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ISO 690 | Bauer-Dörries, A., Cupis, S., D., Liaudet, L., Rôle potentiel de la noradrénaline dans la dysfonction immune du sepsis, Rev Med Suisse, 2017/569 (Vol.13), p. 1350–1353. DOI: 10.53738/REVMED.2017.13.569.1350 URL: https://www.revmed.ch/revue-medicale-suisse/2017/revue-medicale-suisse-569/role-potentiel-de-la-noradrenaline-dans-la-dysfonction-immune-du-sepsis |
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MLA | Bauer-Dörries, A., et al. Rôle potentiel de la noradrénaline dans la dysfonction immune du sepsis, Rev Med Suisse, Vol. 13, no. 569, 2017, pp. 1350–1353. |
APA | Bauer-Dörries, A., Cupis, S., D., Liaudet, L. (2017), Rôle potentiel de la noradrénaline dans la dysfonction immune du sepsis, Rev Med Suisse, 13, no. 569, 1350–1353. https://doi.org/10.53738/REVMED.2017.13.569.1350 |
NLM | Bauer-Dörries, A., et al.Rôle potentiel de la noradrénaline dans la dysfonction immune du sepsis. Rev Med Suisse. 2017; 13 (569): 1350–1353. |
DOI | https://doi.org/10.53738/REVMED.2017.13.569.1350 |
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Septic shock may be complicated by a state of immune suppression, with ominous prognosis significance. Although the underlying pathophysiological mechanisms are poorly understood, it is possible that norepinephrine, used to treat circulatory failure during septic shock, plays a significant contributing role. Indeed, besides its hemodynamic effects, norepinephrine exerts multiple immunosuppressive actions, which are primarily mediated by beta-2 adrenergic receptors expressed by immune cells. Furthermore, norepinephrine has the ability to promote the growth of numerous bacteria, and could thereby foster the development of nosocomial infections. Norepinephrine being one of the most prescribed drugs in intensive care medicine, knowledge of these particular immunological effects is essential for the intensive care physicians.
Le choc septique peut se compliquer, à distance de l’épisode aigu, d’un état d’immunosuppression grevé d’une morbi-mortalité élevée. Bien que l’on en ignore les mécanismes physiopathologiques, il est possible que la noradrénaline utilisée dans le traitement de la défaillance circulatoire du choc septique, joue un rôle contributif significatif. En effet, la noradrénaline possède, à côté de ses effets hémodynamiques, de multiples effets immunodépresseurs médiés par des récepteurs bêta-2 adrénergiques exprimés par les cellules immunes. De plus, la noradrénaline a la capacité de stimuler la croissance de la plupart des bactéries, pouvant favoriser la survenue d’infections nosocomiales. La noradrénaline étant l’un des médicaments les plus prescrits en réanimation, il est essentiel que ces effets particuliers soient connus des cliniciens.
Le sepsis est défini comme une « dysfonction d’organes menaçant la vie, consécutive à une réponse inadéquate de l’hôte à une infection ». Le choc septique est présent lorsque s’ajoute une hypotension artérielle nécessitant un soutien vasopresseur, associée à une hyperlactatémie. Il représente la première cause de mortalité en réanimation. Au cours des années récentes, les décès précoces (2 premières semaines) liés au choc circulatoire ont régressé, alors qu’ont augmenté les décès plus tardifs, survenant plusieurs semaines après l’épisode aigu, dont la cause essentielle est une dysrégulation majeure des processus d’immunités innée et adaptative.1 Cette dysrégulation entraîne une immunosuppression au long cours avec complications infectieuses itératives, accompagnée d’un état inflammatoire et catabolique, entrant dans le cadre d’une entité clinique définie par l’acronyme « PICS » (persistent inflammation, immunosuppression, and catabolism syndrome).2 Ainsi, le sepsis n’est plus considéré comme un syndrome d’hyper-inflammation exubérante, mais plutôt comme un syndrome d’immunité protectrice aberrante.
La réponse immune associée au sepsis comporte trois volets : hyperinflammation, réponse anti-inflammatoire, et immunosuppression.
En présence d’un foyer infectieux insuffisamment contenu, l’hôte est exposé à diverses molécules issues des pathogènes, telle l’endotoxine des bactéries Gram négatif, agissant comme signaux de danger reconnus par des récepteurs spécifiques, en particulier les toll-like receptors (TLR) et les NOD like receptors (NLR), qui activent la production de cytokines inflammatoires comme le TNFα et l’IL-1β (tempête cytokinique).3 Cette réponse initiale, nécessaire à l’élimination du pathogène, peut entraîner des dommages collatéraux si elle est insuffisamment contrôlée, avec défaillance circulatoire et dysfonctions d’organes.1 Le contrôle de cet état hyperinflammatoire dépend de l’établissement quasi simultané d’une réponse anti-inflammatoire, caractérisée par la production d’IL-10, de TGFβ, et de médiateurs lipidiques (résolvines, protectines, marésines) par les monocytes, ainsi que par l’activation de cellules immunorégulatrices comme les lymphocytes T régulateurs (Treg) et certaines cellules myéloïdes suppressives (Myeloid-Derived Suppressive Cells, MDSC).1,4 Un équilibre adéquat entre ces deux réponses permet, in fine, la restauration de l’homéostasie immune et la résolution de l’épisode septique.
Pour des raisons non élucidées, certains patients septiques développent un état d’immunosuppression (immunoparalysie) affectant les immunités innée et adaptative,1 responsable d’épisodes infectieux récidivants, incluant des bactéries, des champignons et des virus (CMV, EBV, HSV-1, HHV-6).5 Cet état se caractérise (tableau 1) par la diminution des activités phagocytaires des neutrophiles, la désactivation des monocytes/macrophages, l’apoptose des lymphocytes, une production dysrégulée de cytokines en faveur de cytokines anti-inflammatoires, et l’expansion continue des cellules MDSC. Ces dernières représentent des précurseurs de granulocytes et de monocytes agissant comme de puissants suppresseurs des fonctions des lymphocytes T. Diverses thérapeutiques immunomodulatrices sont en cours d’évaluation pour influer sur cette immunosuppression, et ont fait l’objet de revues récentes.1
Le choc septique nécessite le recours à des agents vasopresseurs, au premier rang desquels les catécholamines. Physiologiquement, celles-ci fonctionnent comme neurotransmetteur (noradrénaline, dopamine), et comme hormones libérées par la glande surrénale (adrénaline, noradrénaline). Leurs actions sont médiées par les récepteurs adrénergiques de types α et β, couplés à des protéines G. L’agent de choix au cours du choc septique est la noradrénaline, au vu de son puissant effet α1 vasoconstricteur. Elle exerce également des effets β1 à faibles doses (inotrope et chronotrope positif) et, à doses plus élevées, des effets β2, responsables de divers effets métaboliques et de la plupart des effets immunologiques détaillés ci-après. L’adrénaline n’est pas utilisée en première intention, en raison d’effets secondaires plus marqués, alors que la dopamine n’est plus recommandée, étant associée à une mortalité plus élevée en comparaison à la noradrénaline.6 En dépit du rôle primordial des catécholamines dans le traitement du choc septique, une stimulation adrénergique prolongée peut être délétère et contribuer aux dysfonctions d’organes. Ces effets délétères sont bien connus au niveau cardiovasculaire,7 alors qu’on méconnaît souvent leurs effets immunologiques, qui pourraient grandement contribuer à l’immunodépression du sepsis, et qui sont passés en revue dans la suite de cet article.
La plupart des cellules immunes possèdent des récepteurs adrénergiques (essentiellement β2) et sont influencées par les catécholamines circulantes, ainsi que par l’innervation sympathique très riche des organes lymphoïdes (ganglions, rate, moelle osseuse, thymus). En outre, les cellules immunes produisent de grandes quantités de catécholamines lorsqu’elles sont stimulées, entraînant des phénomènes d’autorégulation autocrine et paracrine de la réponse inflammatoire.8 Au niveau cellulaire, les principaux effets des catécholamines sont décrits ci-après et résumés dans la figure 1.
De nombreuses études in vitro ont démontré l’effet suppresseur de la noradrénaline et autres agonistes β-adrénergiques sur l’immunité innée (réponse immune immédiate, non spécifique), notamment sur la production de cytokines inflammatoires par des monocytes murins et humains, telles que le TNFα, l’IL-1β et l’IL-6.9 De même, il a été montré que l’incubation de sang humain en présence de noradrénaline supprimait la production de TNFα et d’IL-6 par les cellules mononucléées en réponse à l’endotoxine, et que cette suppression était prévenue par le bêtabloquant métoprolol.10 Comme l’ont démontré Farmer et Pugin,9 ces effets dépendent des récepteurs β2-adrénergiques et de l’activation secondaire du système AMP cyclique-protéine kinase A, entraînant une inhibition du facteur de transcription nuclear factor kappa B (NF-κB), un régulateur central de l’immunité et de l’inflammation. De la même manière, au niveau des macrophages, l’activation β2-adrénergique réduit la production de cytokines inflammatoires, augmente l’apoptose et favorise leur polarisation vers un phénotype anti-inflammatoire, avec production de cytokines anti-inflammatoires comme l’IL-10.11 Concernant les neutrophiles, quelques études ont montré que la noradrénaline et d’autres catécholamines réduisent leur chimiotactisme, leur capacité de phagocytose bactérienne et leur production de cytokines inflammatoires, via un mécanisme dépendant ici des récepteurs α2-adrénergiques.12,13 Finalement, les catécholamines ont la capacité de stimuler la prolifération et la mobilisation des cellules MDSC immunosuppressives, via un mécanisme non élucidé.5
L’activation des récepteurs β2-adrénergiques par la noradrénaline au niveau de différentes classes de lymphocytes T entraîne divers effets résultant en une inhibition de l’immunité adaptative. La noradrénaline réduit notamment la prolifération des lymphocytes, via l’inhibition AMP cyclique-dépendante, de l’assemblage des éléments du cytosquelette nécessaires à la division cellulaire,14 et augmente leur apoptose en modifiant l’équilibre entre protéines pro- et antiapoptotiques.15,16
Lors de l’activation des lymphocytes T CD4+ (T helpers), ceux-ci se polarisent vers un phénotype dit « Th1 » ou « Th2 » qui possède chacun une « signature » cytokinique spécifique, pro-inflammatoire pour les Th1 (IL-2, IFNγ, TNFα) et immunosuppressive pour les Th2 (IL-4, IL-5, IL-10). A cet égard, une dérive de cet équilibre en faveur du profil Th2 est une altération caractéristique de l’immunodépression associée au sepsis.5 Il a été montré que la stimulation β2-adrénergique favorisait une telle dérive, en inhibant les réponses Th1 et en favorisant la polarisation vers le phénotype Th2,8,17 soit via un effet direct sur les lymphocytes, ou via un effet indirect, lié à une dysfonction des cellules présentatrices d’antigènes. En effet, l’activation β2-adrénergique au niveau des cellules dendritiques supprime leur capacité à présenter les antigènes et réduit leur production de cytokines inflammatoires, notamment l’IL-12.18 Concernant les autres classes de lymphocytes T, divers effets de la noradrénaline ont été démontrés, tels que l’inhibition de l’activation des lymphocytes CD8+ (T cytotoxiques) en réponse à des antigènes viraux et tumoraux,19 l’augmentation de l’activité immunosuppressive des lymphocytes T régulateurs (Treg)18 et la diminution de l’activité cytotoxique des cellules tueuses, de types T (cellules NKT) et non T (cellules NK).20
Outre les effets précités, il existe également de nombreuses interactions entre les catécholamines et les micro-organismes, propres à favoriser leurs croissance et virulence. Ces effets sont indépendants des récepteurs adrénergiques, qui ne sont pas exprimés par les bactéries. La structure chimique des catécholamines est voisine de celle des sidérophores, qui sont des composés bactériens permettant d’internaliser le fer nécessaire à la croissance bactérienne. Ce mécanisme favorise la prolifération de nombreuses bactéries, notamment Pseudomonas, Staphylocoques et Pneumocoques, augmente leur résistance aux antibiotiques, et promeut la formation de biofilms à la surface des cathéters et des tubes endotrachéaux à l’origine de la survenue d’infections nosocomiales.21 En outre, les catécholamines ont la capacité d’influencer le processus de quorum sensing, un mécanisme de communication au cours duquel les bactéries modifient leur expression génique en réponse à des molécules appelées auto-inducteurs. L’adrénaline et la noradrénaline sont reconnues par le récepteur bactérien QseC, qui est impliqué dans le signaling dépendant de l’auto-inducteur AI-3. Ainsi, en mimant l’action de AI-3, les catécholamines peuvent activer l’expression de gènes de virulence.22
Bien que les effets des catécholamines sur les cellules immunes et les bactéries soient propres à favoriser la survenue d’infections nosocomiales, on n’en connaît pour l’heure pas le rôle exact en clinique, car aucune étude n’a évalué les conséquences immunologiques des catécholamines au cours du choc septique chez l’homme. On peut présumer que de telles conséquences immunosuppressives existent, au vu d’études expérimentales ayant montré que l’administration exogène de catécholamines, ou leur augmentation endogène (via l’application d’un stress émotionnel), entraînaient une importante réduction de cytokines inflammatoires (TNFα, IL-6, IL-8), couplée à une augmentation de l’IL-10 anti-inflammatoire, au cours de l’endotoxémie humaine.5 De plus, il faut également mentionner que l’hyperactivation sympathique après un traumatisme craniocérébral ou une attaque cérébrale chez l’homme, déclenche un état d’immunosuppression et une incidence élevée d’infections secondaires.5 Un essai clinique en cours (NCT 02068287, étude ESMOSEPSIS) devrait prochainement fournir d’importantes informations sur le rôle immunosuppresseur des catécholamines au cours du choc septique, en évaluant les modifications du pattern cytokinique (balance pro- et anti-inflammatoire) induites par l’administration d’un bêtabloquant (esmolol) dans ce contexte.
Les catécholamines, au premier rang desquelles la noradrénaline, représentent le traitement de première ligne de la défaillance circulatoire du choc septique. Bien qu’indispensable au maintien en vie du malade choqué, la noradrénaline possède également de nombreux effets collatéraux, parmi lesquels les effets immunologiques sont les plus méconnus. En entravant les processus d’immunité innée et adaptative, tout en favorisant la croissance et la virulence des bactéries, la noradrénaline (et les autres catécholamines) pourrait jouer un rôle important dans l’immunosuppression chronique et les complications infectieuses récidivantes pouvant compliquer le cours du sepsis. L’intensiviste doit donc réserver l’emploi des catécholamines aux situations critiques, en limiter le dosage au minimum nécessaire et pour les périodes les plus brèves possibles.
Les auteurs n’ont déclaré aucun conflit d’intérêts en relation avec cet article.
Le professeur Lucas Liaudet est soutenu par le Fonds national de la recherche scientifique (subside No 310030_162629/1).
▪ La réponse immune associée au sepsis comporte trois volets : hyper-inflammation, réponse anti-inflammatoire et immunosuppression, affectant tant l’immunité innée qu’adaptative
▪ Cette immunosuppression peut conduire à un état catabolique chronique et des infections récidivantes (PICS : persistent inflammation, immunosuppression, and catabolism syndrome)
▪ La noradrénaline utilisée dans le traitement du choc septique exerce de multiples effets immunodépresseurs, médiés par des récepteurs ®-2 adrénergiques sur les cellules immunes
▪ La noradrénaline favorise également la croissance bactérienne, en stimulant le transport du fer et en mimant l’action d’un auto-inducteur microbien impliqué dans le quorum sensing
▪ Les effets immunologiques de la noradrénaline pourraient jouer un rôle important dans le développement de l’immunosuppression associée au choc septique
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