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ISO 690 | Junod, A., De la mesure des scores de risque cardiovasculaire ou de la nuisance générée par la pléthore ?, Rev Med Suisse, 2012/327 (Vol.8), p. 330–335. DOI: 10.53738/REVMED.2012.8.327.0330 URL: https://www.revmed.ch/revue-medicale-suisse/2012/revue-medicale-suisse-327/de-la-mesure-des-scores-de-risque-cardiovasculaire-ou-de-la-nuisance-generee-par-la-plethore |
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MLA | Junod, A. De la mesure des scores de risque cardiovasculaire ou de la nuisance générée par la pléthore ?, Rev Med Suisse, Vol. 8, no. 327, 2012, pp. 330–335. |
APA | Junod, A. (2012), De la mesure des scores de risque cardiovasculaire ou de la nuisance générée par la pléthore ?, Rev Med Suisse, 8, no. 327, 330–335. https://doi.org/10.53738/REVMED.2012.8.327.0330 |
NLM | Junod, A.De la mesure des scores de risque cardiovasculaire ou de la nuisance générée par la pléthore ?. Rev Med Suisse. 2012; 8 (327): 330–335. |
DOI | https://doi.org/10.53738/REVMED.2012.8.327.0330 |
Exporter la citation | Zotero (.ris) EndNote (.enw) |
Malgré les progrès thérapeutiques, les améliorations des comportements en matière d’hygiène de vie (diététique, effort physique, diminution du tabagisme) et la plus grande efficacité de plusieurs groupes de médicaments ainsi que celle de la prise en charge médicale des patients, les affections cardiovasculaires (CV) continuent à représenter la cause majeure de la morbidité et de la mortalité dans le monde.1 Il est vrai que, dans la plupart des pays dits développés, les taux de mortalité pour les maladies CV ont marqué une nette régression au cours des 30 dernières années, une évolution pourtant encore insuffisante puisque les prédictions pour 2020 nous annoncent que le poids (burden) des maladies CV restera en tête de liste.2
Si les efforts faits dans le domaine de la santé publique au niveau populationnel se doivent d’être poursuivis (ils ont sans doute été les acteurs majeurs dans cette réduction des morts CV), une tendance est apparue dans ces dernières décennies : celle du dépistage des individus à risque de développer une affection CV. S’est donc ajoutée aux mesures prises et aux campagnes d’information entreprises dans la population une approche individuelle de prévention primaire pour mieux mesurer les risques de développement de maladie CV. Elle est venue compléter la stratégie de prévention secondaire de ce type d’affections. Dans ce cas, la détermination du risque ne pose guère de problème puisqu’elle est directement associée à la présence de la maladie diagnostiquée. Il en est différemment en situation de prévention primaire où le risque résulte de la présence ou l’absence de plusieurs facteurs qui agissent directement, mais aussi interagissent entre eux pour générer la maladie CV.3 C’est pour évaluer quantitativement les effets de cette relation complexe entre facteurs de risque et la probabilité de maladie CV que se sont développés les scores de risque CV.
La mise à disposition de médicaments antihypertenseurs et surtout hypocholestérolémiants n’est sans doute pas étrangère à la popularité dont jouissent ces scores, dans la mesure où s’ouvre dès lors un marché gigantesque de consommateurs potentiels. Un nombre important de tels outils destinés à mesurer le risque CV est à disposition du corps médical à un point tel qu’il devient difficile pour un praticien de savoir lequel choisir et en fonction de quoi. Une littérature abondante existe, avec certaines revues comptant plusieurs centaines, voire milliers de références.4-10 Le but de cet article est de résumer les éléments principaux qui permettent de mieux apprécier les avantages et défauts inhérents à l’utilisation des scores les plus utilisés, d’en faire une présentation succincte et d’y associer, dans un programme internet complémentaire (www.medhyg.ch/scoredoc/scores_cardiovasculaires), des logiciels qui en facilitent le calcul. Une comparaison des résultats générés par ces scores ou des catégories de score est également proposée.
Pour pouvoir mieux analyser ces scores entre eux, un peu de théorie est, malheureusement, nécessaire. Elle sera aussi brève que possible.
Les scores sont constitués de l’assemblage de plusieurs variables, en l’occurrence des facteurs de risque CV (FRCV), chacun doté d’une valeur spécifique en relation avec l’importance de son effet sur le développement de maladies CV. La somme de ces valeurs, exprimées sous forme de points par exemple, donne l’importance du risque. Alternativement, selon le modèle statistique utilisé (modèles de Cox ou de Weibull entre autres, mais c’est l’affaire de spécialistes…), des équations plus ou moins complexes sont utilisées où interviennent ces mêmes FRCV avec des valeurs qui seront fonction de leur positivité ou négativité.
Comment se détermine le choix des composantes d’un score ? A partir d’un collectif donné de sujets et de leur suivi, une série d’éléments, les FRCV notamment, mais aussi d’autres données cliniques ou de laboratoire susceptibles d’être impliquées dans la genèse des maladies CV, sont testées pour évaluer leur relation avec leur risque CV, et cela, en général, par le biais d’une analyse statistique univariée. Les items retenus, car significativement associés au développement de maladies CV, sont ensuite réanalysés par le truchement d’une analyse multivariée qui testera leur indépendance les uns vis-à-vis des autres. Le passage de l’analyse univariée à l’analyse multivariée diminue en général le nombre des éléments de risque, finalement retenus, par un facteur de 2 à 3. Cette étape, dite de dérivation, aboutit à la formulation du score.
Ces considérations techniques ont un coefficient de désagrément élevé pour le médecin praticien, et cela d’autant plus que leur description trouve, en règle générale, refuge dans la section «Méthodes» de l’article qui se signale par l’utilisation de caractères microscopiques et une lisibilité par là-même hasardeuse. Le lecteur sera sans doute rassuré de savoir que tous les scores de risque CV discutés dans cet article satisfont ces exigences statistiques. Point n’est besoin d’y revenir.
Par contre, la qualité d’un score dépend de la prise en compte de plusieurs autres éléments dont il est utile de connaître, sinon tous les détails, du moins les principes généraux.
• Du type de la population choisie. Idéalement, l’échantillon devrait avoir une taille suffisante et être représentatif de la population testée, dans sa diversité ethnique en particulier. L’étude est observationnelle, prospective, limitée à des sujets initialement vierges de toute forme de maladie CV. La récolte des données pertinentes doit être aussi complète que possible.
• De la capacité d’un score obtenu dans une population donnée à être généralisable pour une autre population. Il peut y avoir incompatibilité entre ces deux premières exigences : l’exigence de représentativité est souvent incompatible avec la propriété de généralisation. Exemple : les scores de Framingham, obtenus à partir d’une population particulière d’une petite ville ethniquement homogène des Etats-Unis, ont été largement utilisés dans le reste du monde, avec, souvent, des discordances importantes entre les résultats prédits et ceux observés.
• D’une relation temporelle étroite entre la collecte des données pour l’établissement du score et l’utilisation de ce dernier. Souvent, malheureusement, 20 à 30 ans séparent ces deux événements, alors que, durant ce laps de temps, dans bien des pays, l’incidence des maladies CV et leur pronostic se sont profondément modifiés, dans les deux sens. Il n’est donc plus certain de pouvoir garantir l’application présente d’un score obtenu dans un passé trop lointain.
• De la durée du suivi de la population étudiée. Elle est généralement suffisante, variant entre huit et plus de douze ans.
• De la prise en considération d’un éventuel traitement agissant sur un facteur de risque au cours du suivi. C’est surtout vrai pour les statines.
• De sa validation. Ce sujet est suffisamment important pour mériter un traitement privilégié …
Elle peut être interne ou externe, cette dernière étant nettement préférable.
La validation interne est pratiquée sur la cohorte de sujets qui ont participé à l’étape de dérivation, de fabrication du score. Elle se fait selon deux modes principaux : 1) l’échantillon initial est divisé en deux groupes, le premier, généralement plus important (50 à 80% de l’effectif) sert à l’étude de dérivation, le deuxième restant étant utilisé pour la validation du score précédemment obtenu. 2) Une série de petits échantillons de la cohorte est testée de façon répétée pour les comparer avec les données de la cohorte de base et évaluer ainsi la stabilité du score (boot-strapping).
La validation externe est pratiquée sur une population différente de la cohorte initiale : autre hôpital, autre région ou pays. Dans ce dernier cas, la généralisation des résultats du score peut être évaluée et, le cas échéant, validée. C’est, de loin, la meilleure formule.
Dans les deux cas, les différents scores obtenus sont comparés entre eux par l’entremise de leurs propriétés respectives : la discrimination et la calibration, d’où le chapitre suivant !
Il y a deux catégories, applicables pour la validation interne comme pour l’externe.
• La discrimination : c’est la capacité à distinguer entre les vrais et les faux positifs. Elle peut être représentée graphiquement par une courbe dite ROC (receiver operating characteristics) où la sensibilité figure en ordonnée et le pourcentage des faux positifs en abscisse. La mesure de la surface sous cette courbe ROC (SSC-ROC ou Area under the Curve AU-ROC) est une mesure de la discrimination (figure 1). Ses valeurs oscillent entre 0,5 (absence de discrimination ou égalité entre vrais et faux positifs) et 1 (discrimination parfaite, aucun faux positif).
Pour la plupart des scores de risque CV, la SSC-ROC oscille entre 0,6 et, dans le meilleur des cas, 0,8. Lors d’une validation externe, une valeur inférieure à la SSC-ROC initiale signifie donc une réduction du pouvoir de discrimination.
• La calibration mesure la proximité du risque prédit par rapport au risque observé ou le rapport Prédit/Observé, P/O). En d’autres termes, elle rapporte le résultat prédit au résultat observé. Si ce rapport est de 1, la calibration est bonne. S’il est supérieur à 1, il y a surévaluation du risque. Si elle est inférieure à 1, il y a sous-évaluation.
Une autre façon d’exprimer la calibration se fait par l’utilisation du test statistique de Hosmer-Lemeshow (HL) qui permet de mesurer la présence ou l’absence d’une différence entre le risque prédit et le risque observé. Si la différence n’est pas significative (X2 < 20), les deux groupes de prédiction et d’observation sont semblables et la calibration est bonne.
Pour résumer, la SSC-ROC donne une indication sur la justesse de la classification (risque ou pas de risque), alors que le test HL et le rapport P/O renseignent sur la grandeur du risque.
Ces considérations, quelque indigestes qu’elles soient, ont cependant une importance indiscutable. Les mesures de discrimination et de calibration sont indispensables pour évaluer la possibilité d’appliquer un score de risque donné dans un environnement différent de celui où il a été développé. Elles figurent donc dans tout article testant la généralisation d’un score. Elles apparaissent dans toutes les fiches consacrées aux scores de risque CV courants, présentes dans cette revue.
La discussion porte sur neuf scores de risque CV, parmi les plus utilisés et récents. Il s’agit de :
Score de Framingham USA 199111
Score de Framingham USA 199812
Score de Framingham USA 200113-15
Score de Framingham USA 200816
Score de PROCAM Allemagne 200217
Score de PROCAM Allemagne 200718
Score de la European Society of Cardiology ESC-SCORE Europe 200319
Score de Reynolds USA 2007-200820,21
Score ASSIGN Ecosse 200722
Score QRISK2 Grande-Bretagne 200823
Pour tous ces scores, à l’exception de QRISK2, les détails méthodologiques permettant la reconstitution du score ont été publiés, ce qui a permis de les mettre à disposition des lecteurs dans le supplément internet qui complète cet article (www.medhyg.ch/scoredoc/scores_cardiovasculaires).
Des fiches signalétiques, disponibles sur ce site, détaillent les données principales qui sont à la base de la construction de chacun de ces scores.
C’est là que les choses se compliquent… En effet, il aurait pu paraître sensé d’avoir une issue (outcome) commune à tous ces scores de manière à pouvoir les comparer entre eux. Que nenni, c’eut été trop beau, et ce chapitre va résumer l’imbroglio dans lequel nous nous trouvons maintenant (tableau 1).
Commençons par le score le plus ancien de notre série, celui de Framingham, publié en 1991. Il a considéré les risques coronariens seuls, incluant les morts coronariennes, les infarctus du myocarde non fatals, l’insuffisance coronaire et l’angine de poitrine. Il est donc intitulé : score de risque coronarien global. Le score de Framingham présenté en 1998 s’adresse aux mêmes issues, la différence majeure étant l’utilisation de catégories pour certains facteurs de risque.
En 2001, le groupe de Framingham a décidé de développer un score de risque coronarien «dur», le qualificatif «dur» s’adressant aux seules expressions indiscutables de la maladie coronarienne : la mort coronarienne et l’infarctus du myocarde non fatal. Les scores de PROCAM de 2002 et 2007 sont également des scores de risque coronarien «dur». Pour rendre la comparaison entre Framingham 2001 et PROCAM malaisée, nous verrons que ces deux types de scores requièrent l’introduction de facteurs de risque différents !
En 2008, le groupe Framingham a publié un article sur un troisième type de score ; à savoir un score de risque cardiovasculaire global, comprenant les éléments du risque coronarien global auxquels s’ajoutent les risque d’accidents vasculaires cérébraux, de la maladie vasculaire périphérique et de l’insuffisance cardiaque. Dans l’article y relatif, possibilité est donnée de connaître les importances respectives de ces différentes entités nosologiques.
Le groupe Framingham, en étudiant une population plutôt homogène, a donc évalué trois formes de risques différents : coronarien global, coronarien «dur» et cardiovasculaire global.
Ainsi, pour un homme de 55 ans, fumeur, avec une TA systolique de 155 mmHg, non traitée, un cholestérol total de 6,2 mmol/l et un HDL-cholestérol de 1,2 mmol/l, sans hypertrophie ventriculaire gauche, ni diabète, les risques s’établissent ainsi, selon le tableau 2.
Les données ainsi récoltées paraissent pertinentes. Le risque coronarien global à dix ans est plus grand que pour le risque coronarien «dur», tous les deux étant inférieurs à celui du risque cardiovasculaire global. Il n’en demeure pas moins que la multiplicité des risques considérés rend difficile la comparaison des scores entre eux, alors même qu’il s’agit de données portant sur une population quasi identique. Ces discordances ne sont pas bénignes, puisque, dans nombre de recommandations pour la pratique clinique (RPC), un seuil de 20% de risques à dix ans a été pris pour déterminer une indication à un traitement en prévention primaire, hypocholestérolémiant par exemple. Or, comme le montre le tableau 2, pour le même patient, selon le type de risque considéré, le pourcentage de risque à dix ans va de 18 à 34%…
Qu’en est-il des autres scores ? Aucun autre score ne s’est intéressé au risque coronarien global. PROCAM 2002, un score coronarien «dur» allemand, est le seul à avoir été testé et analysé dans plusieurs pays, mais il présente un défaut majeur : l’échantillon était uniquement masculin. En 2007, un nouveau score PROCAM a été publié par Assmann et coll., basé, cette fois-ci, sur un collectif de femmes et d’hommes. Son pouvoir de discrimination, évalué par la SSC de la courbe ROC, est 0,82, le même que pour PROCAM 2002. Pour l’individu déjà cité ci-dessus, mais dont le profil lipidique a été adapté pour se conformer aux exigences de ce score (LDL-cholestérol à 4,1 mmol/l, HDL-cholestérol à 1,2 mmol/l et triglycérides à 1,6 mmol/l), PROCAM 2007 a pronostiqué un risque à dix ans entre 10 à 19%, à comparer avec les 18% de Framingham 2001.
Le score de la Société européenne de cardiologie ESC-SCORE de 2003 fait bande à part puisqu’il n’utilise que la mort CV, qu’elle soit coronarienne ou extra-coronarienne. Il justifie ce parti pris par la plus grande rigueur diagnostique qu’il procure, un argument qui semble péremptoire. Il s’ensuit que le seuil proposé par les RPC pour le haut risque de mort vasculaire est ≥ 5%, soit une valeur quatre fois plus faible que pour les scores coronariens. Sa parcimonie en termes de risques trouve un certain parallélisme avec la prise en compte du nombre le plus bas de facteurs de risque, cinq au total (âge, sexe, TA systolique, cholestérol total et tabagisme).
Tous les autres scores utilisent un score de pronostic CV, et non plus seulement coronarien. Framingham 2008 offre le score le plus exhaustif, qui comprend la mortalité CV, la morbidité coronarienne, la pathologie vasculaire cérébrale, la maladie vasculaire périphérique et l’insuffisance cardiaque. De là, des valeurs de risque particulièrement élevées, comme le montre le tableau 2.
Les scores américains de Reynolds et ceux originaires de Grande-Bretagne et d’Ecosse (QRISK2, ASSIGN) impliquent des versions CV moins complètes que Framingham 2008, mais où les accidents vasculaires cérébraux sont néanmoins présents.
De ce bref exposé sur l’hétérogénéité des types de risques considérés, il devient aisé d’imaginer combien il est ardu, voire impossible, d’essayer de comparer les résultats des scores entre eux. Comme, de plus, il s’ajoute la même joyeuse anarchie dans le choix des facteurs de risque, ainsi que le prochain chapitre le montre…
Les scores de risque CV et/ou coronarien ont pour but d’exprimer les effets individuels des facteurs de risque et le résultat de leurs interactions. Il paraît donc justifié d’examiner aussi comment ils sont représentés.
L’âge, le sexe, la TA systolique et le tabagisme sont des valeurs sûres : ils sont retrouvés dans tous les scores. Cette belle unanimité s’arrête là.
Le diabète, par exemple, n’est pas toujours retenu. La raison en est que, pour certains, un diabète représente intrinsèquement un risque élevé de vasculopathie, il est dès lors inutile de l’inclure puisque, même sans l’apport d’autres facteurs de risque, l’indication à un traitement préventif est posée.
Tous les scores demandent un dosage de lipides. Cela va de la simple mesure du cholestérol total (ou du LDL-cholestérol) à celle de rapport cholestérol total/HDL cholestérol en passant par celle des LDL-et HDL-cholestérol et des triglycérides, dans des combinaisons variées. PROCAM est nettement le plus gourmand.
La CRP de haute sensibilité est reconnue par Reynolds comme un facteur de risque significatif. Ce n’est sans doute pas l’effet du hasard si c’est l’un des scores les plus récents, puisque cette information n’est disponible que depuis quelques années.
A noter que Framingham 2008 a eu l’audace de remplacer tous ces index lipidiques par la simple mesure de l’index de masse corporelle (IMC), avec un résultat plutôt flatteur.
L’histoire familiale d’infarctus du myocarde avant l’âge de 60 ans se retrouve dans PROCAM et les scores britanniques et écossais. Ces derniers sont, par contre, les seuls à prendre en compte la précarité socio-économique.
Quelques commentaires généraux :
La nature du risque CV ou coronarien ne semble pas déterminer la sélection des facteurs de risque.
La présence de certains facteurs de risque est indiscutablement liée au caractère récent de certains scores. Il en est ainsi de la CRP pour le score de Reynolds et de la précarité socio-économique pour les scores rapportés au Royaume-Uni.
Il y a coexistence entre les facteurs de risque contrôlables (lipides, TA, cigarettes par exemple) et ceux qui ne le sont pas (âge, sexe, histoire antérieure…). C’est la conséquence logique du fait que le pronostic cardiovasculaire ou coronarien ne dépend pas seulement de la somme des risques individuels, mais aussi de leurs interactions respectives, d’où la nécessité de grouper tous les facteurs de risque, qu’ils soient modifiables ou non.
Les efforts de l’équipe de Framingham en 2008 pour proposer un score clinique sont à saluer, cela d’autant plus que ses qualités sont proches de celui qui inclut certains lipides. Cela ne l’a pas rendu plus populaire auprès de ceux qui distillent leurs recommandations… Pourquoi ?
Après les discordances observées parmi les types de scores de risque proposés et le nombre et la nature des facteurs de risque impliqués, voici maintenant le dernier problème auquel nous sommes confrontés : quelle est la validité de l’utilisation, dans un autre pays, d’un score développé dans un pays donné, avec ses facteurs épidémiologiques particuliers ? Cette question est certainement pertinente. De sa réponse vont découler des applications différentes sur la grandeur des groupes de sujets à impliquer dans un programme de prévention primaire, en particulier médicamenteux. En d’autres termes, suivant que tel ou tel score sur- ou sous-évalue le risque, la fraction de la population à fort risque d’affection CV est susceptible de varier considérablement.
Les quelques indications figurant dans les fiches sur les scores le montrent bien, en particulier si le lecteur se réfère aux données portant sur la discrimination (SSC de la courbe ROC) et surtout sur la calibration, avec, en particulier, un regard sur le rapport Prédit/Observé (P/O). Comme précédemment mentionné, un rapport P/O supérieur à 1 exprime une surévaluation du risque, l’inverse est vrai lorsque le rapport est en dessous de 1. Les scores développés dans des pays où le risque cardiovasculaire est élevé ont donc tendance à donner des résultats trop élevés dans d’autres populations où le risque est moindre. C’est le cas pour les scores de Framingham, comme pour ceux de l’Angleterre et de l’Ecosse, donc de la majorité des scores disponibles. Il est à noter que le score ESC-SCORE a déjà, lors de son développement, proposé deux versions selon les risques épidémiologiques des pays concernés.
Ces considérations ont amené certains investigateurs à essayer de corriger ces défauts potentiels en faisant une recalibration. Il en a été ainsi pour certains scores de Framingham, ainsi que pour PROCAM 2002 et ESC-SCORE. Deux revues disponibles sur internet donnent d’abondants détails sur les rapports P/O mesurés avec différents scores dans divers pays et leur possible correction.4,5
Le principe de la recalibration est simple : il ne remet pas en question les poids respectifs des différents facteurs de risque intervenant dans le score, mais il corrige ce dernier en prenant en compte la fréquence des facteurs de risque et des événements CV de la population du pays concerné et non pas de celle à partir de laquelle le score a été conçu. D’Agostino et coll. ont effectué plusieurs études dans ce sens et, fait d’importance, ont publié les données détaillées qui permettent de reformuler les équations qui sont à la base du score. A titre d’exemple, le score de risque coronarien «dur» de Framingham 2001, recalibré en fonction des éléments épidémiologiques propres à une région de Catalogne,24 attribue un risque de 7% au lieu des 18% proposés originalement (tableau 2).
Il serait souhaitable que, pour la plupart des pays européens, de telles données existent. Souvent, des analyses ont été pratiquées qui apportent des informations sur les rapports P/O, mais qui, hélas, ne débouchent pas sur la publication des facteurs de correction à apporter aux équations impliquées dans le calcul des risques.
Compte tenu des observations et réserves faites tout au long de cet article, il serait bien téméraire de se hasarder à donner des recommandations par trop péremptoires… Le choix existe entre un score (ESC-SCORE) avec peu de facteurs de risque (5, dont 4 cliniques) et une issue précise (la mortalité cardiovasculaire), et le score QRISK-2 avec 15 facteurs de risque pour un risque de morbidité et mortalité CV. Le choix existe aussi entre un score basé uniquement sur des données cliniques (Framingham 2008, sans laboratoire) et d’autres où plusieurs examens de laboratoire sont requis : dans le cas de PROCAM, trois tests portant sur les lipides sont ainsi requis.
Il n’apparaît pas clairement que la complexité d’un score améliore sa qualité, évaluée selon son pouvoir de discrimination (SSC de la courbe ROC). Il est vraisemblable que l’utilisation optimale des données cliniques diminue les coûts liés à la réalisation d’un score sans avoir des conséquences négatives sur ses qualités. La question de la pertinence des issues considérées reste ouverte : la mesure de la seule mortalité (ESC-SCORE), pour précise qu’elle soit, donne-t-elle autant d’informations que l’ensemble des événements mortels et non fatals CV (Framingham 2008) ? Dans ce dernier cas, la possibilité de connaître le détail des événements cardiovasculaires à venir (coronariens, cérébrovasculaires…) apporte indiscutablement un surplus d’informations. Mais sont-elles réellement nécessaires ?
Une longue et sans doute fastidieuse discussion pourrait continuer, qui ne déboucherait pas nécessairement sur des conclusions plus fermes ou mieux établies.
Je donnerai toutefois mes préférences personnelles basées sur les éléments suivants :
La diffusion d’un score.
La simplicité de sa réalisation.
Son caractère économique.
Sa réponse aux exigences de qualité.
Son caractère informatif.
En ce qui me concerne, ESC-SCORE (risque de mortalité cardiovasculaire), Framingham 2001 (voire PROCAM 2007 (risque coronarien global) et Framingham 2008 (risque cardiovasculaire global)) me semblent répondre, en tout cas partiellement, à ces critères.
Il s’ajoute cependant les exigences suivantes :
Recalibration des scores pour la population concernée, si elle n’existe pas, et publication des données pertinentes en rapport avec l’équation qui s’y rapporte.
Comparaison systématique avec le score Framingham 2008 «clinique», c’est-à-dire sans examens de laboratoire, afin de mettre à disposition des médecins de premier recours et des patients eux-mêmes un outil adéquatement validé.
Les sociétés dites savantes feraient sans doute mieux de s’entendre sur la recommandation du nombre le plus réduit possible de scores sur la base de critères acceptés par tous plutôt que de répandre des RPC tous azimuts. Elles devraient stimuler les études permettant de recalibrer les scores de risque retenus en fonction des caractéristiques populationnelles spécifiques.
Ce site (www.medhyg.ch/scoredoc/scores_cardiovasculaires) comprend :
Les différents chapitres, partiellement réarrangés, de cet article.
Les fiches détaillées portant sur dix scores de risque CV/coronarien.
La présentation de tous les scores discutés, sous forme directement utilisable par le corps médical, avec commentaire et référence Pubmed. Font exception : QRISK2, en raison de la non-publication des données y relatives, et PROCAM 2002 que PROCAM 2007 devrait avantageusement remplacer. Chaque score est téléchargeable.
Un calcul comparatif des résultats des scores de risque présentés.
Un calcul comparatif des résultats des scores coronariens globaux ou coronariens «durs» (avec inclusion de la recalibration du score Framingham 2001 pour la région méditerranéenne) ou CV.
A défaut de donner la solution miracle, ce dossier internet fournit un éventail très large des informations fournies par la plupart des scores majeurs de risque CV.
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