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ISO 690 Héritier, F., Avanzi, M., P., Nicod, L., Poumons et plongée subaquatique, Rev Med Suisse, 2014/451 (Vol.10), p. 2182–2189. DOI: 10.53738/REVMED.2014.10.451.2182 URL: https://www.revmed.ch/revue-medicale-suisse/2014/revue-medicale-suisse-451/poumons-et-plongee-subaquatique
MLA Héritier, F., et al. Poumons et plongée subaquatique, Rev Med Suisse, Vol. 10, no. 451, 2014, pp. 2182–2189.
APA Héritier, F., Avanzi, M., P., Nicod, L. (2014), Poumons et plongée subaquatique, Rev Med Suisse, 10, no. 451, 2182–2189. https://doi.org/10.53738/REVMED.2014.10.451.2182
NLM Héritier, F., et al.Poumons et plongée subaquatique. Rev Med Suisse. 2014; 10 (451): 2182–2189.
DOI https://doi.org/10.53738/REVMED.2014.10.451.2182
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articles thématiques : pneumologie
19 novembre 2014

Poumons et plongée subaquatique

DOI: 10.53738/REVMED.2014.10.451.2182

Whilst underwater, the body is submitted to significant variations of the surrounding pressure according to the depth. These conditions modify the hemodynamic and the ventilatory mechanics considerably. Some repercussions, like pulmonary barotrauma, are related to simple physical phenomena. Others, like decompression sickness, are due to more complex processes. Breath-hold diving disrupts haematosis and can be complicated by alveolar haemorrhage and loss of consciousness. Acute pulmonary oedema during scuba-diving, breath-hold diving and swimming has been reported more recently. In case of pulmonary disorders scuba-diving is contraindicated most of the time. It is therefore highly recommended to seek medical advice to prevent problems.

Résumé

En immersion et en fonction de la profondeur, l’organisme est soumis à d’importantes variations de la pression environnante. Ces conditions modifient considérablement l’hémodynamique et la mécanique ventilatoire. Certaines répercussions pulmonaires, comme les barotraumatismes, s’expliquent par des phénomènes physiques simples. D’autres, comme la maladie de décompression, font appel à des processus plus complexes. La plongée en apnée perturbe l’hématose et peut se compliquer d’hémorragies alvéolaires et de syncopes. L’œdème pulmonaire d’immersion, de description plus récente, touche aussi bien le plongeur avec scaphandre autonome ou en apnée que le nageur. Les pathologies respiratoires contre-indiquent le plus souvent la pratique de la plongée avec scaphandre autonome. A titre préventif, une visite médicale est fortement recommandée.

Introduction

Alors que la plongée en apnée est pratiquée par certains peuples depuis l’antiquité, l’intérêt pour la plongée avec bouteilles (scaphandre autonome) s’est développé dans les années soixante. Le grand public découvrait alors les merveilles sous-marines grâce au film «Le Monde du Silence» de Jacques-Yves Cousteau et Louis Malle. Pour les plongeurs, il s’agissait d’une époque pionnière, où l’équipement était rudimentaire et les connaissances scientifiques très lacunaires.

De nos jours, la plongée de loisir est pratiquée par un large public, comprenant des enfants et des personnes âgées. Le médecin de famille peut être sollicité pour délivrer un certificat d’absence de contre-indication ; selon les candidats, cette évaluation peut s’avérer délicate.

Cet article rappelle d’abord les bases physiques et physiologiques qui régissent l’environnement hyperbare. Il aborde ensuite les barotraumatismes pulmonaires, la maladie de décompression, la plongée en apnée et l’œdème pulmonaire d’immersion. Finalement, il renseigne sur les contre-indications pulmonaires à la pratique de la plongée avec scaphandre autonome.

Bases physiques et physiologiques

Au niveau de la mer, la pression atmosphérique moyenne est de 1 bar. Dans l’eau, la pression varie d’environ 1 bar par 10 mètres de profondeur. Immergé à 10 mètres, le plongeur évolue à une pression ambiante de 2 bars, correspondant à la somme de la pression atmosphérique et de la pression hydrostatique. La pression ambiante vaut 3 bars à 20 mètres de profondeur, 4 bars à 30 mètres, et ainsi de suite (tableau 1 et figure 1).

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Tableau 1.

Tableau de conversion des principales unités de pression utilisées en médecine

Figure 1.

Variation de la pression, du volume et de la masse volumique de l’air en fonction de la profondeur

Contrairement aux poumons d’un apnéiste, ceux d’un plongeur équipé d’un scaphandre autonome ne subissent pas de variation de volume.

Selon la loi de Boyle-Mariotte, le volume d’un gaz varie, à température constante, inversement à la pression (formule mathématique : p1V1 = p2V2 = constante). Cette propriété des gaz a des conséquences différentes pour le plongeur en apnée ou équipé d’un scaphandre autonome. Lors d’une plongée en apnée à une profondeur de 10 mètres (2 bars), le volume initial des poumons est réduit de moitié, pour retrouver son volume de départ lors du retour en surface. Avec un scaphandre autonome, le thorax ne subit pas de compression, car la pression et la masse volumique des gaz délivrés par le détendeur augmentent de façon proportionnelle à la profondeur. Lors de la remontée, pour que la pression intrapulmonaire reste en équilibre avec la pression ambiante, le volume de gaz en excès par dilatation doit être évacué par la respiration.

La pression totale d’un mélange de gaz vaut la somme des pressions partielles de chacun de ses composants (loi de Dalton). Lors d’une plongée avec scaphandre autonome, en respirant de l’air à une profondeur de 30 mètres (4 bars), la pression partielle de l’oxygène inhalé est, en simplifiant, de 0,8 bar (4 bars x 0,2) et celle de l’azote de 3,2 bars (4 bars x 0,8). Ces notions sont primordiales dans la compréhension de la saturation et de la désaturation des tissus puisque la quantité de gaz dissous dans un liquide est proportionnelle à sa pression partielle (loi de Henry).

Des modifications significatives de l’hémodynamique et de la mécanique ventilatoire surviennent déjà lors de l’immersion de sujets en position verticale, tête hors de l’eau et en respiration spontanée. Dans ces conditions, l’effet de la pression hydrostatique sur le corps peut être comparé à celui produit par une contention élastique ou pneumatique (exemple : pantalon antichoc ou anti-G). Le retour veineux est favorisé, ce qui provoque un transfert intrathoracique de sang. La pression auriculaire droite augmente significativement, ainsi que le débit cardiaque (environ 30%).1 Compte tenu de la compression de l’abdomen, le diaphragme, à la fin d’une expiration spontanée, est refoulé dans le thorax. La capacité vitale diminue d’environ 8% et l’effort ventilatoire augmente.2

La masse volumique de l’air en surface vaut 1,3 kg/m3. Cette valeur augmente de façon proportionnelle à la pression. A 60 mètres de profondeur (7 bars), elle est de 9,1 kg/m3. En conséquence, les résistances des voies aériennes augmentent, alors que les débits expiratoires et la ventilation maximale diminuent.3 Lors d’une plongée, en respirant de l’air à une profondeur de 60 mètres, le volume expiré maximum/seconde (VEMS) diminue d’environ 25% et la ventilation maximale de plus de 50%. En cas d’effort, cela peut conduire à une rétention de gaz carbonique.4 Pour maintenir le confort de la respiration et prévenir un essoufflement, de l’hélium, dont la masse volumique est sept fois moindre que celle de l’azote, est utilement introduit dans le mélange respiratoire à partir de 50-60 mètres. Comme autre avantage, l’hélium, très inerte sur le plan biochimique, ne provoque pas d’effet comparable à la narcose à l’azote.

Barotraumatisme du poumon et embolie gazeuse

Si un plongeur avec scaphandre autonome remonte glotte fermée, ou que toute autre circonstance induit un piégeage de gaz dans les poumons, l’augmentation du volume gazeux pulmonaire par dilatation ne peut pas être évacuée. Dans ces conditions (surpression pulmonaire ou burst lung), les alvéoles sont distendues, voire lésées lorsque leur limite d’élasticité est dépassée. En traversant leurs parois, du gaz est susceptible de gagner l’interstice pulmonaire, puis le médiastin, le péricarde, l’espace pleural, l’abdomen, les tissus du cou, les veines pulmonaires. Les pathologies consécutives, présentes de façon isolée ou en combinaison, sont des hémorragies alvéolaires, un emphysème interstitiel, un pneumomédiastin, un pneumopéricarde, un pneumothorax, un pneumopéritoine, un emphysème sous-cutané et des embolies gazeuses systémiques (figure 2).5

Figure 2.

CT thoracique d’un plongeur suite à une remontée en catastrophe d’une profondeur de 25 mètres

On y observe un pneumothorax bilatéral (1), un pneumomédiastin (2) et de l’emphysème sous-cutané (3).

Les barotraumatismes pulmonaires sont favorisés par la remontée en catastrophe (panique, panne d’air), par une erreur technique (gonflage intempestif du gilet de stabilisation, apnée volontaire au cours de la remontée), par certains exercices (remontée avec l’embout du détendeur hors de la bouche), par une entrave à l’écoulement gazeux au niveau des voies aériennes (asthme, bronchopneumopathie chronique obstructive, bronchiolite, tumeur) ou par des anomalies du parenchyme (bulle d’emphysème, kystes). Compte tenu de la grande variation relative de la pression hydrostatique dans la zone des premiers dix mètres de profondeur, un barotraumatisme grave peut survenir même lors d’une plongée peu profonde, telle une initiation en piscine.

Maladie de décompression

Lors d’une plongée à l’air avec scaphandre autonome, la pression partielle de l’azote inspiré augmente proportionnellement à la profondeur. Cela induit, pour ce gaz, un gradient de pression partielle positif des alvéoles au sang, et de là vers les tissus. En fonction de ce gradient, de la durée, du taux de perfusion et de la solubilité de l’azote dans un tissu donné, ce dernier se sature progressivement, selon une courbe qui lui est propre. Le processus inverse (désaturation ou décompression) survient au cours de la remontée (figures 3 et 4).

Figure 3.

Saturation et désaturation de l’azote dans les tissus

(Tirée de : Plonger en sécurité. Paris : Editions Gründ, 2000 (avec permission des auteurs).

A. Lorsque la pression de l’air respiré augmente, de l’azote diffuse et se dissout dans l’organisme. On parle de saturation à l’azote ; cette dernière se fait à des vitesses différentes selon les tissus.

B. Lorsque la pression de l’air respiré diminue, l’azote dissous en excès dans l’organisme est évacué par les poumons à travers la circulation. On parle de désaturation ; cette dernière se fait à des vitesses différentes selon les tissus.

Figure 4.

Courbes théoriques de saturation des tissus

(Tirée de : Plonger en sécurité. Paris : Editions Gründ, 2000 (avec permission des auteurs)).

Chaque tissu de l’organisme a sa propre vitesse de saturation et de désaturation à l’azote. Les courbes de ce graphique sont théoriques.

Malgré le respect des procédures (vitesse de remontée, paliers de décompression), l’élimination de l’azote pendant la désaturation s’accompagne souvent de bulles circulantes dans le réseau veineux, éliminées ensuite par les poumons. Au-delà d’un certain seuil, la capacité d’élimination du réseau capillaire pulmonaire est dépassée et des embolies gazeuses artérielles peuvent être détectées.6 Ce phénomène est favorisé par l’existence d’un shunt droit-gauche, par exemple relatif à un foramen ovale perméable.7,8

Un certain nombre de bulles circulantes (qualifiées de silencieuses) est toléré par l’organisme. La notion de bulles circulantes n’est donc pas directement synonyme de maladie de décompression ; le risque de développer une telle atteinte augmente toutefois avec leur nombre. Par ailleurs, des bulles extravasculaires sont susceptibles de se développer directement dans les tissus (autochthonous bubbles), par exemple au niveau de la substance blanche de la moelle épinière.

Les effets délétères des bulles s’expliquent par leurs actions mécanique (obstruction d’artères, de veines ou de lymphatiques ; dilacération tissulaire) et biochimique (lésion de l’endothélium avec extravasation de plasma et hémoconcentration, agrégation de plaquettes et de leucocytes, mise en route des phénomènes inflammatoires).9

Cliniquement, la maladie de décompression peut se manifester par des atteintes mineures comme des éruptions cutanées, des douleurs articulaires ou un lymphœdème. Des symptômes et des signes neurologiques secondaires à des lésions de la moelle épinière prédominent dans les formes graves.9,10 L’atteinte pulmonaire est une manifestation rare de la maladie de décompression. Lors d’un stress de décompression sévère, les nombreuses bulles circulantes provoquent une oblitération ainsi que des lésions endothéliales de la microcirculation artérielle pulmonaire. Les répercussions aiguës comprennent une hypertension artérielle pulmonaire, une hypotension systémique, une hypoxémie, une hémoconcentration et un œdème pulmonaire non cardiogène.11

Des informations complémentaires destinées aux plongeurs sur la prévention de la maladie de décompression sont disponibles en ligne (www.plonger-en-securite.com).12

Plongée en apnée

De tout temps, la plongée en apnée a été pratiquée par l’homme, historiquement à la recherche de nacre, de nourriture, d’éponges ou à des fins guerrières.13 Actuellement, en tant qu’activité sportive, elle se décline en diverses modalités (tableau 2). Compte tenu des contraintes sur l’organisme inhérentes aux variations de la pression hydrostatique et des perturbations de l’hématose (hypoxémie, hypercapnie), des accidents graves, voire mortels, surviennent (barotraumatisme pulmonaire de la descente et de la remontée, syncope ou breathhold black-out, noyade, œdème pulmonaire d’immersion). Pour les prévenir, une formation spécifique ainsi que le respect des règles de sécurité sont indispensables.13,14

Tableau 2.

Les différentes disciplines de la plongée en apnée

Une plongée en apnée débute habituellement après une inspiration profonde, à un volume proche de la capacité pulmonaire totale (CPT). Ce volume diminue progressivement au cours de la descente, jusqu’au volume résiduel, qui est atteint, selon l’âge et la morphologie des individus, aux environs de 30 mètres (limite théorique de profondeur). Dans cette zone, la pression intrathoracique reste globalement en équilibre avec la pression ambiante. Plus profond et sans mécanisme adaptatif, la pression dans les poumons devient inférieure à la pression ambiante. Cette condition de dépression dans les alvéoles provoque la congestion et l’augmentation de la pression transmurale des capillaires pulmonaires. Il existe dès lors un risque avéré d’œdème hydrostatique, voire, en cas de lésion de stress de la membrane alvéolocapillaire, d’hémorragies alvéolaires.15 La survenue de ce barotraumatisme (lung squeeze) est également favorisée par des contractions diaphragmatiques volontaires ou une activité musculaire respiratoire involontaire en cours d’apnée, qui accentuent la dépression intrathoracique.

La tolérance de plongeurs entraînés à des profondeurs dépassant largement la limite théorique s’explique par différents mécanismes qui comprennent la déformation du diaphragme en direction céphalique et un transfert de sang veineux dans le thorax (blood shift) susceptible de dépasser un litre. Des exercices spécifiques visent également à optimiser la souplesse de la cage thoracique et du diaphragme.14

Une technique complémentaire de respiration glossopharyngée, dite de la carpe ou lung packing, permet d’augmenter la masse initiale de gaz intrathoracique ainsi que la CPT. Après une inspiration maximale, le sujet ferme volontairement sa glotte et aspire un peu d’air dans sa bouche au travers de ses lèvres pincées. Il l’insuffle ensuite dans la trachée en utilisant comme piston la base de la langue, qui agit en conjonction avec les muscles pharyngés. Pour ne pas déglutir cet air sous pression, une brève ouverture coordonnée de la glotte est nécessaire. Cette manœuvre, initialement enseignée à des patients souffrant d’une faiblesse des muscles respiratoires (poliomyélite), est répétée à plusieurs reprises.14,15 Le volume d’air auto-insufflé maximal varie d’un sujet à l’autre. Chez un apnéiste d’élite, il peut atteindre quatre litres.

Compte tenu des limites de compliance de la cage thoracique et du diaphragme, l’augmentation consécutive de la pression intrathoracique est susceptible de dépasser 100 cmH2O, soit environ 0,1 bar (pour comparaison, en ventilation mécanique, la pression de plateau maximale souhaitée est inférieure à 30 cmH2O). La technique de la carpe n’est pas sans danger ; effectuée en excès, elle favorise la survenue d’un barotraumatisme pulmonaire, en surface ainsi que lors de la remontée.16 Par ailleurs, cette manœuvre est susceptible d’accentuer les variations hémodynamiques, déjà présentes lors d’une apnée standard à faible profondeur, et d’augmenter ainsi le risque de syncope.17,18

Un plongeur dont la CPT est de 7 l et le volume résiduel de 1,4 l (pour cet exemple, 20% de la CPT) atteindrait sa profondeur maximale théorique aux environs de 40 mètres. En augmentant par la technique de la «carpe» la CPT à 9 l, cette limite théorique serait repoussée à environ 54 mètres.

Lors d’une apnée statique d’une durée prolongée hors de l’eau, compte tenu des combustions liées au métabolisme cellulaire, on observe une diminution progressive de la pression alvéolaire d’oxygène (PaO2). A la fin d’une apnée de quatre minutes, la PaO2 est d’environ 30 mmHg et la pression artérielle d’oxygène peut atteindre la valeur critique de 20 mmHg (en cas de perfusion cérébrale et d’un taux d’hémoglobine normaux, une valeur de pression partielle d’oxygène supérieure à 36 mmHg est retenue, nécessaire au fonctionnement du cerveau).19

En immersion, lors de la descente, la PaO2 augmente de façon consécutive à la compression du thorax, ce qui favorise le transfert d’oxygène de l’alvéole au sang. Lors de la remontée, la décompression du thorax et la diminution de la masse d’oxygène intrapulmonaire consécutive à la consommation entraînent une diminution brusque et marquée de la PaO2 et de la pression artérielle d’oxygène. Ces variations, d’autant plus intenses que la surface est proche, conduisent à une hypoxémie aiguë sévère, responsable de syncopes et de noyades.13

L’hyperventilation préalable à une plongée en apnée diminue de manière significative le stock sanguin initial de gaz carbonique et prolonge le temps d’apnée. Cependant, l’hyperventilation ne s’accompagne que d’une augmentation modeste des réserves d’oxygène. Dans ces conditions, la prolongation du temps d’apnée, par le retard d’apparition du stimulus hypercapnique, favorise le développement d’une hypoxémie sévère : le risque de syncope par anoxie augmente. Par conséquent, l’hyperventilation préalable est une technique dangereuse et fortement déconseillée.

Œdème pulmonaire d’immersion

Hormis le lung squeeze de l’apnéiste (voir ci-dessus), un œdème pulmonaire qui survient au cours d’une plongée avec scaphandre autonome ou lors de la natation est connu depuis les années 1980. Dans l’article princeps, un tel problème était décrit chez des individus expérimentés, d’âge moyen, en bonne condition physique préalable et sans comorbidité cardiaque avérée. Il s’agissait de plongées à l’air avec scaphandre autonome, qui se déroulaient en mer froide, sans notion d’effort physique excessif ou de bronchoaspiration.20

La présentation clinique de cette forme particulière d’œdème pulmonaire comprend une dyspnée aiguë ressentie dans l’eau, associée à de la toux, à des expectorations mousseuses, voire sanglantes, ou à tout autre signe d’insuffisance respiratoire. Le décours est habituellement favorable, mais des issues fatales sont rapportées.21 Compte tenu d’un risque de récidive estimé à 30%, la reprise de la plongée (y compris le snorkeling) apparaît déconseillée chez ces personnes. En phase aiguë, le diagnostic différentiel comprend en particulier une noyade, un barotraumatisme, une maladie de décompression, une insuffisance cardiaque, voire, dans certaines mers, une envenimation marine (par exemple, syndrome d’Irukandji secondaire à une piqûre de méduse).

La physiopathologie de l’œdème pulmonaire d’immersion est complexe et, à ce jour, partiellement comprise. Les mécanismes incriminés tiennent compte des effets intriqués de la pression hydrostatique, de l’effort physique, du stress, du froid, d’une augmentation de l’effort ventilatoire, de l’hyperoxie, de probables facteurs individuels (vasoréactivité excessive, hypertension artérielle, prédisposition génétique ?) ou de la prise de médicaments (anticoagulants, antiagrégants plaquettaires). Certaines de ces conditions modifient l’hémodynamique et la mécanique ventilatoire (voir Bases physiques et physiologiques en début d’article). La pré et la postcharge du cœur augmentent ainsi que le débit cardiaque. Certains capillaires sont perfusés en excès et leur pression transmurale augmente au-delà du tolérable. Cela conduit à une transsudation alvéolaire de plasma, voire, en cas de lésions capillaires de stress, à des hémorragies alvéolaires.22

Visite médicale

En Suisse, la plongée avec scaphandre autonome n’est pas réglementée ; chacun peut la pratiquer sous sa propre responsabilité. Une visite médicale est toutefois conseillée dans le but de détecter un problème de santé augmentant le risque d’accident. Par ailleurs, un certificat médical d’aptitude à la plongée (ou mieux, d’absence de contre-indication) peut être exigé par un club, une fédération, ainsi qu’à l’étranger. Ce certificat est fréquemment délivré par le médecin de famille. En cas de doute, ce dernier a la possibilité de se référer auprès d’un collègue formé dans le domaine (liste disponible sur internet : www.suhms.org).

Au niveau pulmonaire, l’absence de contre-indication est vraisemblable lorsque le candidat répond aux conditions suivantes :

  • absence de dyspnée, de toux, d’expectoration, de sifflements ;

  • absence d’antécédents de maladie pulmonaire ou de chirurgie thoracique ;

  • absence de tabagisme ;

  • status respiratoire normal ;

  • spirométrie normale (examen conseillé au moins lors de la première évaluation) ;

  • capacité fonctionnelle à l’effort suffisante (cinq étages d’escaliers à bonne allure, sans s’arrêter).

Dans ces circonstances, une radiographie de thorax n’est pas nécessaire. A l’inverse, en rappelant une sensibilité limitée, un tel examen est proposé en cas de symptômes ou d’antécédents respiratoires ; un CT thoracique est parfois justifié dans des situations particulières (recherche d’un emphysème, d’une pathologie interstitielle…).

Chez un sujet asthmatique, sans réponse univoque dans la littérature, l’évaluation de l’aptitude à pratiquer la plongée avec scaphandre autonome reste d’appréciation difficile. En effet, même en l’absence de symptômes respiratoires ou d’altération fonctionnelle en surface, la survenue inopinée d’un bronchospasme en profondeur ne peut être exclue. Les facteurs déclenchants, susceptibles d’agir isolément ou en association, comprennent la respiration d’un mélange de gaz sec, froid et dense, une hyperventilation secondaire au stress et à l’effort physique, l’inhalation via le détendeur d’un aérosol hypertonique (eau de mer) ou contenant des particules biologiques, potentiellement allergisantes, tels des pollens.23

Une crise d’asthme en plongée est susceptible de provoquer de l’angoisse, voire une attaque de panique, causes possibles d’une noyade. Par ailleurs, la remontée à une vitesse mal contrôlée, ou pire, en catastrophe, est spécialement dangereuse dans ces conditions en raison du risque de barotraumatisme pulmonaire, d’embolie gazeuse cérébrale ou d’accident de décompression (ceci est également vrai pour le camarade de plongée).

Par conséquent, l’asthme sans distinction est resté une contre-indication classique à la pratique de la plongée avec scaphandre autonome jusque dans les années 1990.24 Par la suite, des recommandations plus souples, basées sur l’expérience et des statistiques d’accidents, ont été formulées, avec des divergences d’opinions d’un pays à l’autre.

En Grande-Bretagne par exemple, la plongée est déconseillée aux sujets asthmatiques lorsque l’exercice, l’exposition au froid ou l’émotion déclenchent des sibilances. A l’inverse, une personne asthmatique peut être autorisée à plonger, indépendamment d’un traitement de fond, pour autant que les conditions suivantes soient remplies :

  • absence de symptômes respiratoires ;

  • spirométrie normale ;

  • test de provocation d’asthme à l’effort négatif.

Une contre-indication temporaire à la plongée est retenue en cas de récidive de symptômes nécessitant un traitement de crise (bêta-2-agonistes de courte durée d’action tel le salbutamol ou la terbutaline) dans les 48 h avant l’immersion, ou une diminution des valeurs de Peak Flow, idéalement mesurées deux fois par jour, dépassant de 10% les meilleures valeurs (www.brit-thoracic.org.uk/guidelines-and-quality-standards).25

Un autre algorithme, plus restrictif, nous est proposé par la South Pacific Underwater Medecine Society (www.spums.org.au). De façon résumée, en cas d’asthme bien contrôlé, la pratique de la plongée subaquatique avec scaphandre autonome est possible pour autant que la spirométrie soit normale et qu’un test de provocation bronchique indirect (exercice, hyperpnée volontaire eucapnique, NaCl hypertonique, mannitol) infirme la présence d’une hyperréactivité. Lorsque ce test est positif, compte tenu d’un risque avéré de bronchoconstriction en plongée, le sujet est considéré comme inapte. La situation peut toutefois être revue après un second test de provocation bronchique, effectué suite à une optimisation du traitement de fond. Lorsque l’asthme est partiellement ou non contrôlé et/ou que la spirométrie témoigne d’une obstruction ventilatoire, le certificat médical d’aptitude à la plongée n’est pas délivré.

Les recommandations sur le sujet de la Société suisse de médecine subaquatique et hyperbare sont disponibles en ligne (www.suhms.org).

Les principales pathologies respiratoires susceptibles de contre-indiquer la plongée ou de motiver un bilan spécialisé sont énumérées dans le tableau 3.

Tableau 3.

Principales contre-indications pulmonaires à la pratique de la plongée en scaphandre autonome

Conclusion

La physiopathologie de la plongée est complexe et, à ce jour, peu enseignée dans nos universités. Le médecin traitant est cependant régulièrement sollicité pour délivrer un certificat d’absence de contre-indication.26 Cet article doit l’aider dans cette démarche qui engage sa responsabilité.

Les auteurs n’ont déclaré aucun conflit d’intérêts en relation avec cet article.

Implications pratiques

> Dans l’eau, la pression varie de 1 bar par 10 mètres de profondeur ; cet état modifie considérablement l’hémodynamique et la mécanique ventilatoire

> Faute d’adaptation, les poumons peuvent être lésés par divers mécanismes ; les pathologies consécutives comprennent les barotraumatismes de la descente (apnée) ou de la remontée (scaphandre autonome), la maladie de décompression et l’œdème pulmonaire d’immersion

> La plongée en apnée n’est pas sans danger ; comme pour la plongée avec scaphandre autonome, une formation rigoureuse est nécessaire pour prévenir des accidents graves, voire mortels

> Les pathologies respiratoires contre-indiquent le plus souvent la plongée avec scaphandre autonome. Sous certaines conditions, l’asthme bien contrôlé n’est plus considéré de nos jours comme un obstacle formel

Auteurs

Francis Héritier

Service de pneumologie CHUV
1011 Lausanne et rue de Lausanne 29, 1800 Vevey
drfheritier@bluewin.ch

M. Paul Avanzi

Chemin du Crêt-à-l’Aigle 8
1814 La Tour-de-Peilz
avanzi@sunrise.ch

Laurent Nicod

Clinique Cécil, cabinet médical, Avenue Ruchonnet 53
1003 Lausanne
secretariat.pneumocecil@svmed.ch

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