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ISO 690 Nau, J., Cancer du sein : imposer le dépistage organisé ?, Rev Med Suisse, 2012/328 (Vol.8), p. 388–389. DOI: 10.53738/REVMED.2012.8.328.0388 URL: https://www.revmed.ch/revue-medicale-suisse/2012/revue-medicale-suisse-328/cancer-du-sein-imposer-le-depistage-organise
MLA Nau, J. Cancer du sein : imposer le dépistage organisé ?, Rev Med Suisse, Vol. 8, no. 328, 2012, pp. 388–389.
APA Nau, J. (2012), Cancer du sein : imposer le dépistage organisé ?, Rev Med Suisse, 8, no. 328, 388–389. https://doi.org/10.53738/REVMED.2012.8.328.0388
NLM Nau, J.Cancer du sein : imposer le dépistage organisé ?. Rev Med Suisse. 2012; 8 (328): 388–389.
DOI https://doi.org/10.53738/REVMED.2012.8.328.0388
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Avancée thérapeutique
15 février 2012

Cancer du sein : imposer le dépistage organisé ?

DOI: 10.53738/REVMED.2012.8.328.0388

En matière de dépistage il faut souvent lutter contre les idées reçues. A commencer par celle qui veut que dépister plus c’est obligatoirement dépister mieux. On peut également être tenté de croire qu’un dépistage individuel a des vertus que ne peut avoir une entreprise collective. C’est là un sujet de nature à alimenter de riches discussions médicales et économiques. Et au-delà de son aspect technique, il n’est pas très éloigné de la sphère politique, du moins dans ce qu’elle peut avoir de moins régressif. Encore faut-il disposer de données chiffrées suffisamment robustes. C’est le cas en France où l’on a développé une stratégie collective de dépistage du cancer du sein. Un sujet majeur de santé publique sur lequel la Haute autorité (française) de santé (HAS) vient de publier une synthèse actualisée. Résumons les termes de cette bien dérangeante équation.

Depuis 2004, la France a mis en place un dépistage organisé du cancer du sein. Il s’agit en pratique de permettre à toutes les femmes de 50 à 74 ans d’accéder à une prise en charge thérapeutique à la fois précoce et de qualité. Point notable : ce dispositif national coexiste avec un dépistage individuel. Autre donnée qui ne peut manquer de soulever des interrogations : le dépistage organisé ne bénéficie, huit ans après son lancement, qu’à la moitié des femmes concernées. C’est sur la base de ce constat que la HAS vient, à la demande du ministère français de la Santé, de formuler un certain nombre de recommandations visant à améliorer cette situation.

On recense chaque année en France un peu plus de 50 000 nouveaux cas de cancer du sein (52 588 en 2010) ce qui en fait le cancer le plus fréquent chez la femme. Dans le même temps, on comptabilise plus de 10 000 morts prématurées dues à cette affection (11 605 en 2008), soit la première cause de mortalité par cancer chez la femme. En 2004, on a estimé à 3,2 milliards d’euros la somme des coûts cumulés dus à ce cancer. Le coût total du dépistage organisé a été de 216,3 millions d’euros en 2008 dont 211,1 millions ont été assumés par l’assurance-maladie. En d’autres termes, la collectivité a dépensé 13 510 euros par cancer dépisté. Le coût total annuel du dépistage individuel est de 37,6 millions d’euros, dont 24,4 millions pour l’assurance-maladie. La HAS ne précise pas dans sa synthèse le nombre de cancers individuellement dépistés et les coûts unitaires de ce dépistage. Il semble qu’elle ne le puisse pas. Et c’est bien dommage : une mammographie sur dix de toutes celles effectuées chez les femmes de 50 à 74 ans est pratiquée dans ce cadre individuel.

Le programme du dépistage organisé précise les modalités optimales (examens, fréquence, âge, etc.). Il comprend un système d’assurance qualité et un recueil systématique et centralisé des données. Concrètement, toutes les femmes sont invitées par courrier, tous les deux ans, à pratiquer une mammographie bilatérale des seins dans le cabinet de radiologie de leur choix. Si la mammographie est anormale ou positive, le radiologue réalise un bilan complémentaire immédiat. En revanche, lorsque le résultat apparaît normal, une seconde lecture des clichés par un autre radiologue est systématiquement réalisée. L’organisation du programme est décentralisée au niveau départemental et fondée sur une collaboration avec les radiologues libéraux qui appliquent le cahier des charges national. Bien évidemment la participation reste volontaire.

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Le dépistage individuel se pratique quant à lui à la demande du médecin traitant (le plus souvent le médecin généraliste) ou du gynécologue, voire à l’initiative de la femme. Comme tout examen radiologique, les mammographies font l’objet de référentiels et d’une évaluation des pratiques professionnelles. Les mammographes utilisés sont régulièrement contrôlés. Pour autant, ces examens se pratiquent en dehors de tout cadre contractuel. Ce dépistage n’est donc pas soumis à un cahier des charges décrivant la procédure à suivre et les examens complémentaires à pratiquer. Il ne bénéficie pas non plus d’un suivi centralisé concernant sa qualité et ses résultats (notamment le nombre de cancers dépistés). Par ailleurs, la seconde lecture systématique des clichés jugés normaux n’est pas prévue.

Ainsi le constat apparaît-il clairement. Dans le rapport qu’elle vient de publier,1 la HAS fournit un ensemble de données qui ne devraient plus – en théorie – laisser de place au dépistage individuel. Comment ne pas faire savoir et rappeler aux femmes concernées que le dépistage organisé présente de substantielles garanties qui lui sont spécifiques : seconde lecture des mammographies qui identifie 9% des cancers, soit environ 1300 cancers chaque année (combien ne le sont pas dans le dépistage individuel ?) ; agrément et formation continue spécifique des radiologues ; égal accès au dépistage pour toutes les femmes, garanti par le système d’invitation systématique ; assurance qualité et le suivi des résultats.

Par ailleurs, la HAS relève que le dépistage individuel s’accompagne fréquemment d’échographies «en excès» susceptibles de générer des surdiagnostics, voire des sur-traitements. Les femmes qui ont recours au dépistage individuel ont actuellement un reste à charge d’environ 30% sur le tarif de la mammographie. S’y ajoutent de fréquents dépassements d’honoraires. A l’opposé, le dépistage organisé permet aux femmes d’améliorer leur prise en charge puisque la mammographie est alors remboursée à 100% sans aucun dépassement d’honoraires. De plus, dans le cas particulier des femmes les plus à risque de développer un cancer du sein, l’assurance-maladie prévoit la possibilité d’une prise en charge à 100% du dépistage quel que soit l’âge de la femme.

Il n’en reste pas moins que malgré une nette augmentation depuis 2004, la participation reste très inférieure à l’objectif cible de 80% au niveau national et qu’elle varie très fortement selon les départements. Environ 4,3 millions de femmes de 50 à 74 ans sont concernées par ce dépistage mais 52% seulement d’entre elles en bénéficient. La HAS plaide pour que le dépistage organisé devienne progressivement la modalité unique de dépistage. Mais elle ne recommande pas le déremboursement des mammographies réalisées dans le cadre du dépistage individuel. Pourquoi ? Pour éviter une démobilisation des femmes.

L’argument ne manquera pas de surprendre. Elle propose plutôt «la mise en œuvre de mesures incitatives fortes en faveur du dépistage organisé auprès des femmes et des professionnels de santé». Une proposition également surprenante. Pourquoi l’incitation de préférence à la contrainte éclairée ? Cette institution a encore cette formule alambiquée : «La HAS ne recommande pas dès aujourd’hui le déremboursement de la mammographie de dépistage individuel, dans la mesure où l’ensemble des recommandations qu’elle formule devraient à elles seules permettre de favoriser le recours au dépistage organisé, tout en limitant les pratiques de diagnostic individuel après 50 ans.»

Parmi les recommandations figure le projet d’associer étroitement les généralistes et les gynécologues aux étapes d’invitation et de suivi des résultats du dépistage. Figure aussi la nécessité d’«informer les femmes de la qualité supérieure du dépistage organisé». Où il est ainsi démontré qu’un projet ambitieux, équitable et réaliste peut être perverti soit par manque de volonté politico-administrative, soit par simple souci de préserver quelques prébendes et rentes individuelles de positions dominantes. Soit par les deux.

Auteurs

Jean-Yves Nau

jeanyves.nau@gmail.com

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