Sommaire du numéro
ISO 690 Buso, G., Calanca, L., Ney, B., Fresa, M., Mazzolai, L., Traitement médical optimal de l’artériopathie oblitérante des membres inférieurs en 2018, Rev Med Suisse, 2018/630 (Vol.14), p. 2202–2206. DOI: 10.53738/REVMED.2018.14.630.2202 URL: https://www.revmed.ch/revue-medicale-suisse/2018/revue-medicale-suisse-630/traitement-medical-optimal-de-l-arteriopathie-obliterante-des-membres-inferieurs-en-2018
MLA Buso, G., et al. Traitement médical optimal de l’artériopathie oblitérante des membres inférieurs en 2018, Rev Med Suisse, Vol. 14, no. 630, 2018, pp. 2202–2206.
APA Buso, G., Calanca, L., Ney, B., Fresa, M., Mazzolai, L. (2018), Traitement médical optimal de l’artériopathie oblitérante des membres inférieurs en 2018, Rev Med Suisse, 14, no. 630, 2202–2206. https://doi.org/10.53738/REVMED.2018.14.630.2202
NLM Buso, G., et al.Traitement médical optimal de l’artériopathie oblitérante des membres inférieurs en 2018. Rev Med Suisse. 2018; 14 (630): 2202–2206.
DOI https://doi.org/10.53738/REVMED.2018.14.630.2202
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Angiologie-hémostase
5 décembre 2018

Traitement médical optimal de l’artériopathie oblitérante des membres inférieurs en 2018

DOI: 10.53738/REVMED.2018.14.630.2202

Lower extremity artery disease is a very common disease, which is frequently associated with consistent disability in terms of both clinical symptoms and functioning. It is also associated with important morbidity and mortality, because of a significant increase in overall cardiovascular risk in affected patients. The establishment of an optimal medical treatment, including a careful management of the different cardiovascular risk factors through a healthy lifestyle, a regular and structured physical activity and the administration (if indicated) of antihypertensive, lipid-lowering, antidiabetic and antithrombotic drugs is a fundamental component in the clinical management of these patients and should always be considered by the clinicians facing the disease.

Résumé

L’artériopathie oblitérante des membres inférieurs est une pathologie très fréquente, souvent invalidante autant sur le plan symptomatologique que fonctionnel. Elle est associée par ailleurs à une morbidité et une mortalité considérables, en raison d’une augmentation significative du risque cardiovasculaire global chez les patients atteints. L’instauration d’un traitement médical optimal, incluant une gestion attentive des différents facteurs de risque cardiovasculaire au travers d’un mode de vie sain, d’une activité physique régulière et structurée et de l’administration (si indiquée) de médicaments antihypertenseurs, hypolipémiants, antidiabétiques et antithrombotiques, représente le pilier du traitement des patients artériopathes et doit être encouragée et gérée par les médecins en charge de ces patients.

Introduction

L’artériopathie oblitérante des membres inférieurs (AOMI), qui consiste essentiellement en une atteinte athéromateuse, est une pathologie largement répandue qui touche actuellement plus de 200 millions d’individus dans le monde. Elle est associée à une morbidité et une mortalité considérables, puisque les patients souffrant d’une AOMI présentent un risque augmenté de développer des événements indésirables majeurs, soit au niveau cardiaque et cérébral (major adverse cardiac events ou MACE, par exemple infarctus du myocarde, accident vasculaire cérébral et mort d’origine cardiovasculaire), soit au niveau des membres atteints (major adverse limb events ou MALE, par exemple amputation majeure et ischémie aiguë du membre inférieur) (figure 1). C’est le cas notamment des patients symptomatiques, chez qui le risque de survenue de ces deux catégories d’événements est augmenté à respectivement 4-5 %/an et à 1-2 %/an.1

Fig 1

Evénements cardiovasculaires indésirables majeurs associés à l’AOMI

Depuis plusieurs années, les spécialistes des maladies vasculaires ont édicté l’instauration conjointe d’un traitement médical standardisé et d’une gestion attentive des différents facteurs de risque au travers de nombreuses recommandations. Les mesures proposées visent d’une part, une amélioration symptomatologique et fonctionnelle et d’autre part, une limitation de la progression athérothrombotique. Les différentes approches du traitement médical optimal de l’AOMI sont traitées plus en détail ci-après (figure 2). Bien que cette attitude doive également être envisagée chez les patients présentant une indication chirurgicale, ce sous-groupe mérite une discussion séparée et n’a pas été traité dans cet article.

Fig 2

Traitement médical optimal (TMO) de l’AOMI

TA : tension artérielle ; LDL-C : cholestérol LDL.

Prise en charge non pharmacologique

Tabagisme

Bien qu’elle ait diminué en Europe, la consommation tabagique reste malheureusement très répandue, même en augmentation chez les femmes, les adolescents et les personnes socialement défavorisées. Le tabagisme est la cause établie d’une multitude de maladies et est responsable de 50 % de tous les décès évitables chez les fumeurs, dont la moitié pour maladies cardiovasculaires. Fumer affecte la fonction endothéliale, les processus oxydatifs, la fonction plaquettaire, la fibrinolyse, l’inflammation, l’oxydation lipidique et la fonction vasomotrice, ce qui détermine l’induction et la progression de l’athérosclérose et des phénomènes thrombotiques supplémentaires. Les avantages du sevrage tabagique sont avérés, même à bref délai et cette mesure doit être encouragée chez tous les fumeurs. Un soutien professionnel permet d’augmenter les chances d’arrêter (RR (risque relatif) : 1,66 ; IC 95 % (intervalle de confiance) : 1,42-1,94).2 Une anamnèse précise du tabagisme, y compris de la consommation quotidienne de tabac et le degré de dépendance (le plus souvent évalué par le test de Fagerstrom) permettent d’évaluer le degré de soutien nécessaire et l’éventuelle indication à une aide pharmacologique, représentée essentiellement par la thérapie de remplacement de la nicotine (TRN), la varénicline et le bupropion. Toutes les formes de TRN (chewing-gum, patch transdermique, spray nasal, inhalateur, comprimés sublinguaux) sont efficaces, surtout en combinaison. Dans une revue systématique, le RR d’abstinence avec TRN vs le groupe témoin était de 1,60, les TRN augmentant les taux de sevrage de 50-70 %.3 L’antidépresseur bupropion présente une efficacité à long terme similaire,4 malgré un risque connu de convulsions associé à son utilisation (1/1000 cas). Selon trois études incluant 1622 personnes, les taux de succès sont encore plus élevés (c’est-à-dire plus que doublés par rapport au placebo) avec la varénicline, un agoniste partiel des récepteurs de la nicotine.5 L’effet indésirable le plus fréquent est la nausée, généralement légère ou modérée, avec un risque réduit par un début de traitement utilisant de faibles doses du médicament et qui tend à disparaître avec le temps.

Nutrition

Les habitudes alimentaires influencent le risque cardiovasculaire, en partie par un effet sur les facteurs de risque tels que le cholestérol, la tension artérielle (TA), le poids corporel et le diabète. La plupart des preuves sur la relation entre la nutrition et les maladies cardiovasculaires reposent sur des études observationnelles, alors que les études cliniques randomisées (ECR) sont rares.

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Le régime méditerranéen comprend un grand nombre d’éléments nutritifs favorables sur le plan cardiovasculaire : il consiste en un apport élevé en fruits, légumes, légumineuses, céréales complètes, noix, poissons et acides gras insaturés (en particulier l’huile d’olive), une consommation modérée d’alcool (principalement du vin, de préférence consommé avec les repas) et une faible consommation de viande (rouge), de produits laitiers et d’acides gras saturés. Une méta-analyse d’études de cohortes prospectives a démontré qu’une plus grande adhésion à un régime méditerranéen est associée à une réduction de 10 % d’événements cardiovasculaires ou de la mortalité d’origine cardiovasculaire et à une réduction de 8 % de la mortalité totale.6 Une ECR chez des sujets à haut risque a par ailleurs suggéré que suivre un régime méditerranéen sur une période de 5 ans, comparé à un régime de contrôle, est associé à une réduction du risque cardiovasculaire de 29 %.7

Activité physique

L’activité physique (AP) a un effet positif sur de nombreux facteurs de risque cardiovasculaire, et notamment la TA, les taux de cholestérol LDL (LDL-C) et HDL, le poids corporel et la sensibilité à l’insuline. Dans un contexte d’AOMI symptomatique, l’AP est particulièrement efficace, permettant d’améliorer les symptômes et la qualité de vie, ainsi que d’augmenter le périmètre de marche maximal des patients atteints. L’AP aérobie est la modalité la plus étudiée et la plus recommandée, avec un effet dose-réponse bénéfique sur le profil cardiovasculaire. Elle consiste en l’utilisation des grandes masses musculaires de manière rythmée pendant une période prolongée et inclut les activités de la vie quotidienne, y compris les déplacements actifs (par exemple le vélo), les travaux ménagers intensifs, le jardinage, les activités professionnelles et les loisirs (par exemple la marche rapide et le nordic walking, la randonnée, le jogging et la course à pied, le cyclisme, le ski de fond, la danse aérobie, le patinage et la natation). Chez les patients avec AOMI, les programmes comprenant des activités de marche sont notamment indiqués. L’étude CLEVER8 qui a randomisé 111 patients avec claudication intermittente, secondaire à des lésions aorto-iliaques, en trois groupes (patients sous traitement médical optimal seul, patients sous traitement médical optimal en combinaison avec une AP supervisée et patients traités par revascularisation endovasculaire plus pose de stent), a montré que, à 6 mois, l’amélioration du périmètre de marche maximal était plus importante dans le groupe pratiquant une AP supervisée, alors que la chirurgie permettait quand même une amélioration du temps de marche par rapport au traitement médical optimal seul. A 18 mois, par contre, la différence de temps de marche maximal n’était pas statistiquement différente entre les groupes traités par AP supervisée et par traitement chirurgical. De plus, dans 30 ECR incluant 1816 sujets avec une claudication intermittente stable, l’AP augmentait le périmètre de marche maximal d’environ 5 minutes sur le tapis roulant.9 Les périmètres de marche sans douleur et maximaux étaient augmentés de 82 et 109 mètres, respectivement, avec des bénéfices qui persistaient jusqu’à 2 ans.

Il faut souligner que l’AP supervisée est globalement plus efficace qu’une activité sans supervision. Dans 14 études sur 1002 participants assignés à une AP supervisée ou à une AP sans supervision pour une durée de 6 semaines à 12 mois, les périmètres de marche sans douleur et maximaux augmentaient d’environ 180 mètres dans le groupe supervisé, avec des avantages qui persistaient jusqu’à un an. Bien qu’un programme de marche à domicile ne soit pas aussi performant, il reste une alternative utile, avec des bénéfices majeurs sur la qualité de vie et la capacité fonctionnelle. D’autres types d’exercices alternatifs (cyclisme et AP ciblée sur les membres supérieurs) peuvent être utiles lorsque la marche n’est pas une option praticable. Finalement, bien que l’AP soit souvent impossible chez les patients avec des douleurs au repos ou des lésions ischémiques aux membres inférieurs, elle peut être envisagée après une revascularisation efficace.

Traitements pharmacologiques

Traitement hypolipémiant

Les méta-analyses de nombreuses études sur les statines démontrent une relation entre la diminution des niveaux de LDL-C et la réduction relative dose-dépendant des taux de maladies cardiovasculaires : chaque diminution de 1,0 mmol/l du LDL-C étant associée à une réduction correspondante de 20 à 25 % de la mortalité d’origine cardiovasculaire et infarctus du myocarde non fatal.10

Selon les dernières recommandations internationales, le LDL-C doit être réduit à moins de 1,8 mmol/l (< 70 mg/dl) ou diminué de plus de 50 % si le taux initial de LDL-C se situe entre 1,8 et 3,5 mmol/l (70 et 135 mg/dl) chez les patients atteints de maladies cardiovasculaires cliniquement significatives.11 Plusieurs études observationnelles et ECR ont démontré que le traitement par statine détermine une réduction du taux d’événements cardiovasculaires et de la mortalité totale. Par ailleurs, le registre REACH a montré que l’utilisation de ces médicaments chez les sujets avec AOMI est associée à une diminution de 17 % du taux d’événements cardiovasculaires.12 En général, le profil de sécurité des statines est acceptable et leur administration est conseillée chez tous les patients avec AOMI symptomatique. Un traitement combiné à l’ézétimibe chez certains sujets pourrait être aussi bénéfique.13 L’étude FOURIER a récemment démontré les avantages supplémentaires de l’évolocumab, un anticorps monoclonal inhibant la proprotéine convertase subtilisine/kexine de type 9 (PCSK9), pour réduire le risque cardiovasculaire chez les patients atteints par rapport aux statines seules.14 Ces effets étaient importants, y compris dans le sous-groupe de 1505 patients avec AOMI, mais d’autres résultats sont encore attendus.

Traitement antihypertenseur

Les plus récentes directives de l’ESC (European Society of Hypertension) recommandent une réduction de la TA à < 140/90 mmHg chez tous les sujets, y compris ceux avec AOMI. A condition que le traitement antihypertenseur soit bien toléré, ces valeurs devraient être amenées ultérieurement à 130/80 mmHg ou moins chez la plupart des patients. Chez les personnes âgées (> 65 ans), la TA systolique (TAS) idéale cible se situe entre 130 et 140 mmHg (mais pas < 120 mmHg), alors que la TA diastolique (TAD) doit être idéalement < 80 mmHg.

Chez les patients avec AOMI, les données disponibles sur l’efficacité d’un bon contrôle tensionnel proviennent principalement de l’étude INVEST.15 Des précautions doivent être prises pour éviter une diminution de la TAS en dessous de 110-120 mmHg, puisque l’essai a suggéré que le risque cardiovasculaire augmente si la TA est trop basse, ce qui constitue le phénomène de la « courbe en J». La forme en J reflète un risque accru à des niveaux de TA élevés, décroissant en parallèle avec la réduction des valeurs tensionnelles jusqu’à un nadir, au-dessous duquel une baisse de la TA réaugmente le risque. Les diurétiques, les bêtabloquants, les antagonistes du calcium, les inhibiteurs de l’enzyme de conversion de l’angiotensine (IECA) et les antagonistes des récepteurs de l’angiotensine (ARA) sont tous envisageables, y compris en combinaison. Dans l’étude susmentionnée, aucune différence n’a été observée en termes de modification du risque cardiovasculaire entre un traitement de vérapamil plus trandolapril ou d’aténolol plus hydrochlorothiazide. Les études HOPE et ONTARGET ont également montré que les IECA et les ARA réduisent de manière significative les événements cardiovasculaires chez les patients avec une artériopathie.16 Par conséquent, ces deux classes d’antihypertenseur sont également recommandées pour la prévention secondaire dans ce contexte, même en présence d’ischémie critique du membre inférieur, où leur utilisation est associée à une diminution des MACE et de la mortalité totale, néanmoins sans effet sur le membre atteint.17 A noter qu’une méta-analyse a montré une amélioration des périmètres de marche sans douleur et maximaux lors de l’utilisation d’un IECA par rapport au placebo.18 Toutefois, il faut noter que deux des six ECR ont été retirées en raison d’une faiblesse des données et que la méta-analyse des études restantes n’était pas concluante.

Chez certains patients avec AOMI, un traitement par bêtabloquants est indiqué en raison des comorbidités telles que l’insuffisance cardiaque. Il est important de spécifier que des études ont démontré que les bêtabloquants, en particulier le nébivolol, ne sont pas contre-indiqués chez les patients avec claudication intermittente.19 Néanmoins, les bêtabloquants doivent être prescrits avec prudence chez les patients présentant une ischémie critique du membre inférieur.

Traitement antithrombotique

L’introduction d’un traitement antithrombotique chez les patients avec AOMI a pour but principal de prévenir les MACE et les MALE. Le choix d’introduire un tel traitement va dépendre de la présence de symptômes liés à l’AOMI, incluant la claudication intermittente typique ou atypique, la douleur ischémique de repos, les ulcères ischémiques ou les antécédents de revascularisation des membres inférieurs. La présence d’une coronaropathie ou d’une atteinte vasculaire cérébrale concomitante influence également le choix du traitement antithrombotique.

Les recommandations actuelles conseillent l’utilisation d’un antiagrégant plaquettaire en monothérapie chez les patients asymptomatiques avec des antécédents de maladie cardiovasculaire et chez ceux qui présentent une AOMI symptomatique (de préférence le clopidogrel, surtout en cas de maladie stable), alors qu’un traitement n’est pas indiqué chez les patients asymptomatiques sans atteinte coronarienne ou vasculaire cérébrale.20 A noter que la plupart des patients avec AOMI ne présentent pas de signes cliniques de maladie coronarienne ou vasculaire cérébrale. Par conséquent, ces comorbidités doivent être activement recherchées dans ce contexte, puisque leur présence peut influencer la prise en charge médicale globale, surtout chez les patients asymptomatiques.

Deux études, l’une dans la population générale (avec un ABI (ankle-brachial index) < 0,95)21 et l’autre chez des patients diabétiques (avec un ABI < 1,0),22 n’ont révélé aucun bénéfice de l’aspirine chez les patients asymptomatiques.

Chez les sujets symptomatiques, les preuves les plus probantes en faveur du rôle protecteur de l’aspirine contre les MACE proviennent de la Antithrombotic Trialists Collaboration : chez 6200 patients, l’aspirine réduit significativement les taux de MACE par rapport aux contrôles (6,4 vs 7,9 %). Une autre méta-analyse d’ECR comparant l’aspirine au placebo chez des sujets avec AOMI symptomatique ou asymptomatique a démontré une réduction non significative des MACE dans le groupe traité (RR : 0,75 ; IC 95 % : 0,48-1,18).23

Dans une analyse « post hoc » de l’étude CAPRIE,24 le clopidogrel était supérieur à l’aspirine à trois ans dans le sous-groupe de patients symptomatiques, qui présentaient une réduction significative de la mortalité d’origine cardiovasculaire (HR hazard ratio) : 0,76 ; IC 95 % : 0,64-0,91) et des MACE (HR : 0,78 ; IC 95 % : 0,65-0,93), avec un bénéfice similaire chez les diabétiques.

L’étude EUCLID, qui a comparé le ticagrélor au clopidogrel chez des patients âgés de plus de 50 ans présentant une AOMI symptomatique1 n’a, par contre, pas démontré de différence en ce qui concerne les MACE (HR : 102 ; IC 95 % : 0,92-113) ou les hémorragies majeures (HR : 1,10 ; IC 95 % : 0,84-1,43). De plus, les patients sous ticagrélor devaient arrêter le médicament plus souvent que ceux du groupe contrôle (30,1 vs 25,9 % ; p < 0,001), principalement en raison d’une dyspnée ou d’un épisode hémorragique mineur. Une sous-analyse de cette étude25 chez les sujets ayant subi une revascularisation endovasculaire n’a pas non plus révélé de différence significative dans les taux de MACE ou des critères de jugement secondaires composites des MACE et ischémie aiguë des membres inférieurs nécessitant une hospitalisation, avec un risque de survenue d’hémorragies majeures et mineures similaire.

A noter finalement qu’une ECR26 a relevé deux caractéristiques importantes du clopidogrel : jusqu’à 30 % des 40 patients inclus étaient résistants au médicament, probablement en raison de variations génétiques de l’isoenzyme CYP2C19, tandis qu’une analyse de sous-groupes de l’étude MIRROR a rapporté un effet rebond après sa suspension (soit la survenue d’événements indésirables dans les 90 jours initiaux après l’arrêt du clopidogrel noté dans certaines analyses rétrospectives précoces). Bien qu’une ECR récente n’ait pas retrouvé cet effet chez les patients présentant une maladie cardiovasculaire stable,27 il semble utile de le signaler et d’en tenir compte en cas d’arrêt de ce médicament.

Thérapie antithrombotique chez les patients présentant une indication à une anticoagulation orale à long terme

La fibrillation auriculaire (FA) est une comorbidité fréquente chez les patients avec AOMI, avec une prévalence estimée à 10-13 % dans ce contexte. Elle s’associe, par ailleurs, à un plus mauvais pronostic par rapport aux sujets avec artériopathie sans FA. Quand une anticoagulation orale (AO) au long cours est indiquée (c’est-à-dire score CHA2DS2-VASc ≥ 2 ou en cas de valve cardiaque prothétique mécanique) et qu’une thérapie antiplaquettaire est également recommandée (par exemple en cas de coronaropathie concomitante ou d’AOMI nécessitant une revascularisation) la durée du traitement combiné doit être la plus limitée possible, en fonction de l’indication clinique et du risque de saignement.28

A l’exception de ces patients et de cas encore plus particuliers (c’est-à-dire en présence de stents en dessous du genou ou de lésions complexes à très haut risque de thrombose, indiquant une trithérapie avec un AO plus aspirine plus clopidogrel) le traitement combiné est déconseillé et une monothérapie par AO doit toujours être préférée.20

Perspectives futures : l’étude Compass

Le rivaroxaban, un inhibiteur direct du facteur Xa, a été étudié dans l’étude COMPASS29 qui a inclus 27 395 patients présentant une maladie coronarienne stable, dont 7470 patients présentant une AOMI plus une coronaropathie ou une maladie vasculaire cérébrale cliniquement manifeste. Les participants ont été randomisés pour recevoir du rivaroxaban à faible dose (2,5 mg deux fois par jour) plus de l’aspirine, du rivaroxaban (5 mg deux fois par jour) ou de l’aspirine seule. Le rivaroxaban à 2,5 mg associé à l’aspirine, mais pas le rivaroxaban à 5 mg seul, a significativement diminué la survenue de MACE comparativement à l’aspirine seule. Parmi les participants avec AOMI, le rivaroxaban à faible dose plus aspirine réduisait les MACE (5,1 vs 6,9 % ; p = 0,005), les MALE (0,9 % vs 2,4 % ; p = 0,004), l’ischémie aiguë des membres inférieurs (0,8 vs 1,4 % ; p = 0,04) et les amputations majeures (0,2 vs 0,7 % ; p = 0,01), au prix, par contre, d’une augmentation des événements hémorragiques par rapport à l’aspirine seule. Les saignements étaient principalement gastro-intestinaux (1,6 vs 0,7 % ; p = 0,03) avec peu d’hémorragies intracrâniennes (0,2 vs 0,4 %) ou mortelles (0,2 vs 0,1 %).

Conclusion

L’AOMI est une maladie très fréquente engendrant une morbidité et une mortalité considérables, notamment en raison d’un risque augmenté de MACE et MALE. Selon l’état actuel des connaissances, le traitement médical optimal chez ces patients inclut un contrôle optimal des différents facteurs de risque cardiovasculaire, au travers de l’abstention du tabac, d’un régime alimentaire adapté, d’une activité physique régulière et structurée et d’un contrôle strict des valeurs de TA et du LDL-C. En outre, chez les patients diabétiques, un contrôle optimal de la glycémie doit être poursuivi selon les recommandations actuelles. Dans le contexte d’une AOMI symptomatique stable, une antiagrégation plaquettaire par clopidogrel en monothérapie est recommandée. Dans un avenir proche, les résultats de l’étude COMPASS étudiant l’association de l’aspirine et du rivaroxaban à faible dose pourront peut-être modifier l’attitude thérapeutique futur chez ces patients.

Conflit d’intérêts :

Les auteurs n’ont déclaré aucun conflit d’intérêts en relation avec cet article.

Implications pratiques

▪ Un style de vie sain, incluant le sevrage tabagique, un régime méditerranéen et une activité physique régulière et structurée constitue le pilier de base de la prise en charge des patients avec AOMI

▪ Une gestion attentive des différents facteurs de risque cardiovasculaire, par un bon contrôle des valeurs de TA, LDL-C et glycémie, doit être également poursuivie, si nécessaire à l’aide d’un traitement pharmacologique

▪ Dans un contexte d’AOMI, il est important de rechercher d’autres atteintes vasculaires (surtout au niveau coronarien et carotidien), car leur présence peut influencer la stratégie médicale

▪ Chez les patients présentant une AOMI symptomatique stable, une antiagrégation plaquettaire par clopidogrel en monothérapie est actuellement recommandée

Auteurs

Giacomo Buso

Service d’angiologie, Département cœur-vaisseaux, Centre hospitalier universitaire vaudois
1011 Lausanne
giacomo.buso@chuv.ch

Barbara Ney

Service d’angiologie, Département cœur-vaisseaux, CHUV
1011 Lausanne
barbara.ney@chuv.ch

Marco Fresa

Service d’angiologie, Département cœur-vaisseaux, Centre hospitalier universitaire vaudois
1011 Lausanne
marco.fresa@chuv.ch

Lucia Mazzolai

Service d’angiologie
CHUV, 1011 Lausanne
Lucia.Mazzolai@chuv.ch

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