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ISO 690 | Nau, J., Autisme et antibiotiques : l’affaire Montagnier (2), Rev Med Suisse, 2012/336 (Vol.8), p. 822–823. DOI: 10.53738/REVMED.2012.8.336.0822 URL: https://www.revmed.ch/revue-medicale-suisse/2012/revue-medicale-suisse-336/autisme-et-antibiotiques-l-affaire-montagnier-2 |
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MLA | Nau, J. Autisme et antibiotiques : l’affaire Montagnier (2), Rev Med Suisse, Vol. 8, no. 336, 2012, pp. 822–823. |
APA | Nau, J. (2012), Autisme et antibiotiques : l’affaire Montagnier (2), Rev Med Suisse, 8, no. 336, 822–823. https://doi.org/10.53738/REVMED.2012.8.336.0822 |
NLM | Nau, J.Autisme et antibiotiques : l’affaire Montagnier (2). Rev Med Suisse. 2012; 8 (336): 822–823. |
DOI | https://doi.org/10.53738/REVMED.2012.8.336.0822 |
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Colauréat du prix Nobel 2008 de médecine pour avoir dirigé la découverte du VIH, le Pr Luc Montagnier estime aujourd’hui que des médicaments antibiotiques seraient efficaces contre l’autisme. En France, l’affaire suscite une certaine émotion dans les milieux médicaux et associatifs spécialisés (Rev Med Suisse 2012;8:772-3). Après quelques atermoiements, l’Académie nationale de médecine a réagi sous la forme d’un communiqué peu habituel (signe d’un profond embarras) daté du 26 mars. En voici le contenu :
«Lors de la séance du mardi 20 mars 2012, le Pr Luc Montagnier, Prix Nobel de médecine et membre de l’Académie, a présenté une conférence intitulée "Recherche sur l’autisme : la piste microbienne". Il a été écouté avec l’intérêt que l’on doit à la parole d’un chercheur prestigieux. Cependant, la méthode utilisée et les résultats annoncés demandent à être accueillis avec prudence. Il serait déraisonnable de donner aux parents d’enfants atteints de cette maladie des espoirs injustifiés avant une validation de ces résultats par plusieurs équipes médicales faisant la preuve de leur reproductibilité.
Comme le Pr Gilbert Lelord du CHU de Tours, pionnier de la prise en charge de l’autisme, l’a fait remarquer à la suite de l’exposé, il s’agit d’observations cliniques isolées et non d’un essai clinique de type cas-témoin. Il a par ailleurs rappelé que l’antibiothérapie à haute dose proposée par le Pr Montagnier n’est pas la première tentative de traitement de l’autisme par voie médicamenteuse. (…) L’Académie nationale de médecine tient à rappeler que le contenu des conférences invitées est sous la seule responsabilité du présentateur.»
Fermez le ban, en somme. Ce serait compter sans tous les commentaires qui fleurissent ici et là. Le buzz – puisqu’il faut l’appeler par son nom – fait son miel sur la Toile. Bien évidemment, certains se moquent de Luc Montagnier, ce qui ne manquera pas de flatter une part de son ego. Certains louent son courage ou sa clairvoyance. D’autres s’apitoient (feignent de s’apitoyer) devant les effets d’un âge devenu grand : 82 ans. On se range dans un camp ou dans un autre : celui de la raison pure ou celui du romantisme médical et scientifique incompris. Pour un peu on en viendrait à l’esprit de finesse et à celui de géométrie.
Reste une voie, laïque et contemporaine ; elle pourrait aussi être qualifiée d’éclairée si l’on ne redoutait d’être mal compris. C’est par exemple celle que défend Antoine Flahault, esprit curieux, spécialiste passionné de santé publique et féru d’épidémiologie. Il rappelle cette maxime d’un certain Archibald Leman Cochrane (1909-1988). Britannique suffisamment raffiné pour s’être intéressé à Karl Marx et Sigmund Freud, cet humaniste qui soutenait qu’il est plus éthique de mener des expérimentations chez l’homme plutôt que de continuer à administrer des traitements non prouvés.
«Il n’y a aucune preuve que les antibiotiques marchent dans l’autisme, donc il n’y aurait a priori aucune perte de chance pour les patients sous placebo qui seraient inclus dans un essai, observe le Pr Flahault. La seule base rationnelle pour envisager un essai évaluant les antibiotiques dans l’autisme réside dans l’hypothèse énoncée par Luc Montagnier (je n’ai cependant pas assisté à la séance à l’Académie de Médecine et ne sais pas s’il a présenté des données, même préliminaires, soutenant son hypothèse). L’énoncé de cette hypothèse est clair et semble facile à tester. Elle n’exclut en rien de poursuivre, si un essai randomisé devait être entrepris, les "traitements usuels" chez les patients inclus dans les différents groupes.»
Antoine Flahault ajoute aussitôt qu’il faudrait bien évidemment peser, au regard du bénéfice espéré, le risque potentiel du traitement antibiotique chez ces enfants. Il observe que l’on a longtemps traité l’acné juvénile par des cures prolongées d’antibiotiques (sans beaucoup de preuves préalables) et que le traitement de la tuberculose utilise des doses importantes d’antibiotiques prescrits pendant de longues périodes, avec une expérience accumulée à différents âges de la vie. Rien n’est donc a priori inenvisageable en la matière.
«Une approche épidémiologique préalable serait d’étudier si les enfants traités pour d’autres raisons par des antibiotiques sont moins souvent que les autres atteints de troubles autistiques, suggère-t-il. Il existe dans le monde des bases de données qui permettraient de répondre rapidement à cette question sans avoir à conduire d’expérimentation. Cela ne constituerait bien sûr pas un niveau de preuve suffisant pour autoriser la prescription d’antibiotiques chez les jeunes enfants autistes, mais cela renforcerait indéniablement, si la réponse était positive, l’hypothèse de Luc Montagnier.»
Pour Antoine Flahault, la doctrine scientifique classique doit être ouverte à l’innovation et à la créativité ; et une hypothèse ne doit être rejetée que lorsqu’on a des arguments scientifiques pour le faire. On peut le dire autrement : affirmer qu’un chercheur est farfelu ne signifie pas pour autant que son hypothèse ne mérite pas d’être évaluée. «La pénicilline, découverte en 1928 par Alexander Fleming, n’a été utilisée pour la première fois comme antibiotique que dix ans plus tard (1939), et vaudra le prix Nobel de médecine aux trois codécouvreurs : celui de la molécule et ceux de son indication thérapeutique (Florey et Chain), en 1945. Une extension d’AMM aux antibiotiques dans une indication comme l’autisme nécessiterait trois essais randomisés convaincants. On n’y est certes pas encore ! A-t-on en revanche assisté au départ de la course vers un second prix Nobel ? Pourquoi pas !»
En écho, on citera ici les propos de Franck Ramus, directeur de recherche au CNRS (Laboratoire de sciences cognitives et psycholinguistique, Ecole normale supérieure, Paris). «L’hypothèse est-elle plausible ? En tout cas, il n’y a aucune raison de la balayer d’un revers de main, en la considérant comme ridicule ou incompatible avec les connaissances déjà acquises sur l’autisme, affirme-t-il sur son blog.1 Il est déjà avéré que les causes de l’autisme sont multiples et hétérogènes (à la fois au sein des facteurs génétiques et environnementaux). Il y a à la fois des causes multiples au sein de chaque individu, et des causes différentes entre individus. Le fait qu’une attaque bactérienne puisse faire dérailler le développement du cerveau, c’est déjà connu par ailleurs, donc l’hypothèse que cela puisse contribuer à l’autisme n’est pas absurde. Il est donc parfaitement légitime que cette hypothèse fasse l’objet de recherches.»
(A suivre)
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