ?»

Le biologiste évoque, dans ce spectacle, des scènes «putassières». Il évoque aussi les coulisses financières du spectacle. Selon l’AFM, pour cent euros collectés au Téléthon, «seulement» vingt ont été dépensés en frais de collecte et fonctionnement. «La belle affaire, dit-il. Si les mêmes cent euros étaient collectés par l’impôt, il en coûterait moins d’un euro ! Par ailleurs, les cent millions collectés à chaque Téléthon permettent aux donateurs une réduction de leurs impôts équivalente aux deux tiers de leur don. Il s’ensuit chaque année un manque à gagner de dizaines de millions d’euros pour l’Etat ! L’AFM est une association à but non lucratif mais les 141 millions d’euros placés en produits financiers en 2008 ont rapporté sept millions d’euros cette même année, sans compter 52 millions d’euros placés sur des produits de moyen terme et aussi des participations dans des entreprises valorisées à hauteur de 30 millions d’euros.» … Si 60 millions seulement, sur plus de 100, passent du Téléthon à la recherche, c’est qu’une partie des recettes est, avec raison, utilisée pour améliorer le quotidien des malades, mais c’est aussi qu’une autre part, assez conséquente, sert de façon plus contestable à alimenter grassement la machine à mendier et ses permanents.

Il observe encore que les thèmes des campagnes ressemblent aux slogans publicitaires. Au fil des années, le Téléthon a ainsi promis «Des gènes pour guérir» (1993) ou «Des gènes-médicaments – un progrès pour la vie» (1997). Il a annoncé «Un pas de géant» (2000) allant jusqu’à : «C’était notre espoir, maintenant c’est une certitude» (2006). Cette année : «25 ans… et bien des victoires plus tard !» (2011).

Jacques Testart, toujours : «On notera qu’après une dizaine d’années d’exhibitions d’enfants en fauteuils, condamnés au pire, le Téléthon a été capable de se lancer dans une présentation de "bébéthons" : les "bébéthons" sont mignons, plutôt blonds, souriants, ils sont des enfants "normaux" pour lesquels on prévoit un futur normal… Faut bien positiver. Car ces "bébéthons" sont des enfants nés grâce à vos dons, même ceux des grands-mères révoltées par l’avortement… puisque les progrès du diagnostic génétique ont permis d’identifier les embryons ou fœtus "normaux", conçus par des couples "à risque", et ainsi d’éliminer les autres. On ne sait toujours pas soigner mais on apprend à trier efficacement… avec les sous de ceux qui avaient donné pour guérir.» On connaît cette problématique et celle sous-jacente, d’un «eugénisme démocratique» (la formule, rappelons-le, est de M. Testart).

«Ainsi, conclut-il, après 25 ans de promesses, la thérapie génique ne semble plus être une stratégie compétente pour guérir la plupart des maladies génétiques. Les rares succès concernent des maladies de cellules sanguines dans ce tissu exceptionnel par sa nature liquide et la disposition de cellules souches capables de diffuser dans tout l’organisme une information imposée.»

Pour finir, une question, immanquable : une fois la croix faite sur le Téléthon, que fera-t-on ?

Auteurs

Jean-Yves Nau

jeanyves.nau@gmail.com

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